Budget 2026 : les sénateurs défendent une contribution des collectivités qui « ne dépasse pas les 2 milliards d'euros »
Par A.W.
Le vent parlementaire tournait, hier, dans le sens des collectivités. Réunis en même temps, chacun de leur côté, sénateurs et députés ont fait part de leur volonté de revoir largement la copie du gouvernement pour l’année 2026. À leurs yeux, la note que pourrait subir les élus locaux l’an prochain est bien trop salée. De quoi entrevoir un peu d’espoir pour les élus locaux.
« Les élus ont trois attentes urgentes : ne pas aller au-delà des 2 milliards d'euros de ponction, répondre enfin aux besoins structurels des départements, garder le cadre actuel du Dilico », mais aussi « alléger les normes et conserver les périmètres des aides à l'investissement », a ainsi tenté de résumer le sénateur du Cantal Stéphane Sautarel (apparenté LR), à l’occasion du débat qui s’est tenu hier au palais du Luxembourg sur la situation des finances publiques locales.
Une participation « juste » et « équitable »
« Trop souvent apparues comme les boucs émissaires de la crise », notamment dans les « gouvernements précédents », « les collectivités territoriales ne sont pas responsables de la situation calamiteuse des finances publiques de notre pays », a d’abord rappelé, en préambule, le rapporteur général du budget, Jean-François Husson (LR). Comprendre : contrairement à l'État, ce « Léviathan impuissant » désormais « soumis à une cure d'amaigrissement après avoir trop longtemps festoyé à crédit ».
« En 2024, sur les 5,8 points de PIB que représente le déficit public, 5,3 points étaient imputables à l'État. Pour 40 euros de hausse de la dette publique depuis 2019, 1,1 euro seulement est imputable à la dette des collectivités territoriales », a ainsi relevé le sénateur de la Meurthe-et-Moselle.
Pour autant, il estime que les collectivités ne doivent pas être exonérées « de toute participation à l'effort collectif » de redressement des comptes publics. Mais « cette participation doit être proportionnée, conforme aux responsabilités de chacun et équitable », celle-ci ne devant « pas dépasser 2 milliards d'euros », contre 4,6 milliards d'euros actuellement prévus. « Toute contribution supérieure serait superflue et injuste », selon lui.
Sur la même ligne, le président de la commission des finances, Claude Raynal (PS), a jugé le budget 2026 proposé par le gouvernement « manifestement déséquilibré » et a défendu, lui aussi, une participation des collectivités « à son juste niveau ».
S’il s’est réjoui « des 300 millions d'euros supplémentaires pour le fonds de sauvegarde des départements », l'addition finale reste à ses yeux bien trop « corsée » : « On demande près de 4 milliards d'euros aux collectivités territoriales, deux fois plus que l'an dernier. C'est 6 milliards si l'on tient compte de la baisse du soutien à l'investissement et jusqu'à 7 milliards avec la hausse des cotisations à la CNRACL [Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales]. Le Dilico est porté à 2 milliards d'euros dans ce budget, mais ses conditions de remboursement sont rédhibitoires. »
« Traitement particulier » pour les départements
« Nous vous proposons une copie dont vous débattrez », a répondu la ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, Françoise Gatel, tout en rappelant qu’à « chaque heure qui passe, ce sont 12 millions d'euros supplémentaires qui viennent s’ajouter à la dette nationale ».
Prenant le soin de préciser que « les collectivités territoriales ne sont pas à l'origine de cette dette. Aucun membre de ce gouvernement ne les en accuse », l’ancienne sénatrice centriste a indiqué vouloir entreprendre « un effort de simplification pour faciliter l'action publique et éviter certaines dépenses superfétatoires ».
Reste que « les collectivités territoriales ne constituent pas un tout homogène », a fait valoir Jean-François Husson, en pointant la situation des départements, « affaiblis » et qui « doivent faire l'objet d'un traitement particulier » avec une contribution « réduite » et un fonds de sauvegarde « à la hauteur des besoins ». Une « soixantaine » d’entre eux risque de se retrouver « dans une situation critique en 2026, contre 14 en 2024 », a-t-il souligné.
Reconnaissant qu’ils « souffrent de la baisse des DMTO » alors que « leurs dépenses sociales continuent de croître », la ministre a estimé à « une vingtaine » le nombre de départements qui « frôlent la tutelle budgétaire ».
Investissements : inquiétude sur la DETR
Plusieurs sénateurs ont tenté d’alerter sur « les risques » posés par la suppression de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), que le gouvernement prévoit de « diluer » dans un fonds unique – le « fonds d'investissement pour les territoires » (FIT) – qui regrouperait également l'ancienne dotation politique de la ville (DPV) et la dotation de soutien à l'investissement local (Dsil).
