Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 4 février 2025
Budget de l'état

Budget : le gouvernement Bayrou devrait échapper à la censure

Sans surprise, François Bayrou a engagé hier la responsabilité de son gouvernement sur les deux textes budgétaires, mais sans risque, cette fois, d'être renversé dans l'immédiat. Le budget sur lequel il a engagé sa responsabilité n'a été modifié qu'à la marge par rapport à la version issue de la CMP.

Par Franck Lemarc

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© Assemblée nationale

« Sur le fondement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, j’ai l’honneur d’engager la responsabilité du gouvernement sur l’ensemble du projet de loi… ». Cette phrase, prononcée deux fois hier par le Premier ministre, sur le projet de loi de finances pour 2025 et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, devient étrangement banale. Depuis trois ans, elle aura été prononcée 23 fois par Élisabeth Borne, une fois par Michel Barnier (elle lui sera fatale), et donc déjà deux fois par François Bayrou. Conséquence d’une Assemblée sans majorité, les gouvernements successifs n’ont plus d’autre choix que de faire passer leurs textes budgétaires via le 49.3. 

Des derniers ajustements à la marge

Depuis hier, le texte issu de la commission mixte paritaire a enfin été mis en ligne sur le site de l’Assemblée nationale, tout comme celui sur lequel le gouvernement engage sa responsabilité – et ce n’est pas tout à fait le même. François Bayrou a dit hier que le texte final était « modifié par des amendements techniques et de coordination », en réalité un peu plus que cela. 

En comparant la version issue du Sénat, celle de la CMP et la version finale, que retenir des changements concernant les collectivités territoriales, en matière de dépenses ?

Concernant le programme « Cohésion des territoires », la CMP a diminué les crédits par rapport à la version Sénat d’environ 300 millions d’euros : c’est essentiellement l’aide à l’accès au logement qui a été rabotée, passant de 17,2 milliards à 16,7. En revanche, les crédits pour l’urbanisme et pour la politique de la ville ont été légèrement augmentés en CMP, et maintenus à ce niveau par le gouvernement. 

Sur le programme « Culture », les fonds votés par le Sénat ont été maintenus en l’état. En revanche, plusieurs changements sont à remarquer sur le programme « Écologie », qui augmente de 2 milliards d’euros dans la version finale du gouvernement. Cette différence, notable, vient d’un abondement du gouvernement aux crédits de la mission « Service public de l’énergie », passée de 6,7 milliards à 8,9 milliards entre la CMP et la version finale. 

Du côté des fonds alloués aux collectivités dans le programme, les élus doivent retenir que le Fonds vert a été finalement fixé à 1,15 milliard d’euros – ce qui est plus que les intentions initiales du gouvernement, mais bien moins que les années précédentes. 
En CMP, les parlementaires ont, une fois de plus, supprimé le « fonds territorial climat »  voté par les sénateurs, soit 200 millions d’euros alloués aux intercommunalités pour financer les plans climat-air-énergie. Ces fonds ont été transférés sur le Fonds vert. De même, le (modeste) « fonds érosion côtière »  d’un million d’euros a été supprimé en CMP.

Pas de changement sur le Plan France très haut débit, qui reste à 77,5 millions d’euros (un niveau très bas par rapport aux années précédentes). Le budget alloué à l’enseignement scolaire, en revanche, est en hausse par rapport à la version Sénat – traduction, sans doute, de la promesse gouvernementale de ne pas supprimer 4 000 postes d’enseignants : le programme « Enseignement scolaire »  voit ses crédits augmenter d’un milliard d’euros. 

Le programme « Relations avec les collectivités territoriales »  a été légèrement raboté en CMP : fixé à 4,06 milliards d’euros par le Sénat, il sera finalement de 3,91 milliards. La CMP a notamment diminué les concours financiers aux collectivités territoriales de 100 millions d’euros. 

Enfin, la CMP a finalement encore diminué d’une centaine de millions d’euros le budget alloué aux sports, que le Sénat avait fixé à 1,63 milliard d’euros. Il s’élève, dans la version finale, à 1,56 milliard. 

Motion de censure

En séance, hier, le Premier ministre a reconnu que ce projet de budget n’est « pas parfait », mais qu’il permettra de contenir le déficit à 5,4 % du PIB. « Nous sommes désormais devant notre devoir », a poursuivi François Bayrou : « Si vous en décidez ainsi, à force de bonne volonté, de pas des uns vers les autres, d’efforts et de compréhension, la France disposera dans les dix jours d’un budget. » 

Pour le président LFI de la commission des finances, Éric Coquerel, ce budget est en revanche « encore plus austéritaire et plus nocif que celui que proposait Michel Barnier ». Il a estimé les coupes budgétaires de ce nouveau budget à « 6,4 milliards », qui s’ajoutent aux « 23,5 milliards »  amputés par Michel Barnier. Éric Coquerel a énuméré les ministères dont les crédits sont en forte baisse : travail, sports, logement, écologie, éducation nationale…

Sans surprise, la France insoumise a donc immédiatement déposé deux motions de censure, l’une portant sur le budget et l’autre sur le PLFSS. Celle qui concerne le budget de l’État affirme que par « l’amputation des moyens consacrés à nos services publics, à nos collectivités territoriales, et à nos politiques sociales et environnementales, c’est la totalité de l’action publique que le gouvernement Bayrou choisit de menacer ». Estimant que le gouvernement « piétine la démocratie parlementaire »  et « impose la destruction des services publics », LFI demande, une nouvelle fois, son renversement.

Le PS choisit de ne pas renverser le gouvernement

Mais cette fois, cette motion de censure ne passera pas. Hier après-midi, la direction du Parti socialiste a décidé que ses députés ne la voteraient pas. Tout en dénonçant « un budget de droite », le PS a choisi, « par esprit de responsabilité et dans l’intérêt du pays », de ne pas censurer le gouvernement. « Nous avons entendu les inquiétudes des Françaises et des Français, nous savons les craintes des entreprises, des collectivités locales et des associations qui attendent visibilité et stabilité pour construire leur propre budget, embaucher, investir, engager leurs projets. L’absence prolongée de budget pour notre pays est un risque pour notre économie que paieraient d’abord les plus vulnérables », écrivent les socialistes. 

En revanche, le PS annonce « qu’après l’adoption du budget », il déposera une motion de censure sur la question « des valeurs, de la démocratie, de l’État de droit », dénonçant une nouvelle fois l’expression de « submersion migratoire »  employée par François Bayrou, mais aussi « la remise en cause du droit du sol à Mayotte et en Guyane, le durcissement des critères de régularisation des sans-papiers, la diminution des crédits de l’aide médicale d’État ». 

Autant d’arguments qui assurent le PS que le Rassemblement national ne votera pas cette motion de censure, ce qui fait d’avance de cette motion de censure un geste purement symbolique, sans aucune chance de parvenir à renverser le gouvernement - et probablement uniquement destiné à montrer à ses alliés du NFP qu’il est toujours dans l’opposition. 

Quoi qu’il en soit, la décision du PS de ne pas censurer sur le budget, quelle que soit la décision qui sera prise par le Rassemblement national, assure au gouvernement Bayrou de ne pas être renversé pour l’instant, et permettra l’adoption du budget de l’État et de celui de la Sécurité sociale. 

Les motions de censure devraient être débattues demain, et leur rejet plus que probable conduira à l’adoption de ces textes par le Parlement, après une ultime passage au Sénat jeudi. 

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