Budget 2025 : les députés proposent de rétablir la CVAE, lors de débats confus
Par A.W.
Quelque 200 amendements adoptés et plus de 1 500 qui n’ont pu être encore examinés. La discussion sur la première partie du projet de budget s’est interrompue, dans la nuit de samedi à dimanche, sans que celui-ci ait pu être achevé, après six jours d'échanges houleux et confus.
Alors qu’il devait faire l'objet d'un vote solennel demain, celui-ci n’aura donc pas lieu et les discussions devraient reprendre le 5 novembre.
Déconvenues du gouvernement
Comme en commission des finances, les débats sur la partie recettes du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 ont donc été particulièrement tendus, le gouvernement Barnier accumulant les déconvenues, avec parfois l’assentiment de son propre camp.
Si le Premier ministre n’a toujours pas décidé d’enclencher le « 49.3 » à ce stade, il a enchaîné les revers face des alliances hétéroclites et mouvantes d'élus issus de l’ensemble de l’échiquier politique qui, selon les circonstances, se sont ligués les uns contre les autres puis les uns avec les autres pour détricoter le budget ficelé par l’exécutif.
Cela a créé une certaine confusion et une lecture particulièrement difficile des débats, étant donné le manque de cohérence de l’ensemble. Comme en commission, l’examen des recettes du projet de budget en séance a donc, une fois de plus, révélé la fragilité du budget présenté par Michel Barnier.
Du fait d’absence de majorité et de l’éclatement de l’Assemblée, l’exécutif a encore dû céder face à une majorité de députés - parfois composés de députés de sa propre coalition – qui ne parviendront vraisemblablement pas à s’entendre sur la globalité du texte, le RN ayant d’ores et déjà annoncé qu’il ne votera pas le texte final.
Rétablissement graduel de la CVAE
Ce qui n’a pas empêché l’Assemblée de voter toute une série de mesures qui intéressent au premier chef les collectivités. Elle a ainsi approuvé, grâce plusieurs amendements portés par l’ensemble du Nouveau Front populaire (NFP), le rétablissement progressif de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Ce rétablissement se ferait « dans un premier temps pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros », avant de « l’élargir progressivement aux ETI », les entreprises de taille intermédiaire.
Estimant que la suppression de la CVAE est un « cadeau fiscal » sans « aucune justification économique » qui « grève le budget de l’État » et qui « a profité pour deux tiers à 10 000 grandes entreprises, lesquelles viennent en majorité des secteurs polluants », les députés insoumis ont notamment dénoncé « le manque de considération de l’État aux collectivités ».
Alors que le gouvernement prévoit seulement de reporter de trois ans sa suppression totale, le ministre du Budget Laurent Saint-Martin a regretté que l’Assemblée ait décidé d’« envoyer ce signal de retour en arrière ».
Rien ne garantit, toutefois, que ce rétablissement de la CVAE figurera bien dans la copie finale du texte. D'autant qu’une éventuelle activation du « 49.3 » permettrait à l’exécutif de faire adopter le texte de son choix – en conservant ou écartant les dispositions qu’il souhaite – sans vote.
Exemptions de TVA aux Antilles
À ce titre, l’initiative du gouvernement visant à « ajuster » la TVA, pendant trois ans, sur une liste de produits de « première nécessité » en Guadeloupe et en Martinique a davantage de chance de prospérer. Elle prévoit ainsi d'expérimenter dans ces territoires, de 2025 à fin 2027, l’exonération de TVA pour certains produits de première nécessité.
Il fait ainsi écho à l’accord conclu dernièrement à Fort-de-France visant à faire baisser les prix de 20 % en moyenne pour répondre à la forte mobilisation contre la vie chère qui perdure depuis près de deux mois en Martinique. La liste des produits bénéficiant de cette exemption, jusqu’à la fin 2027, doit être précisée par décret.
En parallèle, les députés ont adopté plusieurs autres amendements plus favorables que celui du gouvernement, arguant notamment que « la pauvreté n’est pas temporaire ». L'un prévoit de supprimer la TVA dans les collectivités ultra-marines sur « un ensemble de produits de première nécessité » (alors que seules la Guyane et Mayotte en sont actuellement exemptées), tandis qu’un autre vise à exonérer de la TVA les produits inscrits dans le bouclier qualité prix (BQP).
Le « Denormandie » réduit et écourté
L’exécutif est, en outre, revenu sur le dispositif « Denormandie » (aide fiscale destinée à encourager la rénovation des logements anciens dans le cadre locatif) en écourtant son application jusqu’au 31 décembre 2026 (et non plus jusqu’à la fin d’année 2027) tout en en réduisant son périmètre.