« Il s'agit d'un outil financier au service des territoires ruraux, simple, connu, apprécié des élus. Pourquoi casser ce qui fonctionne bien ? », a ainsi mis en garde le sénateur centriste du cantal Bernard Delcros. Alors que ce fonds suscite des « inquiétudes », le sénateur du Morbihan Simon Uzenat (PS) a réclamé des gages à la ministre : « Vous promettez des garanties sur le FIT, mais la parole de l'État est-elle crédible, alors que les acomptes de Dsil ne sont plus autorisés et que le fonds vert a été divisé par quatre en deux ans ? ».
Assurant que ce FIT serait créé « sans diminution des enveloppes », la ministre de l’Aménagement du territoire a défendu le fait qu’il vise à « répondre à une demande de simplification des élus et des préfets ». Pas vraiment l’avis de la sénatrice socialiste des Pyrénées-Atlantiques, Frédérique Espagnac qui a déploré que, « comme souvent, on invoque la simplification pour baisser les crédits de 200 millions d'euros, ce qui fait craindre une dilution de la priorité rurale de la DETR ».
« Les enveloppes sont déjà en partie mutualisées : la fusion dans le FIT officialise cette mutualisation et simplifie le système », a plaidé Françoise Gatel, affirmant avoir « sanctuarisé la DETR ». « Elle ne bouge pas, ni dans son montant ni dans ces conditions. Ce n'est pas parce qu'on supprime le mot qu'on supprime l'argent ! »
En attendant, c’est bien ce FIT qui a été supprimé du projet de budget pour 2026 par les députés, réunis hier soir en commission des finances, après l’adoption de quatre amendements identiques de l’ensemble de la gauche. Selon leurs auteurs, cette réforme « ne sert à rien d’autre que masquer ses économies budgétaires », elle induira « une concurrence entre territoires en fonction de leurs capacités d’ingénierie, essentiellement au détriment des territoires ruraux » et risque « d’orienter les financements vers les seuls projets ciblés par l’État, sans réelle prise en compte des besoins locaux ». Tout cela, sans vraiment donner de « prévisibilité budgétaire ».
Un nouveau Dilico « coercitif et contre-productif »
Même destin pour le Dilico dont la reconduction a été aussi supprimée, hier soir, via des amendements de toute la gauche ainsi que du groupe Liot et soutenus par la commission des lois.
Un « mécanisme coercitif et contre-productif » qui constitue – via sa ponction de 2 milliards d’euros - « une véritable saignée sur les budgets locaux » risque d’impacter gravement les investissements. Sans compter que cette version 2026 « conditionne les modalités de reversement en fixant des objectifs inatteignables », selon les auteurs des différents amendements. L’adoption de ces amendements n’a, cependant, aucun effet sur le projet de budget puisque les députés doivent repartir du texte initial du gouvernement lors de son passage dans l’hémicycle, comme toujours pour les textes budgétaires.
Au Sénat, cette épargne forcée a été également très critiquée. « Le Dilico 2 double et touchera trois fois plus de municipalités que l'an dernier. De plus, si les dépenses locales dépassent 1 % de croissance du PIB, les sommes en réserve ne seront pas restituées. Peut-on encore parler de décentralisation quand la libre administration devient à ce point conditionnelle ? », s’est ainsi questionné le sénateur communiste du Val-de-Marne Pascal Savoldelli.
Autre problème relevé par le sénateur LR de la Somme Laurent Somon : « Le Dilico pénalise les intercommunalités les plus intégrées ». Résultat, « on impose plus lourdement ceux qui ont fait des efforts pour réduire leurs coûts ».
« Non, le gouvernement ne bride pas l'action locale. La proposition de budget préserve les recettes de fonctionnement des collectivités, avec l'augmentation de la DSR et de la DSU », a rétorqué la ministre de l’Aménagement du territoire, rendant au passage « à César ce qui appartient à César » : « Le Dilico est une création intelligente et pertinente du Sénat ». On peut, toutefois, rappeler que la hausse des dotations de solidarité rurale et urbaine, combinée avec le gel de la DGF, sera financée par les communes et EPCI, entrainant des pertes pour une grande partie d’entre eux.
Mais comme pour le reste, Françoise Gatel a réitéré la ligne de l’exécutif : « Nous présentons dans le PLF 2026 un Dilico 2. Il appartient au Parlement d'en débattre [...] Il pourra même vous arriver de décider ! »
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