Assurances des collectivités : l'AMF dénonce l'immobilisme du gouvernement
Par Franck Lemarc
Dans un communiqué publié hier, l’AMF « appelle de nouveau à une action urgente face à la crise de l’assurance des collectivités locales ». Cela fait des mois que l’association alerte sur ce problème : de plus en plus de communes n’arrivent plus à s’assurer, soit que les primes aient explosé, soit que le montant des franchises ait été brutalement multiplié par 100 ou 200. Ce sont probablement des milliers de communes qui ne sont aujourd’hui plus assurées ou en très grande difficulté pour s’assurer. Et certaines, si elles sont officiellement assurées, ne le sont en fait pas : peut-on réellement parler d’assurance lorsque la franchise, dans un cas rapporté par le maire de Vesoul, Alain Chrétien, passe de 10 000 à 2 millions d’euros ?
Les primes, rappelle l’AMF, ont augmenté de 90 % entre 2018 et 2024, et même de 147 % pour la seule assurance des dommages aux biens.
Choix cornéliens
Les causes du problème sont connues : la multiplication des événements climatiques, d’abord, qui alourdit la facture pour les assureurs en cas de catastrophe, et les émeutes de l’été 2023 – autant de facteurs qui ont « fait fuir les assureurs », explique Alain Chrétien. Dans une interview à France info ce matin, le vice-président de l’AMF, chargé par celle-ci de rédiger un rapport sur ce sujet, dénonce la « brutalité » des décisions des assureurs, qui met les communes devant des choix cornéliens : ou bien ne plus assurer leurs biens (cela n’est, en effet, pas obligatoire), ou bien sacrifier d’autres postes budgétaires. « Quand 200 000 ou 300 000 euros dans une assurance, c’est de l’argent que vous ne mettrez pas dans l’embauche d’agents pour les crèches ou le périscolaire », souligne le maire de Vesoul. Comme l’explique l’AMF dans son communiqué, certaines collectivités sont amenées à « reporter des projets structurants, des recrutements, des valorisations salariales, pour pouvoir faire face à certains sinistres ».
Pourtant, l’AMF rappelle que « les collectivités locales ne sont pas des clientes comme les autres », car « leur capacité à assurer la continuité des services publics dépend directement de leur accès à une couverture d’assurance adéquate. Comment continuer d’enseigner sans bâtiment qui ne pourrait plus être reconstruit faute d’indemnisation ? Comment mener à bien ses missions de service public si on est dans l’incapacité de réparer ou reconstruire des équipements endommagés ? ».
Mutualisation du risque
Pour pallier ces problèmes, Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès (ancien président de Groupama) ont rendu, le 24 septembre dernier, un rapport assorti de nombreuses préconisations (lire Maire info du 25 septembre). Un rapport prêt dès le printemps dernier, dont la remise au gouvernement avait déjà été retardée par la dissolution.
Depuis… rien n’a bougé. L’instabilité politique qui règne ne facilite évidemment pas les choses, mais c’est un fait que « les mesures préconisées dans le rapport n’ont pas été prises en compte par les gouvernements successifs », déplore l’AMF. La déception est d’autant plus grande que des signes encourageants avaient été donnés au printemps dernier, la ministre alors chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, semblant regarder avec bienveillance certaines idées brandies par les rapporteurs.
L’une des questions centrales, a encore rappelé ce matin Alain Chrétien, est celle de la « mutualisation » du risque lié aux émeutes. Il n’est pas juste, explique le maire de Vesoul, que les communes touchées par les émeutes se retrouvent « seules à payer ».
La mission Chrétien-Dagès a donc lancé la piste d’une mutualisation sur le modèle du régime Cat-Nat : celui-ci est financé par l’ensemble des assurés, qui payent une surprime à ce titre sur leurs contrats automobile et habitation – donnant les moyens à l’État de prendre à sa charge la couverture des dégâts liés aux catastrophes naturelles.
En mai dernier, Dominique Faure ne s’était pas opposée à cette idée, estimant envisageable la création « d’un fonds alimenté par les assureurs et les citoyens, portant sur les risques sociaux ».
Les auteurs du rapport plaidaient également pour la création « d’une dotation similaire à la dotation de solidarité aux collectivités victimes d'événements climatiques (DSEC) pour accompagner la réparation de la matérialisation de risques sociaux ».
Ces propositions sont toujours sur la table, et le temps presse d’autant plus que certaines d’entre elles trouveraient leur place en loi de finances, ce qui semble déjà compromis pour l’année 2025. L’AMF appelle donc d’urgence les assureurs et Bercy à se mettre autour de la table avec elle, et demande « une mobilisation immédiate pour garantir la pérennité de nos services publics et protéger nos collectivités ».
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