Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 3 novembre 2025
Budget de l'état

Budget 2026 : à l'Assemblée, la commission des lois réclame la suppression du nouveau Dilico 

Les députés de la commission des lois ont discuté la semaine dernière des mesures visant les collectivités tandis que le rapporteur général du budget a estimé, hier, que les députés ne pourront probablement pas aller au bout de l'examen du projet de budget.

Par A.W.

Alors que les députés vont suspendre, aujourd’hui, l’examen en séance de la partie « recettes »  du projet de budget de l’Etat pour 2026 (pour se consacrer à celui de la Sécurité sociale), la commission des lois a examiné la semaine dernière la mission dédiée aux « relations avec les collectivités territoriales »  et rejeté le nouveau Dilico, ce fameux « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités ».

Saisie pour avis sur la partie « dépenses », elle a retoqué plusieurs mesures et en a proposé d'autres, en attendant que la commission des finances s’y attelle « au fond »  dès cette semaine.

Un nouveau Dilico « délétère » 

Les députés écologistes, socialistes et « insoumis »  ont ainsi fait adopter trois amendements similaires en torpillant la version 2026 du Dilico, qui prévoit de doubler la ponction aux collectivités (passant de 1 à 2 milliards d’euros) et de l’étendre à davantage d’entre elles (autour de 4 000 communes notamment, contre 1 900 en 2025).

Un dispositif « délétère pour nos services publics locaux »  qui « force »  les collectivités territoriales à « participer à la cure d'austérité »  en les contraignant à « réduire des services essentiels à la population ». Sans compter qu’il « porte manifestement atteinte à leur libre administration et à leur autonomie financière et fiscale », selon les élus de gauche. « Les collectivités ne sont pas là pour faire la trésorerie de l’État », a ainsi fustigé la députée de l’Isère Élisa Martin (LFI ).

Estimant « disproportionné »  l’effort réclamé aux collectivités « par rapport à leurs ressources et leur poids dans la dépense publique », le député du Loiret Emmanuel Duplessy (Les Verts) a de son côté considéré que ce nouveau Dilico est « encore moins bien conçu que le premier Dilico », pointant une épargne forcée que « l’on remboursera peut-être partiellement, peut-être pas du tout. On ne sait pas trop comment ».

« Autant le premier Dilico est un dispositif vertueux, autant les modalités de fonctionnement du deuxième Dilico sont beaucoup plus contestables et ça risque de contraindre les dépenses d’investissement », a déploré là aussi la rapporteure Blandine Brocard (MoDem), en donnant un « avis de sagesse »  sur les trois amendements. Selon elle, il y aurait « une sorte d’injonction contradictoire : d’un côté, on demanderait aux collectivités de relancer l’activité par l’investissement et de l’autre, on les pénalise si elles investissent plus que l’année précédente. J’ai hâte d’entendre les arguments du gouvernement en séance publique car il y a de très nombreuses questions qui se posent sur ce nouveau mécanisme ».

Aides aux CAUE

Le président du Comité des finances locales (CFL) André Laignel a ainsi jugé, dernièrement, que les nouvelles conditions introduites par le gouvernement relevaient désormais « du même type de contraintes que les contrats de Cahors »  car dans le cas où les dépenses d’une catégorie de contributeurs excèderaient l’évolution du PIB en valeur (majorée d’un point de pourcentage), « on ne remboursera rien [à personne et] il y aura une peine collective », avait dénoncé le maire d’Issoudun

Parmi la cinquantaine d’amendements adoptés, la commission des lois s’est aussi opposée au rétablissement de la DGF des régions pour maintenir le reversement d’une fraction de TVA et conserver sa « dynamique ». Elle a également soutenu une hausse de 160 millions d'euros supplémentaires (en plus des 300 millions déjà inscrits dans le projet de budget) du fonds de sauvegarde des départements. L’objectif est de « permettre à ces collectivités d'assurer leurs missions essentielles de solidarité et d'aménagement du territoire ». 

Afin de corriger les effets de la réforme « mal préparée »  de la taxe d’aménagement, elle a, en outre, validé le déblocage de 270 millions d’euros pour les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE). La mise en œuvre « défaillante »  de la réforme « fragilise à la fois les finances des départements et la pérennité »  de ces organismes, ont rappelé les députés écologistes à l’origine de l’amendement. Une réforme qui fragilise aussi les communes et les intercommunalités.

« Plus d’1,5 milliard d’euros »  n’auraient ainsi pas été collectés et reversés aux collectivités sur « la période 2024-2025 », a récemment dénoncé la Fédération nationale des CAUE, alertant sur la multiplication des plans de licenciement et la possible hécatombe dans les rangs de ces structures qui accompagnent gratuitement particuliers et collectivités.

Adoption peu probable du budget

Quoi qu'il en soit, l'adoption d'un budget semble plus incertaine que jamais, puisqu’il est « hautement probable »  qu’il n’y ait pas de majorité dans l'hémicycle, a confié, hier sur LCI, le rapporteur général du budget, Philippe Juvin (LR). « Je ne vois pas très bien comment cette partie [« recettes » ] pourrait être votée, parce qu'en fait elle ne va satisfaire personne », a-t-il dit, anticipant donc son rejet. 

Dans ce cas de figure, le projet de budget de l’Etat partirait directement au Sénat dans sa version initiale et donnerait lieu à une commission mixte paritaire entre députés et sénateurs. 

Pour l’heure, les discussions ne reprendront pas dans l’hémicycle avant le vote solennel du projet de budget de la Sécurité sociale du 12 novembre et ne pourront se poursuivre après le 23 novembre à minuit, conformément aux délais constitutionnels. Si le Parlement venait à ne pas se prononcer dans le délai de 70 jours – 50 jours pour le budget de la Sécurité sociale –, le gouvernement pourrait mettre en place son projet initial par ordonnance, une procédure inédite sous la Ve République. 

Autre option, envisagée en cas de rejet du budget comme l’a passé, le dépôt d'une loi spéciale avant le 19 décembre, pour autoriser l'État à percevoir les impôts existants. Les dépenses seraient gelées par décret, en attendant le vote d'un réel budget début 2026. « Il ne faut pas que les Français s’inquiètent. Il y aura un texte avant le 31 décembre. Et ce texte, soit il sera voté par l’Assemblée et le Sénat, soit il sera rejeté par l’Assemblée »  et il y aura une loi spéciale, a tenté de rassurer Philippe Juvin.

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