Il a ainsi supprimé l’extension du « Denormandie » aux copropriétés dégradées, adoptée en avril dernier, en le recentrant, comme c’était le cas avant, aux « seules communes caractérisées par un fort besoin en réhabilitation de leur centre-ville ou ayant conclu une convention d’opération de revitalisation des territoires (ORT) ».
Après tout juste six mois de mise en œuvre, l’exécutif estime que ce nouveau dispositif n’est « pas satisfaisant » et manquerait même « d’efficacité ».
Les « Airbnb » ciblés et le PTZ étendu
Afin de tenter de lutter contre la crise du logement, une série d’amendements assez variés ont permis d’étendre, notamment, à l'ensemble du territoire les prêts à taux zéro (PTZ) pour l'immobilier, à la fois dans le neuf (comme le souhaitait le gouvernement) mais aussi dans l'ancien.
S’agissant de la niche fiscale « Airbnb » jugée particulièrement favorable (et contribuant au moins en partie à la pénurie de logements dans les zones touristiques), les députés se sont mis d’accord en baissant au taux de 30 % les abattements fiscaux relatifs aux meublés de tourisme, contre 71 % jusqu’en 2024.
Une exception serait, cependant accordée pour les meublés de tourisme classés situés en zone rurale ou en station classée de sport d’hiver. Leur abattement pourrait ainsi être « complété d’un abattement supplémentaire de 41 % sous réserve d’un chiffre d’affaires plafonné à 50 000 euros ».
L’Assemblée a, en outre, décidé d’assujettir les loueurs de meublés de tourisme au paiement de la TVA pour les biens qui ne constituent pas leur résidence principale. En cause toujours, ce type d'activité économique entraîne « une concurrence déloyale par rapport à la location meublée de longue durée et surtout à la location nue » et « amplifie la crise du logement en zone tendue et entraîne la déperdition des cœurs de ville dans les communes touristiques ».
À noter, par ailleurs, la décision des députés d’appliquer le taux de TVA de 5,5 % sur l’ensemble des opérations de construction neuve de logements locatifs sociaux ainsi que pour l’ensemble des travaux qui sont réalisés dans ces logements.
Casinos : l’amendement polémique sera retiré
Le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a indiqué dimanche, sur Radio J, que le gouvernement allait retirer un amendement, très polémique, prévoyant d'ouvrir la voie à l'autorisation des casinos en ligne en France.
Une mesure qui avait conduit une centaine de maires à publier une tribune, la semaine dernière, en demandant au Premier ministre de ne pas autoriser les casinos en ligne par voie d'amendement « sans concertation ». Ceux-ci assuraient que des milliers d'emplois étaient en jeu.
« Cette ouverture incontrôlée entraînera la disparition d’un tiers des casinos français, le plus souvent localisés dans nos plus petites communes, menaçant 15 000 emplois la première année, et une baisse de 25 % de l'activité des casinos restants. Un calcul dangereux pour les finances de l’État » , alertaient ainsi les signataires de la tribune, publiée dans Le Figaro, parmi lesquels David Lisnard (maire de Cannes, président de l'AMF) ou Philippe Sueur (maire d'Enghien-les-Bains).
« Il était question que le gouvernement dépose un amendement. Ce n'est plus le cas. Je crois qu'il nous faut d'abord travailler entre nous », a précisé le ministre du Budget, reconnaissant qu’il y avait besoin d’une « concertation large ».
Autres mesures
Parmi les autres mesures adoptées, l'Assemblée nationale a voté une série d'allégements de TVA pour différents secteurs. Outre les nouveaux logements sociaux, on peut aussi citer les associations d'aide alimentaire, les transports de voyageurs – sauf l'aérien – , les entreprises de réparation, ou encore les « premiers kilowatts » de gaz et d'électricité consommés par les ménages.
Les députés ont aussi supprimé l'alourdissement prévu du « malus » pour les voitures essence et diesel et validé un nouvel impôt sur le patrimoine des milliardaires, ainsi qu’une taxe exceptionnelle de 10 % sur les dividendes distribués par les entreprises du CAC 40.
« Les multinationales doivent prendre leur juste part dans le financement des collectivités, de la Sécurité sociale et des services publics [car] elles bénéficient en premier lieu des infrastructures mises à disposition par l’État », ont défendu les députés « insoumis ».
Des députés de l'opposition soupçonnent le camp gouvernemental de pousser à un « 49.3 », en laissant le projet de budget de Michel Barnier être profondément remanié. Un soupçon infondé, a assuré la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, alors que d'autres élus se demandent si le gouvernement ne cherche pas plutôt un rejet du texte, comme en commission des Finances, ou un enlisement des débats qui empêcherait un vote avant la date limite du 21 novembre, liée aux délais constitutionnels. Dans les deux cas, la conséquence serait une transmission directe du texte initial au Sénat.
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