Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 18 octobre 2023
Logement

Bercy veut ouvrir le PTZ aux classes moyennes supérieures mais tient bon sur le « recentrage »

Via un amendement présenté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, le gouvernement propose d'augmenter les plafonds de ressources déterminant l'éligibilité au PTZ. Mais il souhaite maintenir le « recentrage » du dispositif sur les zones tendues. 

C’est l’un des points de friction les plus vifs du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Le gouvernement avait certes prévu, dans sa version initiale du texte, de prolonger ce dispositif dont l’arrêt était prévu à la fin de l’année, jusqu’en 2027. Mais en changeant les règles : le PTZ, prévoyait Bercy, serait restreint, dans le neuf, aux habitations collectives situées en zone tendue. Argument du gouvernement : ce recentrage permettrait « de limiter l’impact du PTZ en matière d’artificialisation des sols et d’étalement urbain ». 

Un recentrage largement rejeté

Problème : cette disposition a été rejetée sur tous les bancs, en commission des finances, y compris par des membres de la majorité (MoDem et Renaissance). Plusieurs députés ont estimé cette disposition « malvenue »  et « susceptible d’empêcher un certain nombre de personnes d’acquérir ». Et plus encore l’ont accusée de constituer une « injustice pour les zones rurales ». « La suppression du PTZ pour ces zones conduira à des difficultés accrues pour les ménages les plus pauvres, voire à un phénomène d'éviction », a plaidé la députée Renaissance Françoise Buffet. 

Côté associations, on peut rappeler la position de l’Union nationale des aménageurs (Unam), estimant que ce recentrage aux seules zones tendues conduirait à « un risque de déclassement et d’humiliation des territoires ruraux et périurbains à qui on semble dénier le droit de se développer harmonieusement ». 

En commission des finances, les députés ont donc très majoritairement rejeté ce dispositif, ne conservant que la prorogation du PTZ jusqu’en 2027 et la nouvelle condition de rénovation énergétique, permettant d’atteindre un niveau de performance conforme. 

Augmentation des plafonds

On attendait donc la réaction du gouvernement : allait-il entendre ces critiques et en rester là, en séance publique ? ou au contraire tenter de réintroduire le recentrage ?

La réponse est venue hier, via un amendement gouvernemental à l’article 6 du PLF. Rappelons que selon les règles spéciales qui s’appliquent aux textes financiers, le rejet de tel ou tel article par la commission, voire le rejet du texte lui-même, n’a aucune incidence sur la séance publique, puisque le texte présenté en séance est le texte initial du gouvernement. 

L’amendement présenté ne modifie par l’article 6 sur la question du recentrage, ce qui signifie que le gouvernement n’entend pas céder sur ce point. Bruno Le Maire, invité sur RTL ce matin, s’en est justifié ainsi : « L’objectif, c’est que ce soit efficace. C’est donc normal que ce PTZ soit concentré sur les zones où les difficultés à se loger sont les plus importantes. »  Lors d’un point presse organisé ce matin sur cette question, le cabinet du ministre a été plus clair encore : « La maison individuelle en zone détendue, c’est quelque chose sur lequel on est en train de revenir. » 

Précisons toutefois que le PTZ restera accessible pour l’ancien en zone détendue. 

En revanche, il modifie les conditions de ressources pour pouvoir être éligible au PTZ, proposant que celles-ci passent de 37 000 à 49 000 euros. Cette augmentation du plafond de ressources, détaille Bercy, permettrait à « 6 millions de ménages supplémentaires »  de bénéficier du PTZ – ce nombre passant de 23 à 29 millions. La quotité finançable par le PTZ passerait par ailleurs de 40 à 50 %.

Seul le plafond maximal (49 000 euros) figure dans le texte, car c’est en effet le seul chiffre qui relève d’un texte législatif. Mais le gouvernement souhaite refondre en profondeur les seuils, ce qui se fera « par mesure réglementaire », indiquent ce matin les conseillers du ministre (c’est-à-dire par décret ou arrêté). Les plafonds de revenus des deux premières tranches seront « fortement réhaussés », et une quatrième tranche de revenus serait créée « pour des ménages qui ne sont actuellement pas éligibles au PTZ avec une quotité d’opération finançable de 20 % ». Il s’agit donc clairement d’un geste pour « les classes moyennes », explique Bercy. 

« 200 villes supplémentaires » 

Enfin, Bruno Le Maire a évoqué ce matin « un élargissement (du dispositif) à 200 villes supplémentaires ». Ce point ne figure pas dans le texte. Il s’agit d’une référence au fait que le 3 octobre dernier a été publié un arrêté au Journal officiel modifiant la liste des communes figurant en zone tendue. 204 villes supplémentaires, très exactement, ont été placées en zone tendue, dont La Rochelle, Toulouse, Bordeaux, Strasbourg, ainsi que de nombreuses communes de montagne ou touristiques (Biarritz, Le Grand Bornand, Les Deux-Alpes, Deauville, Porto-Vecchio, La Grande-Motte…). Cette disposition aura pour effet d’augmenter mécaniquement le nombre de ménages éligibles après que le dispositif aura été limité à l’habitat collectif en zone tendue. 

Cette augmentation des plafonds, répétons-le, ne figurait pas dans la version initiale du PLF, et vient d’être rajoutée… après que le « recentrage »  eut été rejeté par à peu près tous les partis présents à l’Assemblée. La mesure apparaît donc comme une sorte de compromis pour faire passer le recentrage : les zones rurales resteront les oubliées du dispositif, mais les classes moyennes supérieures y gagneront. Interrogés ce matin sur ce sujet par Maire info, les conseillers de Bercy ont sobrement reconnu que ces nouvelles dispositions avaient été « largement discutées avec les députés et les sénateurs ».

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