Maire-info
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Édition du jeudi 18 juillet 2024
Assemblée nationale

L'élection du président de l'Assemblée nationale en quatre questions

C'est aujourd'hui, à partir de 15 heures, que va avoir lieu l'élection du président ou de la présidente de l'Assemblée nationale, ce qui permettra d'avoir enfin une première estimation des équilibres politiques de cette chambre sans majorité.

Par Franck Lemarc

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© Ass. nationale

Comme l’exige la Constitution en cas de dissolution, c’est aujourd’hui, soit douze jours après le second tour des élections législatures, que s’ouvre la 17e législature, avec un hémicycle éclaté en de multiples groupes dont aucun ne dispose – ni même n’approche – d’une majorité. 

Quel est le rôle du président ?

Le premier acte de cette nouvelle Assemblée va être d’élire son président ou sa présidente. Jusqu’au résultat de ce vote, l’Assemblée nationale est présidée de droit par le doyen d’âge des députés, qui sera, en l’occurrence (comme en 2022), José Gonzalez, 81 ans, député RN des Bouches-du-Rhône. 

Le président de l’Assemblée nationale est le quatrième personnage de l’État, après le président de la République, le président du Sénat et le Premier ministre. Il est chargé d’assurer la bonne marche des débats dans l’hémicycle, de veiller à la discipline et au respect du règlement de l’Assemblée. C’est lui qui mène et dirige les débats, même s’il peut se faire remplacer dans cette tâche par l’un des six vice-présidents. Il préside également les organes dirigeants de l’Assemblée nationale : conférence des présidents, Bureau, Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Par ailleurs, le président de l’Assemblée nationale a un pouvoir de nomination : c’est notamment lui qui nomme un membre du Conseil constitutionnel à chaque renouvellement triennal de celui-ci, et deux des six membres du Conseil supérieur de la magistrature. 

En cas de réunion du Congrès à Versailles (députés et sénateurs réunis), c’est le président de l’Assemblée nationale qui dirige les débats. 

Ce n’est en revanche pas lui qui est chargé de remplacer par intérim le président de la République en cas de décès ou de démission de celui-ci, mais le président du Sénat. Et ce pour une raison simple : le Sénat, contrairement à l’Assemblée nationale, ne peut pas être dissous. Si un président de la République venait à démissionner ou décéder juste après avoir dissous l’Assemblée nationale, l’intérim à la tête de l’État ne peut donc être assuré que par le président du Sénat. 

Rappelons également que le président de l’Assemblée nationale est élu pour la totalité de la législature, soit cinq ans. Son mandat ne peut être interrompu que par sa démission ou par la dissolution de l’Assemblée nationale. 

Comment se déroule l’élection ?

Le scrutin qui va avoir lieu cet après-midi va se dérouler, comme l’exige le règlement de l’Assemblée nationale (article 9), à bulletins secrets, dans une urne placée sur la tribune du Palais-Bourbon, les députés votant par ordre alphabétique. Le scrutin peut avoir jusqu’à trois tours, maximum. Un député candidat peut se retirer librement, ou pas, à chaque tour. 

Les deux premiers tours se jouent à la majorité absolue des suffrages exprimés ; le troisième tour se joue à la majorité relative. En cas d’égalité des suffrages au troisième tour, c’est le candidat le plus âgé qui est élu. 

Ces éléments ne sont pas sans importance : le fait que le scrutin se joue à la majorité des suffrages exprimés, par exemple, et non à la majorité des députés – comme c’est le cas lors du vote d’une motion de censure. Il n’y a donc pas besoin d’obtenir, au premier ou au deuxième tour, les fameuses 289 voix qui composent la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Ainsi, Yaël Braun-Pivet, en 2022, avait été élue avec 242 voix, soit la majorité absolue des 462 voix exprimées, les députés RN n’ayant pas pris part au vote après le retrait de leur candidat. 

Au troisième tour, on l’a dit, la majorité relative des suffrages exprimés est suffisante : c’est tout simplement le candidat qui aura reçu le plus de voix qui sera élu. Vu la configuration de la nouvelle Assemblée, il est relativement probable qu’il faille aller jusqu’à ce troisième tour pour déterminer le vainqueur, sauf accord de dernière minute entre différents blocs. 

Qui sont les candidats ?

À l’heure où nous écrivons, six candidats sont en lice. Mais il faut rappeler que ce nombre peut encore évoluer, puisque les candidatures sont recevables jusqu’à 14 h 30. 

