Au congrès HLM, les pistes pour atteindre les 250 000 logements sociaux
Par Aurélien Wälti - à Bordeaux
Alors que l’objectif de produire 120 000 logements sociaux ne sera pas atteint cette année, de l’aveu même de Jean Castex, et alors que les agréments ont grandement chuté depuis 2016 (passant de 124 000 à seulement 87 500 en 2020), comment arriver à faire sortir de terre les 250 000 logements sociaux fixés par le gouvernement d’ici la fin 2022 ?
Plusieurs intervenants ont tenté de répondre à cette question en listant les freins et en apportant leurs solutions, lors d’un débat organisé au congrès HLM, qui se déroule jusqu'à ce soir à Bordeaux. Car le sujet est majeur : 2,2 millions de foyers sont en attente d’un logement social dans le pays. Un chiffre qui serait même « minoré », selon le président national de la Confédération nationale du logement (CNL), Eddie Jacquemart, qui estime que « cela fait 40 ans qu’il y a une crise du logement social et qu’on laisse filer ».
Réguler le prix du foncier
« Nous faisons face tous les jours à des primo-demandeurs qui ne comprennent pas pourquoi les délais d’attente sont aussi longs, pourquoi les demandes de mutation ne sont pas satisfaites », confirme la directrice générale Est Métropole Habitat, Céline Reynaud, qui constate que s’il est « plus difficile de construire aujourd’hui », l’une des raisons principales est « l’accès au foncier et à l’immobilier ». « C’est le nerf de la guerre ».
Bien plus que la rareté foncière, « le vrai sujet est le prix du foncier », selon Jean-Paul Jeandon, président du conseil d’administration du fonds national d’aide à la pierre (Fnap), pour qui la solution passe notamment par « la mise à disposition du foncier d’État à des prix qui permettent de faire du logement social », c’est-à-dire des « prix acceptables », qui « ne soient pas forcément ceux du Domaine ».
Une régulation du foncier qui est « possible », assure Claude Bertolino, directrice générale de l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca). « Dans nos interventions sur du foncier complexe, du renouvellement urbain, nous essayons de réguler les prix du foncier. [...] Depuis 2012, en Paca, nous sommes dans une fourchette de prix qui n’a pas bougé, en équivalent logement par cession. […] Seulement, comment, avec la moindre artificialisation des sols [dont l’objectif national d’absence a été fixé à 2050 par la loi Climat et Résilience, NDLR], va-t-on pouvoir concilier sobriété foncière et régularisation des prix pour permettre la réalisation de projets d’intérêt général, notamment la réalisation de logements locatifs sociaux ? C’est la vraie difficulté… »
Pour maîtriser ce foncier, la piste des organismes de foncier solidaire et les baux réels solidaires - qui permettent aux organismes de conserver le foncier tandis que les ménages deviennent propriétaires du bâti, sans risque de spéculation à la revente – semble prometteuse. Ils permettent aux ménages modestes d’accéder à la propriété en zone tendue à un prix abordable. Un véritable « outil anti-spéculatif qui peut permettre de faire baisser le prix de l’acquisition, de la construction de 25 et 30 % », selon le maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic, qui dit avoir décidé d’« y aller à fond » quand il a découvert ce dispositif.
Après les premières craintes balayées, « on s’est rendus compte que le fait de n’être propriétaire que du bâti ne pose finalement aucun problème », atteste Claude Bertolino. Un instrument qui « satisfait un certain nombre d’élus et les besoins des populations ».
Associer les collectivités et les associations
Une autre difficulté bien connue provient de « ceux qui ne construisent pas alors qu’ils devraient construire » dans le cadre de la loi SRU. Pour Eddie Jacquemart, la solution passerait par des « sanctions lourdes » à l’égard des élus locaux avec la menace de les rendre « inéligibles » à terme, estime celui qui juge « scandaleux » le fait que l’on « puisse s'exonérer d’une loi en payant des amendes avec l’argent des contribuables ».
Le fait de « faire payer des amendes à des communes qui sont déjà très riches n’est pas le sujet », selon Jean-Paul Jeandon qui reconnaît, toutefois, qu’il y a « nécessité que ceux qui doivent construire des logements puissent les construire ». « Le bon sujet, c’est de trouver un autre type de partenariat : sur les permis de construire, sur les ventes des terrains… Ce sont des éléments qui permettraient d’avancer », préconise le maire de Cergy. « Il faut associer, collectivités et associations, au niveau local, pour atteindre les objectifs et faire la remontada des logements », estime-t-il. « On doit mettre tous les partenaires autour de la table et partager ensemble les objectifs. »
Face aux réticences, la médiation en amont
Comme l’a relevé la commission Rebsamen, les réticences locales sont de plus en plus prégnantes et les contentieux se multiplient. « Ça se diffuse partout, chaque permis est désormais attaqué et cela empêche de construire et entraîne deux à trois années supplémentaires » pour pouvoir faire sortir de terre un logement, observe ainsi le président du Fnap.
Face à cette difficile acceptabilité sociale, notamment en cœur de ville, le maire de Bordeaux a décidé de faire « le maximum de médiation » en amont. Pour lui, « l’acceptabilité sociale se discute, elle se négocie durant la période de pré-permis ». « Il ne faut pas traumatiser les riverains, il faut aller les voir un par un comme le font les promoteurs. Il faut voir avec eux comment on pourrait travailler, comment améliorer ceci et donner un peu de souplesse ». Si ce travail est « fastidieux » et qu’il nécessite de « lâcher peut-être un étage », Pierre Hurmic le juge « préférable » à une situation contentieuse.
« Faire la ville sur la ville »
Concernant les difficultés qui entourent la moindre artificialisation des sols, ce dernier a également « voulu montrer qu'on peut être un maire bâtisseur sans être un maire bétonneur » puisqu’il construit « toujours 3 000 logements par an aujourd’hui, dont 1500 logements sociaux ». « On peut continuer à construire, y compris du social, mais pas n’importe où, et notamment pas sur les espaces naturels… Il faut faire la ville sur la ville. Il faut construire dans le diffus, même si c’est plus difficile, c’est aussi ce qui permet de favoriser la mixité sociale dans tous les quartiers », a défendu Pierre Hurmic.
Une des solutions est de transformer les bureaux vacants en logements, mais « il est sûr que ce n’est pas moins cher, c’est même souvent plus cher », a rappelé Pascal Van Laethem, directeur général de Seqens, une filiale immobilière d’Action Logement en Île-de-France. « Mais des outils ont été mis en place par Action logement, notamment la foncière de transformation immobilière qui permet, sur le portage et pendant 30 ou 50 ans, de réaliser des logements à bail pendant de longues périodes ».
Autre solution, « à condition que le portage politique soit affirmé » : la transformation des quartiers au patrimoine vieillissant souvent construit dans la fin des années 60 (« ces parallélépipèdes qui manquaient un peu d’esthétique » ) qui ont une densité relativement faible. « On est vraiment sur le « zéro artificialisation des sols » (ZAN), car une grande partie de ces fonciers sont équipés de parkings et on peut reconstruire beaucoup plus. On est, par exemple, passé de 250 à plus de 600 logements… et sans aucun recours », affirme Pascal Van Laethem.
« On arrive donc à densifier avec, à terme, 50 % de logements sociaux supplémentaires, pratiquement autant de logements en accession et quelques équipements transformés comme un gymnase et une école. Au bout du compte, on transforme un quartier en y amenant plus de logements, plus de confort et plus de performance énergétique », se félicite-t-il.
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