Maire-info
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Édition du lundi 13 juin 2022
Assemblée nationale

Ce qu'il faut retenir du premier tour des élections législatives

Au lendemain du premier tour des élections législatives, la majorité présidentielle et la coalition de gauche (Nupes) sont au coude à coude, à l'issue d'un scrutin marqué par une abstention record. Plusieurs ministres, et non des moindres, semblent en difficulté.

Par Franck Lemarc

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© Assemblée nationale

C'est, une nouvelle fois, l'abstention qui a fait le score le plus important de ce premier tour des élections législatives : c'est plus de la moitié des électeurs (52,49 %) qui ne s'est pas déplacée pour se rendre aux urnes, soit le taux d'abstention le plus important à un premier tour de législatives depuis les débuts de la Ve République en 1958. S'il est clair que depuis 2000 et la réforme qui a instauré le quinquennat et placé les élections législatives dans la foulée de la présidentielle, l'abstention ne cesse d'augmenter, cela n'a néanmoins jamais été à ce point : en 2022 et 2007, elle a oscillé entre 35 et 39 %, avant de dépasser les 50 % pour la première fois en 2017. L'abstention est, cette année, de 1,5 point de plus qu'en 2017. 

Comme à la présidentielle, ce sont les départements d'outre-mer et les départements métropolitains les plus pauvres qui ont le moins voté. Quelques exemples outre-mer : presque 75 % d'abstention dans la 1e circonscription de la Guadeloupe, 80 % dans la 1e de la Martinique, 74 % d'abstention dans la 2e circonscription de la Guyane, 75 % dans la 3e de La Réunion. Mayotte a un peu plus voté avec une abstention autour de 58 %, tout comme la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie.

En métropole, on retrouve les mêmes clivages qu'à la présidentielle. Les départements les plus ouvriers et les plus pauvres ont exceptionnellement peu voté : 58 % d'abstention dans la 7e du Pas-de-Calais, 56 % dans la 4e de l'Aisne, 58 % dans la 21e du Nord, presque 60 % dans la 1e circonscription de la Moselle. Même constat en Seine-Saint-Denis, où l'abstention dépasse les 67 %, par exemple dans la 2e circonscription. 

On retrouve le même clivage, par exemple, dans la capitale, où les quartiers les plus populaires se sont plus abstenus que les plus riches : dans la 8e circonscription (20e et 12e arrondissements), 50,24 % des électeurs ne se sont pas déplacés, contre seulement 44 % dans le 7e arrondissement. 

Des résultats assez proches de ceux de la présidentielle

C'est finalement Ensemble, la coalition qui réunit la majorité présidentielle, qui arriverait en tête d'un cheveu, avec 25,75 % des suffrages, selon les chiffres officiels du ministère de l'Intérieur, soit 5,85 millions de voix. La Nupes, qui regroupe les principaux partis de gauche et écologistes, obtient 5,83 millions de voix, soit 25,66 %. Ces chiffres sont toutefois encore sujets à caution, les décomptes faits par certains médias, dont Le Monde, donnant au contraire la Nupes légèrement en tête.

En pourcentage, ces résultats ne sont finalement pas très différents de ceux du premier tour de l'élection présidentielle : Emmanuel Macron avait alors recueilli 27,85 % des voix (25,75 % hier). Et si l'on additionne les scores des candidats de ceux qui constituent aujourd'hui la Nupes, c'est-à-dire Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Fabien Roussel et Anne Hidalgo, on obtenait à la présidentielle un total de 22 % (25,66 % hier). La majorité présidentielle a donc un peu diminué son score et la coalition de gauche l'a un peu augmenté, profitant de la dynamique de l'unité. 

Le Rassemblement national, en revanche, a nettement diminué son score entre les deux scrutins, passant de 23,15 % pour Marine Le Pen, en avril, à 18,68 % hier. Comparé, en revanche, aux élections législatives de 2017, le parti de Marine Le Pen progresse en pourcentage et en voix : elle n'avait recueilli que 13,2 % des suffrages en 2017 (2,99 millions de voix), contre 4,24 millions hier, avec une abstention supérieure. La candidate Marine Le Pen, dans sa circonscription d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), a obtenu quasiment 54 % des suffrages. 

À droite enfin, chez les LR, le résultat est moins cruel qu'à la présidentielle, avec 10,42 % des suffrages contre 4,78 % pour Valérie Pécresse en avril. Mais le parti a perdu près d'un million de voix par rapport au premier tour des législatives de 2017, où il en avait recueilli 3,57 millions (15,77 % des suffrages).

