Maire-info
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Édition du mercredi 27 novembre 2024
Fonction publique territoriale

Les communes n'ont pas le droit d'octroyer des congés menstruels, juge un tribunal administratif

Le tribunal administratif de Toulouse, saisi par le préfet, vient de suspendre la décision de plusieurs collectivités de Haute-Garonne d'octroyer des autorisations spéciales d'absence aux agents souffrant de règles douloureuses.

Par Franck Lemarc

C’est une décision qui risque d’avoir des répercussions immédiates dans les collectivités qui ont choisi de mettre en place un « congé menstruel »  – c’est-à-dire des autorisations spéciales d’absence (ASA) pour les agentes souffrant de règles douloureuses ou d’endométriose. C’est le cas, par exemple, de la commune de Saint-Ouen, en région parisienne, ou de l’Eurométropole de Strasbourg. 

C’était également le cas en Haute-Garonne dans trois structures : la commune de Plaisance-du-Touch, le CCAS de la commune et la communauté de communes du Grand ouest toulousain. La commune, notamment, a délibéré dans ce sens le 30 avril dernier, et a décidé l’octroi d’ASA pour les agentes « souffrant de règles douloureuses, d’endométriose, d’adénomyose ou de dysménorrhées ». 

Mais le préfet de la Haute-Garonne ne l’a pas entendu de cette oreille et a attaqué cette délibération devant le tribunal administratif, estimant que le conseil municipal n’est pas compétent pour fixer ces autorisations d’absence.

L’état du droit

Rappelons que les ASA peuvent être de droit ou discrétionnaires. Les ASA de droit – qui ne nécessitent pas de délibération – couvrent de nombreuses situations : exercice d’un mandat syndical ou électif, formations, convocation comme témoin ou juré d’assise, don du sang, certains motifs religieux, etc. 

Des ASA peuvent également être accordées de façon discrétionnaire pour des raisons « liées à la parentalité et à l'occasion de certains évènements familiaux » : mariage, décès et obsèques, maladie grave d’un proche, etc. 

Par ailleurs, la loi Le Pors de juillet 1983 précisait, à l’article 21, qu’un décret devait déterminer « la liste des autorisations spéciales d'absence et leurs conditions d'octroi et (préciser) celles qui sont accordées de droit ». Mais ce décret n’est jamais paru.

La commune de Plaisance-du-Touch  a estimé que le conseil municipal est en droit de « fixer les mesures générales d’organisation du service public communal »  et, à ce titre, « de dresser la liste des événements donnant droit à des ASA »  ; et qu’il appartient au maire, en tant que chef de service, d’octroyer celles-ci sur la base de la délibération du conseil municipal.

De son côté, le préfet a fait valoir que « le pouvoir réglementaire du chef de service ne peut être invoqué comme vecteur juridique pour créer un nouveau motif d’autorisation spéciale d’absence en l’absence de toute assise législative ou réglementaire ». 

« Pas de base légale » 

Et c’est bien là que le bât blesse : il n’existe à ce jour aucune loi disposant que les règles douloureuses ou l’endométriose sont des motifs permettant l’octroi d’ASA. Et le décret prévu par plusieurs textes précisant les conditions d’octroi des ASA n’étant pas paru, une telle décision n’a pas non plus de base réglementaire.

Le tribunal administratif a donc donné raison au préfet, en estimant, d’une part, que les ASA pour règles douloureuses « n’entrent dans aucune catégorie d’ASA dites de droit », et que, d’autre part, « aucune disposition législative ou réglementaire (ne permettent) de mettre en place des ASA dites discrétionnaires autres que celles liées à la parentalité et à certains événements familiaux ». 

La délibération de la commune, comme celle du CCAS et de la communauté de communes, est donc « dépourvue de base légale ». Le conseil municipal n’est « pas compétent pour approuver de telles décisions ». Il existe donc, conclut le tribunal, « un doute sérieux quant à la légalité de cette délibération », qui est donc suspendue « jusqu’à ce qu’il soit statué sur sa légalité ». 

Il reste à voir si le tribunal administratif de Strasbourg, qui a lui aussi été saisi par le préfet pour la même raison, rendra la même décision. Mais cette décision du tribunal de Toulouse montre qu’il y a urgence à ce que le Parlement s’empare de cette question ou que, à tout le moins, un décret paraisse pour autoriser cette pratique. Rappelons que plusieurs propositions de loi ont déjà été débattues au Parlement sur ce sujet, afin d’instaurer officiellement l’octroi d’autorisations d’absence pour ce motif. Jusqu’ici sans succès. 

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