PLF 2021 : le Sénat suspend le jour de carence pour les agents dont l'arrêt maladie est « directement lié au covid-19 »
Une « réponse bienvenue », du « bon sens », une « injustice réparée »... La mesure adoptée, hier, par les sénateurs, lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, a fait l'unanimité sur les bancs de la chambre haute et du côté du gouvernement, ce dernier s’y étant longtemps opposé depuis la fin de l’été.
C’est « une solution juste et équitable qui répond à une situation inédite », a défendu le rapporteur Jean-François Husson (LR), à l’origine de l’amendement visant à suspendre le jour de carence pour les agents publics dont l'arrêt maladie est « directement lié à l'épidémie de covid-19 », comme c’est le cas aujourd’hui pour les salariés du secteur privé.
« Rétablir l’équilibre » avec les salariés du privé
« Face au risque de troisième vague, la première chose à faire est de respecter les consignes et de permettre aux cas contact de s'isoler le plus rapidement possible », a-t-il expliqué, soulignant que, « en cas de nouvelle vague, il appartiendra au gouvernement d'imaginer, en fonction de l'évolution de la pandémie, un nouveau dispositif ». Si « cet amendement n'est pas la seule mesure pour une politique d'isolement efficace », il en est « la condition », a fait valoir de son côté le sénateur de la Vendée Bruno Retailleau (LR).
Annoncée dès vendredi par la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, cette disposition - issue d’un « travail commun mené avec le gouvernement » - vise à « rétablir un équilibre » avec les salariés du secteur privé, explique ce matin Amélie de Montchalin, qui défendait pourtant, quelques jours plus tôt, dans un courrier adressé aux organisations syndicales, qu’une suspension du jour de carence « ne pourrait se limiter à un ciblage sur le covid-19 (…) pour des motifs de secret médical » .
Obstacle qui semble avoir été résolu puisque la ministre assure, dans son communiqué, que « le secret médical sera garanti dans le cadre de la démarche qui sera mise en place par l’Assurance maladie permettant à l’agent de saisir ses données et de recevoir une attestation ne faisant pas mention de la pathologie ».
Pour rappel, l’ensemble des organisations syndicales représentatives de la fonction publique, la Coordination des employeurs territoriaux ainsi que l’Association des DRH des grandes collectivités ont appelé à plusieurs reprises le gouvernement à suspendre le jour de carence durant la pandémie, le jugeant « inégalitaire » et « source d'effets de bord négatifs » puisqu’il conduirait les agents « à minorer leurs symptômes pour éviter des prélèvements sur salaire ».
Suspension jusqu’au 16 février 2021
Si le texte prévoit que cette suspension s'applique jusqu'à la fin de la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, le 16 février 2021, celle-ci doit encore être actée par un décret « courant janvier », après l’entrée en vigueur de la loi de finances.
Ce décret, selon Amélie de Montchalin qui souhaite « encourager l'isolement et l’auto-isolement », permettra de prévoir « la suspension du jour de carence pour les agents publics testés positifs après avoir été cas contact, comme cela est déjà le cas pour les salariés du secteur privé », mais aussi « pour les agents testés positifs sans avoir été au préalable cas contact pour les inciter à s’auto-isoler ».
A noter que la date de fin du dispositif n'est pas la même pour le privé (prévue le « 31 janvier » ), a rappelé le ministre en charge des Comptes publics, Olivier Dussopt, qui a assuré que le gouvernement veillera à ce « qu'il n'y ait pas d'inégalité ».
Ce débat a été l’occasion pour les sénateurs d’opposition de réclamer l’extension de la suspension du jour de carence. Au regard de « la situation sanitaire », le sénateur de la Sarthe Thierry Cozic (PS) a ainsi estimé que le dispositif devrait être maintenu « au-delà de la fin de l'état d'urgence », quand d’autres ont demandé sa généralisation.
« S'arrêter avant de transmettre un virus, avant que la maladie ne s'aggrave, cela vaut pour toutes les pathologies, et milite pour la suppression du jour de carence pour tous », a défendu la sénatrice du Val-de-Marne Sophie Taillé-Polian (Génération.s), suivie par la sénatrice communiste de la Loire Cécile Cukierman qui a estimé que « la pertinence du jour de carence se pose aussi lors des épidémies de grippe ».
Interco : l’harmonisation de la tarification déchets jusqu’en 2024
En parallèle, les sénateurs ont décidé de prolonger jusqu’au 31 décembre 2024 le délai octroyé aux intercommunalités issues de fusions pour parvenir à l’harmonisation de leur tarification des déchets. L'objectif est « ne pas décourager le déploiement d’une tarification incitative » alors que « la crise sanitaire et le report du second tour des élections locales ont repoussé les capacités des collectivités à prendre des décisions stratégiques ».
Une disposition pour laquelle le gouvernement a donné un avis favorable, contrairement à une série d’autres amendements adoptés et qui concernent les collectivités, notamment les communes et les EPCI. Contre l’avis du gouvernement donc, les sénateurs ont souhaité leur permettre de réaliser plusieurs exonérations : de CFE (pour les entreprises de leur territoire, les réseaux de chaleur et les très petites entreprises de musique enregistrée et d’édition musicale), de TFPB (les réseaux de chaleur et les installations et bâtiments affectés à la production d’hydroélectricité), d’IFER (les stations de transfert d’énergie par pompage) et de taxe d’aménagement (les activités liées aux secteurs de l’hôtellerie, des bars et de la restauration).
Ils ont également donné la possibilité aux collectivités de déterminer un abattement à la TEOM pour « les personnes de condition modeste, les personnes âgées ou handicapées et de conditions modestes », mais aussi de réduire le taux de la taxe de publicité foncière ou des droits d'enregistrement (de 3,80 % jusqu'à 0,7 %) afin de « favoriser la rénovation et la transformation des bâtiments existants ».
Par ailleurs, ils sont revenus sur la limitation du dispositif Pinel aux logements collectifs et ont prolongé le dispositif Prêt à taux zéro (PTZ) jusqu’en 2024.
Le Sénat doit voter aujourd’hui, en première lecture, ce projet de budget pour 2021. Dans la foulée, députés et sénateurs tenteront de se mettre d'accord, mercredi, sur un texte commun. En cas d'échec, probable, le projet de loi repartira à l'Assemblée nationale lundi prochain, avec l'objectif d'une adoption définitive avant le 18 décembre.
A.W.
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