Du côté du parti Reconquête d'Éric Zemmour, la défaite est cuisante, avec 4,24 % des suffrages et aucun candidat – y compris le président du parti – qualifié pour le second tour. 

Seulement cinq élus au premier tour

Le fort taux d'abstention a pour conséquence un nombre très réduit de triangulaires pour le second tour : il faut en effet obtenir 12,5 % des inscrits pour se qualifier. Dans certaines circonscriptions, notamment outre-mer, la participation est si faible qu'aucun candidat n'a atteint ce score – dans ce cas, les deux candidats arrivés en tête sont automatiquement qualifiés pour le second tour. C'est le cas, par exemple, dans la 2e circonscription de la Guadeloupe, où les deux candidats arrivés en tête, la ministre Justine Bénin et le divers gauche Christian Baptiste, obtiennent respectivement 7,3 % et 6,3 % des inscrits !

Compte tenu de ces règles, il n'y aura que 8 triangulaires dimanche prochain. 

Par ailleurs, c'est aussi le faible taux de participation qui explique que seulement cinq députés ont été élus dès le premier tour : quatre de la Nupes (Alexis Corbière, Sophia Chikirou, Sarah Legrain et Danièle Obono, tous en région parisienne) et un d'Ensemble (Yannick Favenec en Mayenne). Explication : même si l'on dépasse les 50 % des suffrages exprimés, il faut également avoir recueilli 25 % des inscrits pour être élu. C'est la raison pour laquelle Marine Le Pen, avec ses 54 % des suffrages exprimés, n'a pas été élue dès le premier tour dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais, n'ayant obtenu que 22,5 % des exprimés. Tout comme l'Insoumis Adrien Cattenens, dans la 1e du Nord, qui a recueilli 52 % des voix sans être élu au premier tour. 

Plusieurs ministres en ballotage défavorable

On se rappelle qu'il a été fixé comme règle qu'un ministre qui ne serait pas élu devrait démissionner. La plupart des ministres du gouvernement Borne sont en situation plutôt favorable, à commencer par la Première ministre elle-même, largement en tête dans sa circonscription du Calvados (dix points d'avance sur le second). Gérald Darmanin est également en ballotage favorable à Tourcoing, avec près de 40 % des voix. Ont également viré en tête les ministres Brigitte Bourguignon, Olivier Dussopt, Damien Abbad, Marc Fesneau, Yaël Braun-Pivet, Olivier Véran, Franck Riester (bien qu'avec une avance de 4 points seulement), Olivia Grégoire et Justine Bénin. 

La situation semble plus délicate pour Clément Beaune, arrivé deuxième dans sa circonscription parisienne avec 6 points de retard sur la candidate de la Nupes. Et surtout pour deux poids lourds du gouvernement : Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publique, est arrivé deuxième dans la 3e circonscription de Paris, avec 6 points de retard, dans une circonscription plutôt à gauche. Et plus encore pour Amélie de Montchalin, à la tête d'un super-ministère de la Transition écologique et de la Transition des territoires, qui a dix points de retard sur son concurrent Nupes dans la 6e circonscription de l'Essonne. 

Majorité absolue non assurée pour Ensemble

Il va maintenant falloir attendre une semaine pour savoir quel sera le profil de la nouvelle Assemblée nationale, les résultats étant bien trop incertains pour se livrer au jeu des pronostics. S’il est à peu près certain que la coalition Ensemble obtiendra une majorité, on ignore si elle sera relative ou absolue. il reste mathématiquement possible qu’Ensemble obtienne la majorité absolue, mais cela n'a rien de certain: les diverses projections donnent entre 255 et 295 sièges à Ensemble, la majorité absolue étant à … 289 sièges. La Nupes pourrait quant à elle recueillir entre 150 et 190 sièges. À gauche, c'est la France insoumise qui tire le principal bénéfice de ce premier tour, puisque le groupe anciennement présidé par Jean-Luc Mélenchon, qui comptait 17 sièges lors de la précédente mandature, pourrait en obtenir plus de 100. 

À l'extrême droite, le parti de Marine Le Pen semble assuré d’obtenir entre 20 et 45 sièges, ce qui pourrait être le plus grand nombre de députés obtenu par le Front national/Rassemblement national, même en 1986 où le scrutin s’était déroulé à la proportionnelle. 

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