Les partis composant le Nouveau Front populaire ont réussi, hier, à se mettre d’accord sur le nom d’un candidat unique : il s’agit du communiste André Chassaigne, 74 ans, député du Puy-de-Dôme et ancien maire de Saint-Amant-Roche-Savine, président du groupe communiste dans la précédente législature. André Chassaigne a d’ores-et-déjà annoncé qu’il ne retirerait pas sa candidature et était prêt à aller jusqu’au troisième tour. 

Pour le groupe Ensemble pour la république (macroniste), c’est la présidente sortante de l’Assemble nationale, Yaël Braun-Pivet (53 ans, députée des Yvelines), qui se présente, avec le soutien du MoDem qui ne présentera pas de candidat. 

Le Rassemblement national, comme en 2022, présente la candidature de Sébastien Chenu (51 ans, député du Nord). Ancien membre de l’UMP et membre du cabinet de la ministre Christine Lagarde, Sébastien Chenu a rejoint le RN en 2014, et a été vice-président de l’Assemblée nationale pendant la précédente mandature. Il a annoncé être candidat « au moins au premier tour » , ce qui laisse entendre un retrait pour les suivants, le RN n’ayant aucune chance de remporter ce scrutin. 

Pour les groupes numériquement moins importants, trois candidats sont en lice. Chez les LR, on attendait la candidature d’Annie Genevard, mais c’est finalement Philippe Juvin qui se présente. Âgé de 60 ans, le député des Hauts-de-Seine et maire jusqu’en 2022 de La Garenne-Colombes est également le chef du service des urgences de l’hôpital Georges-Pompidou à Paris. 

Contrairement au MoDem, le groupe « philippiste »  Horizons, jusque-là pleinement intégré dans la majorité présidentielle, prend ses distances avec celle-ci en présentant sa candidate, Naïma Moutchou (43 ans, Val-d’Oise). Il est toutefois probable qu’elle se retirera après le premier tour pour ne pas risquer de gêner la candidature de Yaël Braun-Pivet.

Enfin, le centriste Charles de Courson, plus ancien député de l’hémicycle (il est élu depuis 1993) présentera sa candidature. Âgé de 72 ans, le député de la Marne et ancien maire de Vanault-les-Dames a été, pendant la précédente législature, un pilier du groupe indépendant Liot. C’est lui qui avait déposé la fameuse motion de censure qui avait failli, à 9 voix près, renverser le gouvernement pendant le débat sur la réforme des retraites, l’an dernier. 

On notera que si par extraordinaire, il y avait égalité de voix à l’issue du troisième tour, ce serait donc André Chassaigne, doyen des candidats, qui serait élu.

Quels sont les enjeux du scrutin ?

Cette élection revêt une importance particulière, eu égard à la configuration très particulière de cette Assemblée. D’abord parce que, contrairement au président d’une Assemblée dotée d’une majorité confortable, le futur président de la chambre basse va devoir jouer, tant que durera cette situation, un rôle d’arbitre entre les différents blocs, et qu’il devra faire preuve d’un sens de la diplomatie exceptionnel. 

Mais surtout, on attend de ce scrutin qu’il commence à faire apparaître les différentes alliances qui pourraient se dessiner dans les mois à venir. Quels seront les candidats qui se retireront, et au profit de qui ? Ou au contraire chacun campera-t-il sur ses positions et restera-t-il jusqu’au bout ? Une alliance se fera-t-elle, comme le souhaite le Premier ministre, entre tout ou partie des forces macronistes  et les LR, ou au contraire entre certains macronistes et le Nouveau Front populaire ? Les députés du RN décideront-ils de jouer les arbitres ou de se désintéresser du scrutin après le premier tour ? 

Autant de questions dont il faudra attendre ce soir pour connaître les réponses. Une chose semble en tout cas certaine : si le candidat du Nouveau Front populaire ne remporte pas cette élection, cette coalition perdra certainement tout espoir de voir une personnalité de gauche accéder à Matignon, puisque cette défaite signerait l’incapacité de la gauche à recueillir une majorité, même relative. C’est d’ailleurs ce qui explique le fait que le NFP, déchiré par les conflits, ait tout de même réussi à s’accorder sur un candidat unique pour le perchoir. 

Mais à l'inverse, même si André Chassaigne accédait au perchoir, cela n’obligerait nullement le chef de l’État à choisir un Premier ministre issu des rangs du Nouveau Front populaire. Suspense garanti. 

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