Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 20 juin 2023
Finances

Assises des finances : « 10 milliards d'euros » d'économies identifiés et une « main tendue » aux collectivités

Le gouvernement dit vouloir davantage associer les collectivités et leur donner plus de lisibilité avec un cadre financier pluriannuel. Il leur a également proposé la mise en place d'un dispositif d'auto-assurance de leurs recettes et la création d'un Haut Conseil des finances publiques locales. Des mesures qui « ne font ni une stratégie, ni une vision pour les collectivités », selon l'AMF.

Par A.W.

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© Bercy

À l’ouverture des Assises des finances publiques, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a annoncé avoir identifié « au moins 10 milliards d'euros d'économies »  pour redresser les comptes dégradés de la France d'ici 2027. Si chaque ministère devra identifier « 5 % de marges de manœuvre », le logement (fin du Pinel et recentrage du PTZ), l'emploi et les dépenses de soins sont notamment ciblés. 

Alors que « le désendettement doit être une affaire collective de la Nation toute entière », il a assuré vouloir y parvenir sans « austérité [qui « tuerait la croissance » ], ni angélisme », mais grâce à « la responsabilité »  de tous. Les revues des dépenses publiques « deviendront la règle chaque année »  et « les dépenses inutiles [seront] supprimer progressivement ».

Mea culpa

Alors que les trois grandes associations d’élus (AMF, Départements de France et Régions de France) avaient décidé de boycotter l’événement, Bruno Le Maire n’a pas manqué de « remercier »  les collectivités « qui ont fait le choix de venir [hier] matin »  – dont le président de la région PACA, Renaud Muselier, et quelques maires – et a « tendu à nouveau la main à celles qui sont absentes »  afin de se « rassembler »  et de cesser de se « diviser ».

Si celui-ci a salué « la bonne gestion »  des collectivités (pour mieux leur demander de contribuer au redressement des finances publiques), la Première ministre, Élisabeth Borne, a fait son mea culpa en reconnaissant n’avoir « pas suffisamment associé les collectivités territoriales en amont »  concernant la hausse du point d’indice annoncée la semaine dernière. « Nous devons veiller à ce que cela ne se reproduise pas », a-t-elle promis. 

La cheffe du gouvernement a également fait part de son souhait d’associer « davantage les élus locaux aux décisions qui les concernent, en leur donnant plus de lisibilité sur la durée de leur mandat, avec un cadre financier pluriannuel »  et qu’ils soient associés « de manière systématique et formalisée, à toutes les décisions budgétaires qui ont un impact sur eux »  afin de ne « pas être considérés comme de simples exécutants ».

Une volonté de dialogue qui devra « se traduire en acte »  et se « concrétiser dans les discussions à venir sur le PLF 2024, mais aussi dans la construction d’un cadre financier pluriannuel qui donne enfin de la visibilité aux élus locaux », a notamment répondu l’AMF dans un communiqué. 

Auto-assurance des recettes des collectivités

Dans ce contexte, le ministre de l’Économie a dit vouloir, une nouvelle fois, « ouvrir la voie à une nouvelle méthode pour la quatre prochaines années »  via « un nouveau partenariat, d'égal à égal »  dans le but d’en finir « avec les irritations, les querelles, les absences… tout cela ne mène nulle part ».

Il a ainsi proposé deux « principes nouveaux ». Le premier verrait la mise en place « d’un principe d’auto-assurance des recettes »  des collectivités locales. « Lorsqu’elles vont bien, qu’elles font des excédents, qu’on leur permette de se constituer des réserves financières, pour faire face en cas de coup dur », a-t-il indiqué, rappelant que l’État est aujourd’hui « l’assureur en dernier ressort », ce qui « maintient une forme de tutelle à laquelle elles ne sont pas favorables ».

S’il n’a pas détaillé les modalités de ce mécanisme, l’idée a déjà été évoquée à plusieurs reprises par la Cour des comptes dans un rapport sur les scénarios d’évolution du financement des collectivités, à l’automne dernier, et dans une publication du rapporteur général du budget à l’Assemblée Jean-René Cazeneuve, en 2020.

Une disposition qui « n’est en rien une réponse pour les collectivités aujourd’hui en difficulté, tandis qu’elle pourrait être synonyme, si elle n’était pas volontaire, d’écrêtement imposé des recettes », estime l’AMF. Redoutant « une atteinte nouvelle et grave à la libre administration des budgets locaux », l’association assure qu’une « appréciation précise de cette mesure pourra être faite lorsque celle-ci sera enfin détaillée ». 

De son côté, l’APVF a indiqué que « l’idée d’instaurer un mécanisme d’auto-assurance des collectivités pour faire face aux pics de dépenses doit avoir pour pendant la garantie de l’autonomie des recettes locales ».

Haut Conseil des finances publiques locales

Second « principe »  mis sur la table par Bruno Le Maire : la mise en place d’un « Haut Conseil des finances publiques locales ». Celui-ci n’aurait « pas vocation à se substituer au Comité des finances locales », mais à être « un instrument décisif de pilotage et d’anticipation ». 

Il aurait ainsi pour objectif de « regarder la dépense sur le long terme, de réunir régulièrement autour du ministre des Finances tous les acteurs de la dépense locale à tous les échelons pour faire le point sur la situation financière, définir des stratégies et faire certains choix collectifs ».

Si cette idée n’est là aussi pas nouvelle, l’AMF s’interroge sur les « raisons pour lesquelles le Comité des finances locales, institution élue démocratiquement par l’ensemble des collectivités, ne pourrait exercer cette mission qui rentre parfaitement dans son objet ».

Pour l’association, « ces quelques mesures ne font ni une stratégie, ni une vision pour les collectivités, alors que les propositions sont sur la table depuis plusieurs années de la part des associations d’élus locaux, et qu’elles n’ont fait l’objet d’aucune mention à l’occasion de ces Assises », a-t-elle regretté, défendant le fait que « les comptes locaux ne sont pas un problème pour la Nation »  (puisqu’ils doivent respecter la règle d’or) et pointant « le poids de la dette de l’État et son incapacité à maîtriser son déficit [qui] sont le cœur des difficultés des comptes publics avec les dépenses sociales ». 

Elle s’inquiéte, par ailleurs, du fait que, « dans la continuité du CNR, la politique du logement se résume aujourd’hui à une série de mesures budgétaires ».

« La capacité d’autofinancement des collectivités ne doit en aucun cas suppléer aux déséquilibres du budget de l’Etat », ont rappelé, de leur côté, les élus de France urbaine. À leurs yeux, « le gouvernement multiplie les annonces qui seront financées par les collectivités et assimile le recours à l’emprunt légitime des collectivités pour financer les investissements de long terme, notamment pour accélérer la Transition écologique, avec la dette de l’Etat qui a recours à l’emprunt pour combler des déficits courants, induit notamment par son incapacité à se désengager des compétences déjà décentralisées ».
 

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