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Édition du vendredi 28 novembre 2025
Associations

Les associations de lutte contre l'exclusion méfiantes face au projet d'allocation sociale unique

Un peu plus d'un mois après la mobilisation nationale des associations derrière la bannière « Ã‡a ne tient plus », le Collectif Alerte regroupant 37 fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté et l'exclusion met en garde contre une réforme à la hâte autour d'une « allocation sociale unifiée ».

Par Emmanuelle Stroesser

« Ne jouons pas aux apprentis sorciers ! »  L’expression imagée suffit à décrire le degré d’inquiétude des membres du Collectif après l’annonce par Sébastien Lecornu du projet d’allocation sociale « unique ou unifiée ». Le Premier ministre en a présenté le cadre aux départements de France mi-novembre, et les associations n’en connaissent pas plus que les autres acteurs le détail. Elles comptent sur un prochain rendez-vous, mercredi 3 décembre, avec le ministre du Travail et des Solidarités, Jean-Pierre Farandou, pour en savoir plus.

Parmi les motifs d’inquiétude, le projet de loi pourrait être adopté en Conseil des ministres dès la mi-décembre. Ce qui rend illusoire tout travail de fond en amont, relèvent les représentants d’associations. « Dans ces conditions, comment imaginer qu’une étude d’impact digne de ce nom puisse être rendue », interroge la présidente du Collectif Alerte, Delphine Rouilleault, magistrate à la Cour des comptes.

« Nous n’avons pas d’opposition de principe sur une réforme de l’organisation des prestations sociales qui permettrait de favoriser l’accès aux droits et qui n’aurait pas pour but de réduire ses prestations », prend soin de préciser la présidente. « Mais le discours qui accompagne aujourd’hui ce projet est un discours d’économies qui nous inquiète quant à la finalité de cette réforme ».

Les associations rappellent à ce propos que le rapport public sur la concertation autour d’un « revenu universel d’activité », lancée en 2018, à laquelle elles ont activement participé, n’a jamais été publié.

Incohérence et insincérité

Pour le Collectif Alerte, l’état d’aggravation de la pauvreté, « sans précédent », exige une réaction politique qui n’est pas au rendez-vous. Pire, il constate un recul sur les précédents engagements. Notamment, le gouvernement de François Bayrou avait, en juillet dernier, demandé au Conseil national de lutte contre les exclusions « d'organiser une concertation en vue de définir une stratégie, avec un objectif de réduction de la pauvreté », rappelle le Collectif. Or, de ces travaux, il n’est visiblement plus question. « Les questions sociales sont absentes des cinq priorités énoncées récemment par le Premier ministre dans le cadre des discussions budgétaires », en veut pour preuve la présidente du Collectif, Delphine Rouilleault.

Parmi les mesures contestées dans le PLF 2026, la diminution de 200 millions d’euros sur l’insertion par l’activité économique. « Ce sont 60 000 personnes qui ne retrouveraient pas d’emploi, c’est un choc structurel ! Ce sont des parcours que l’on casse, des personnes qui ne retrouveront pas d’emploi ailleurs, des structures qui seront fragilisées, des activités socialement utiles sur des territoires fragiles, notamment ruraux ou de la politique de ville », dénonce Tarek Daher, le délégué général d'Emmaüs France. Les moyens – en diminution également – de France Travail pour l’accompagnement des personnes au RSA « nous interrogent sur la cohérence du discours public », signale Daniel Goldberg, le président de l’Uniopss.

Le budget ne suffit pas non plus à financer le nombre de places d'hébergement prévues. Sans compter les 10 000 places supplémentaires que les associations estiment « nécessaires »  pour répondre à l’urgence sociale, qui conduit, chaque soir « 6 000 à 8 000 personnes dont 2 000 à 3 000 enfants, à dormir dehors car elles ne se voient proposer aucune solution », souligne Christophe Robert, le délégué général de la Fondation pour le logement et défavorisés.

En conclusion, les représentants du Collectif jugent qu’à l’heure actuelle les politiques engagées comme les budgets envisagés sont « intenables, incohérents et insincères »  pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion. « Nous avons besoin d’un sursaut ! De remettre la lutte contre la pauvreté au cœur de la politique et redonner espoirs à tous ceux qui ont peur de basculer et à tous ceux qui aident ! », appelle Christophe Robert.

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