Budget 2024 : les députés débloquent des fonds pour l'accès à l'eau dans les outre-merÂ
Par A.W.
La crise actuelle liée aux problèmes d’accès de l’eau dans les territoires ultramarins a, sans surprise, largement focalisé les débats consacrés aux crédits pour les outre-mer, dans le cadre de l’examen, en séance, du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Une mission qui pourrait, d’ailleurs, être la dernière à être discutée avant le déclenchement du « 49.3 », selon plusieurs sources au sein du camp présidentiel.
Bien que ces crédits soient en hausse de 7% par rapport à 2023, le rapporteur spécial de la commission des finances Christian Baptiste (PS, Guadeloupe) s’est dit déçu. « Une fois de plus, ce budget nous donne l’impression que nous ne sommes pas entendus, et pour cause : en dépit de la progression des crédits, le compte n’y est pas », a-t-il déploré, soulignant notamment que « la hausse des crédits de paiement et des autorisations d’engagement reste toute relative en comparaison de l’inflation ».
Le fonds exceptionnel d’investissement abondé
Devant les reproches successifs des oppositions sur le manque de moyens en matière d’accès à l’eau, le ministre des Outre-mer, Philippe Vigier, a rappelé que « 750 millions d’euros ont été consacrés à la gestion de l’eau depuis 2017 » et que, depuis six ans, le gouvernement a « multiplié par trois les sommes consacrées à l’accompagnement des collectivités en ce domaine ».
« En trente ans de maison, [on] n’avait jamais vu passer de telles sommes pour aider les collectivités en matière d’eau », s’est défendu l’ancien maire de Cloyes-sur-le-Loir, tout en reconnaissant qu’il « faudra se mobiliser encore davantage au vu de l’augmentation des problèmes d’eau un peu partout malheureusement ».
Assurant que l’eau allait « devenir une des priorités du budget des outre-mer », il a fait adopté à l’unanimité un amendement du gouvernement permettant d'abonder de 40 millions d'euros (en autorisations d'engagement et 8 millions d’euros en crédits de paiement) le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), qui finance les investissements des collectivités territoriales d’outre-mer, dans le but notamment d'améliorer les réseaux d'eau et d'assainissement ultramarins, mais aussi le traitement des déchets, la lutte contre les sargasses et les rénovations d’écoles.
L’exécutif a également décidé d'augmenter de 10 millions d’euros supplémentaires les moyens de ce même fonds dans le but « d’accroître les moyens dédiés aux investissements indispensables pour l’eau et l’assainissement à Mayotte », au regard de la crise actuelle qui frappe le département.
Les députés ont également réussi à faire voter la création d’un nouveau programme de 500 millions d’euros dédié à la rénovation totale des canalisations dans les collectivités ultramarines et à mettre en place « un véritable plan d’urgence » de 100 millions d’euros pour rendre effectif le droit d’accès à l’eau dans les outre-mer.
Rôle des collectivités
Une discussion sur l’interconnexion possible des réseaux d’eau et sur le rôle des collectivités dans la gestion de l’eau a également eu lieu. « Quand un collègue dit que les collectivités territoriales doivent s’en occuper, je pense que, pour les territoires d’outre-mer, c’est une erreur. L’État doit prendre le relais parce que nos concitoyens des outre-mer n’ont pas d’eau deux jours sur trois. Si on ne veut pas mettre 750 millions pour enrichir Veolia ou Suez, il faut prendre à bras-le-corps ce problème… », a défendu le député de la Charente René Pilato (LFI/Nupes).
Devant un discours qui « tendrait à laisser penser que les collectivités de nos pays n’auraient pas assumé leurs responsabilités », le député de la Martinique Marcellin Nadeau (groupe communiste/Nupes) a assuré que « les élus des outre-mer prennent leurs responsabilités ».
L’élu antillais a, en outre, estimé que « l’État a un devoir de réparation parce que quand le principe de "l’eau paie l’eau" s’appliquait déjà par le biais des agences de l’eau, nous, nous n’avions rien et les collectivités étaient laissées seules pour gérer la problématique de l’eau ». Et celui-ci de défendre que « c’est pour cette raison que nous ne demandons pas que l’État se substitue à nos collectivités, nous demandons seulement que l’État les accompagne de façon conséquente pour réparer le préjudice que nous avons subi dû à une incurie de l’État lui-même ».
Les députés ont également adopté toute une série d’autres amendements déposés par les oppositions et proposant des modifications de plusieurs centaines de millions d'euros au profit du renforcement de la continuité territoriale et des moyens alloués au plan chlordécone, du logement ou encore de l'autonomie énergétique des collectivités ultramarines.
Débats inachevés
La séance a été levée peu après minuit, sans que les députés aient pu étudier l'ensemble des amendements déposés et la suite des débats a été programmée les 18 et 19 novembre, aux lendemains de celui prévu sur la mission consacrée aux collectivités.
Alors que plane la menace du déclenchement de l’article 49.3 de la Constitution, les oppositions ont pressé le ministre de dire si les amendements votés allaient être retenus ou pas à terme. Une inquiétude émanant de tous les bords politiques, certains députés qualifiant les membres du gouvernement de « toxicomanes du 49.3 ».
« Je préfère cette toxicomanie-là à l’addiction à la dépense publique dont souffrent certains, elle pourrait nous mettre dans une situation délicate », a rétorqué le député Renaissance de Gironde Pascal Lavergne.
« Vous parlez de co-construction, alors que ne seront intégrés au texte que les amendements qui auront reçu la bénédiction gouvernementale », a regretté Davy Rimane, député communiste de Guyane. « Mais au moins aurez-vous entendu, monsieur le ministre délégué, que cet hémicycle demande majoritairement que vous fassiez des efforts considérables pour nos compatriotes d’outre-mer », a estimé la députée RN du Pas-de-Calais Marine Le Pen.
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