Assurances des collectivités : le gouvernement envisage la création d'un fonds portant sur « les risques sociaux »
Par Lucile Bonnin
À l’occasion d’un déplacement hier à Vesoul, la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, est revenu sur le sujet de l’assurance des collectivités avec Alain Chrétien, maire de Vesoul.
Pour mémoire, en octobre dernier certaines communes étaient encore durement marquées par les émeutes de juin 2023 et se sont retrouvées sans assurance du jour au lendemain. D’après un rapport sénatorial, depuis le 1er janvier 2023, 20 % des collectivités ont subi une résiliation de contrat à l’initiative de l’assureur.
Face à ces problèmes d’assurance des collectivités, une mission a été lancée par le gouvernement, sur proposition de l’AMF, pour trouver des solutions. Cette dernière a été confiée au maire de Vesoul, Alain Chrétien, co-président de la commission Développement économique, commerce et tourisme de l’AMF ; et à Jean-Yves Dagès, ancien président de la fédération nationale Groupama et membre du Cese.
Sept mois plus tard, après avoir réalisé une quarantaine d'auditions et sondé 400 collectivités, la mission confirme l’existence d’une dégradation entre « les collectivités locales et le monde de l'assurance » et évoque de premières pistes pour apaiser ces relations.
État des lieux
Le rapport fait état de « résiliations brutales » de contrats d’assurance ou encore de « hausses parfois vertigineuses des primes et des franchises » . Selon l’AFP qui a pu consulter le rapport, la mission pointe un « déséquilibre structurel de la tarification dû à un oligopole qui s'est progressivement imposé aux élus » , avec les deux acteurs Smacl et Groupama.
Dans une interview donnée dans la presse quotidienne régionale (groupe Ebra), le maire de Vesoul indique que « dans les années 2010, il y a eu une guerre des prix entre les assureurs qui a écrasé les tarifs au bénéfice des collectivités mais au détriment de l’équilibre économique du monde de l’assurance. Cette guerre des prix a fait fuir les assureurs du marché des collectivités locales et ne sont restés que Groupama et la Smacl ».
À ce déséquilibre s’ajoute une « rigidité dans le dialogue » et une « méconnaissance handicapante du patrimoine à assurer » . Ces deux obstacles avaient déjà été identifiés par le maire de Vesoul, auditionné par la commission des finances du Sénat en février (lire Maire info du 8 février). Ce dernier précisait qu’un assureur sera d’autant plus enclin à accepter d’assurer une commune qu’il aura une vision claire de ce qu’il assure, dans les moindres détails.
Associer les assureurs et les communes
Alain Chrétien propose « d’intégrer profondément la culture du risque dans le fonctionnement de nos collectivités » notamment « rassurer les assureurs » et montrer que les élus ont à cœur de limiter au maximum, en amont, les risques, par une politique de prévention.
Ainsi, plusieurs recommandations de la mission portent sur cette relation collectivités/assureurs. Alain Chrétien indique qu’il faut davantage associer les assureurs au niveau de la commune « pour leur permettre de comprendre quelles sont [les] contraintes [des élus] ». « Il faut que les assureurs reviennent sur le terrain » . Dans cette même interview croisée, la ministre Dominique Faure a précisé que le « regard statistique » de l’assureur « mériterait d’être confronté à la réalité, aux efforts que le maire et les services font ».
Repenser la nature de la relation assureurs/assurés passe aussi, selon les auteurs du rapport, par un retour de la négociation. En effet, si plupart des maires (« les trois quarts des contrats des collectivités » au global) utilisent la procédure d’appel d’offres, le système « ne fonctionne plus » pour le maire de Vesoul notamment « parce qu’[il] ne permet pas de suffisamment bien définir le besoin » . La mission recommande donc de privilégier la procédure de marché négocié.
Cependant, cette procédure plus lourde et plus complexe, présente, selon la ministre des Collectivités territoriales, un risque juridique : « Il y a quand même un risque que cette procédure négociée ne soit pas aussi facilement accessible et qu’on puisse se faire retoquer par le Conseil d’État. On peut faire une demande d’avis ».
Auto-assurance, fonds « risques sociaux »
« On va probablement retenir cet encouragement des collectivités à se positionner sur ce qu’elles assurent et ce qu’elles auto-assurent » , a déclaré Dominique Faure dans la presse régionale cette semaine. Cette idée de l’auto-assurance n’est pas nouvelle : en février dernier, le maire de Vesoul était favorable à ce que, pour les petits sinistres, les collectivités puissent faire de l’auto-assurance. « Au niveau supérieur, comme l’incendie d’une école, il faut faire revenir les assureurs. Encore au-dessus, pour les risques majeurs, c’est aussi à l’État de prendre ses responsabilités. Il lui revient d’assurer la sécurité publique. S’il ne le fait pas, qu’il paye. »
Les auteurs préconisent également la mise en place un dispositif d’indemnisation du risque d’émeutes inspiré de celui qui existe pour les catastrophes naturelles, « sur le modèle du régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles ("Cat Nat") ou du Gareat (risque d'attentats) ». Ce fonds serait alimenté par les 45 millions de contrats d'assurance des Français, selon l'AFP. Sur ce sujet, Dominique Faure estime que « le mécanisme de la dotation de solidarité aux collectivités victimes d'événements climatiques ou géologiques » est à revoir. La ministre précise qu'il serait ainsi utile de « sortir du principe de reconstruction à l’identique et plutôt opter pour une reconstruction résiliente et adaptée ». « On va étudier la proposition concernant la création d’un fonds alimenté par les assureurs et les citoyens portant sur les risques sociaux », a également déclaré la ministre.
Les auteurs du rapport proposent également la création d'une dotation pour les « risques sociaux » , assortie d'un volet « aide d'urgence » similaire à celle qui existe pour les risques climatiques (DSEC). Du côté du gouvernement, on estime que le risque émeutes/violences urbaines est à prendre en compte plus strictement. « Il nous faut réfléchir à une réponse spécifique qui fera l’objet de discussions dans les prochains mois » , a enfin indiqué la ministre.
Le rapport d’Alain Chrétien et de Jean-Yves Dagès sera remis au gouvernement « dans les prochaines semaines ». L’entourage de la ministre précise que « cette remise sera l’occasion pour les ministres de confirmer les pistes retenues et les actions à venir sur le marché assuranciel des collectivités ».
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