Au Sénat, un nouveau pas vers un élargissement des compétences des infirmiers
Par Franck Lemarc
C’est à l’unanimité que les sénateurs ont adopté, hier en fin de soirée, la proposition de loi sur la profession d’infirmier déjà adoptée par les députés le 11 mars.
Ce texte, très attendu tant par la profession que par les élus locaux – l’AMF le soutient pleinement – vise à inscrire dans la loi une définition du métier d’infirmier, ce qui n’existait pas jusque-là, et à donner à ces soignants de nouvelles missions dans le cadre de la lutte contre la désertification médicale.
Six missions et de nouvelles compétences
La principale innovation de cette proposition de loi, comme l’a souligné hier le ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins, Yannick Neuder, est de « concrétiser les notions de consultation et de prescription infirmière » . Si le ministre a clairement indiqué que « le diagnostic infirmier n'a aucunement vocation à se substituer au diagnostic médical » , il est clair que donner la possibilité aux infirmiers de procéder à des consultations, d’établir un diagnostic et de prescrire certains médicaments est une façon de pallier la carence de médecins dans certains territoires. Ces dispositions viennent compléter les évolutions récentes sur la pratique dite « avancée », qui permet déjà aux infirmiers d’exercer certaines compétences jusque-là dévolues aux seuls médecins, comme le renouvellement d’ordonnances par exemple.
L’article 1 du texte définit la profession d’infirmier : celui-ci « initie, réalise, organise et évalue les soins infirmiers. Il effectue des consultations infirmières et pose un diagnostic infirmier. Il prescrit les produits de santé et les examens complémentaires nécessaires à l’exercice de sa profession. » Le texte prévoit que la liste des produits et examens que les infirmiers pourront prescrire sera déterminée par arrêté ministériel. Les « domaines d’activité et de compétences » précis des infirmiers seront, eux, définis par décret en Conseil d’État.
La proposition de loi fixe six missions aux infirmiers, dont la première est de « dispenser des soins infirmiers préventifs, curatifs, palliatifs, relationnels ou destinés à la surveillance clinique » . Il doit aussi « contribuer à l’orientation » des patients et à « la mise en œuvre de (leur) parcours de santé » ; participer aux soins de premier recours, participer à la prévention, aux actions de dépistage, à « l’éducation thérapeutique » ; concourir à la formation des étudiants placés sous leur responsabilité ; et enfin « mobiliser les données probantes dans la pratique professionnelle et concourir à la recherche ».
Sur la pratique avancée, la proposition de loi va encore plus loin, puisqu’elle autorise une expérimentation de trois ans lors de laquelle « l’État peut autoriser les infirmiers à prendre en charge directement les patients pour des actes ne relevant pas de leur rôle propre » , dans les structures d’exercice coordonné. Les conditions précises de cette expérimentation seront précisées par décret. Cette disposition, contrairement à beaucoup d’autres dans ce texte, n’a pas fait l’unanimité, certains sénateurs estimant qu’il s’agit d’un « transfert de compétences », qui placerait de surcroît les infirmiers dans une situation « d’insécurité juridique ». Ils n’ont pas été entendu et le Sénat a adopté le principe de cette expérimentation.
Spécialités
Autre apport important de ce texte : la consécration de la santé scolaire au rang de « spécialité infirmière autonome ». Il existe déjà un certain nombre de spécialités infirmières (bloc, anesthésie, puériculture, pratique avancée…) ; les infirmiers « du corps de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur » en constitueraient désormais une nouvelle, qui pourra « être sanctionnée par un diplôme de niveau 7 ».
Cette disposition, ajoutée par amendement au Sénat, n’a pas été soutenue par le ministre, qui estime qu’elle pourrait être contre-productive : « Si l'on restreint l'exercice en milieu scolaire aux infirmiers spécialisés, on se prive d'un vivier », a souligné Yannick Neuder, qui préfère « laisser un maximum de professionnels de santé embrasser une carrière dans l’Éducation nationale ».
Les sénateurs ont en revanche rejeté un amendement proposant de recréer une spécialité d’infirmier en psychiatrie – supprimée à la fin des années 1990.
Nouvelles conventions
Le texte a donc été adopté à l’unanimité, malgré ces quelques désaccords. Étant différent du texte adopté par les députés, il nécessitera la réunion d’une commission mixte paritaire. Une fois qu’il sera définitivement adopté viendra la seconde étape – qui sera peut-être la plus difficile : la négociation des conventions. En effet, l’exercice de missions supplémentaires par les infirmiers devra nécessairement s’accompagner d’une « reconnaissance financière », comme l’a expliqué le ministre chargé de la Santé hier. Yannick Neuder s’est engagé devant les sénateurs à envoyer une « lettre de cadrage » à la Cnam dans les prochains jours, « pour engager des discussions conventionnelles » . Les premières réunions sur ce sujet se tiendront « avant l’été » , promet le ministre, « et se poursuivront à l’automne avant le projet de loi de financement de la Sécurité sociale ».
La présidente du Conseil national de l’Ordre des infirmiers, Sylvaine Mazière Tauran, participera cet après-midi à la commission santé de l’AMF pour échanger avec les élus sur cette nouvelle loi.
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