Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 7 juillet 2023
Société

Après les émeutes, Villes de France propose au gouvernement un pacte « pour agir concrètement »

Quelques jours après les violences, l'Association d'élus a saisi l'opportunité de son congrès, les 6 et 7 juillet, au Creusot (71), pour rédiger une « adresse » au gouvernement. Elle propose à l'Etat de s'engager aux côtés des maires dans un « pacte » pour « relever le défi du logement », « mieux accompagner les personnes par l'accès aux services publics » et « rétablir l'autorité publique et assurer la sécurité de chacun ». Objectif : bâtir « un nouveau contrat de cohésion sociale et nationale ». Plusieurs ministres sont intervenus en apportant quelques premières réponses.

Par Xavier Brivet

Sortir de la sidération et agir pour reconstruire : tel est, résumée, la volonté exprimée par les élus des villes moyennes après les émeutes. Réunis lors du congrès de leur association Villes de France, les 6 et 7 juillet, au Creusot (Saône-et-Loire), au cours duquel pas moins de cinq ministres ont pris la parole, les maires ont saisi cette tribune pour formuler une « adresse »  au gouvernement. « L’État doit faire confiance aux élus. Nous devons gérer collectivement les urgences sinon nous ne traiterons que les symptômes et pas les causes de cette crise, a martelé David Marti, maire du Creusot. Les élus et les services publics sont les remparts et le ciment de l’unité nationale. Le gouvernement ne doit jamais l’oublier ! ». 

L’adresse adoptée par l’association, le 6 juillet, prend la forme d’un pacte que les élus proposent à l’Etat de signer « pour rétablir la concorde républicaine, la cohésion sociale et la sécurité du quotidien » . Trois axes doivent être privilégiés selon Villes de France. Premier axe, « relever le défi du logement de qualité pour tous »  (renforcer la mixité sociale ; « mieux équilibrer la rénovation et la reconstruction de logements locatifs sociaux »  ; « mieux répartir l’offre à bas loyers entre les territoires d’une même agglomération »  ; renforcer le désenclavement des quartiers). 

Deuxième axe, « accompagner les plus fragiles par l’accès aux services publics »  dans les quartiers (conforter les dispositifs de réussite éducative ; calquer la géographie des zones d’éducation prioritaire (ZEP) sur celle des quartiers de la politique de la ville (QPV) ; permettre au maire de « revoir la carte scolaire afin d’éviter la concentration quasi inévitable dans les mêmes écoles d’élèves issus de familles elles-mêmes en difficulté »  ; renforcer le soutien à la parentalité ; associer les élus au pilotage de France travail pour garantir l’élaboration de solutions locales pour l’insertion professionnelle des jeunes, notamment ; développer des maisons France services en priorité dans les QPV). 

L’enjeu des futurs contrats de villes

Troisième axe du pacte, « rétablir l’autorité publique et assurer la sécurité de chacun au quotidien » . Les élus demandent « le renforcement de l’ensemble de la chaîne qui contribue à la sécurité publique : prévention, tranquillité du quotidien, répression et sanction » . Ils veulent « le retour de la police de proximité qui permettrait aux policiers de créer des liens forts avec les habitants en étant à leur contact au quotidien » , une association plus grande des maires aux actions de la prévention spécialisée, « un effectif minimal d’éducateurs en fonction de la population des QPV ». Les maires s’opposent au « transfert, de fait, vers les polices municipales, des missions de tranquillité publique et de première intervention, qui relèvent de la police nationale »  et estiment que « les conventions de coopération doivent, sur ce point, être plus précises et être respectées sur le terrain » . Ils plaident également « pour le développement de l’initiative quartier de reconquête républicaine (QRR) dans les villes moyennes et de manière générale des dispositifs de la police de sécurité du quotidien (PSQ) ». 

Le « pacte du Creusot »  doit, selon les élus, permettre de « construire des solutions pérennes et réellement adaptées aux populations de nos quartiers populaires et faire pleinement confiance aux élus locaux et à leurs priorités d’action publique locale » . Pour Villes de France, la discussion, à l’automne 2023, des nouveaux contrats de ville, que le gouvernement doit présenter aux élus, « doit être l’occasion de bâtir, avec l’ensemble des acteurs, ce nouveau contrat de cohésion sociale et nationale dont le pilote local doit clairement être le maire » , a affirmé Gil Avérous, maire de Châteauroux (36) et président de l’association. Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse (01) et président délégué, a cependant posé un préalable important : « pour que le pays se reconstruise et que l’investissement local se poursuive, l’Etat doit impérativement garantir aux collectivités une stabilisation de leurs recettes, préserver la fiscalité locale et indexer ses dotations aux collectivités sur l’inflation » . En somme, Villes de France, comme l’AMF, demande à l’Etat la mise en place d’un pacte financier pluriannuel, condition sine qua non du succès du « pacte du Creusot ». 

Des ministres et quelques annonces

Plusieurs ministres avaient fait le déplacement au Creusot, le 6 juillet. Parmi eux, Stanislas Guérini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, n’a pas directement répondu aux demandes des maires tout en apportant certains débuts de réponses. Interpellé par Jean-François Debat sur la hausse du point d’indice « sans concertation avec les employeurs publics et coûteuse pour les budgets locaux » , le ministre a indiqué qu’il engagera « la semaine prochaine, des discussions avec les associations d’élus pour, à l’avenir, bâtir ensemble une politique salariale des agents mieux concertée. Nous devons inventer une négociation annuelle obligatoire pour les salaires de la fonction publique territoriale » , a-t-il affirmé. Stanislas Guérini a rappelé aux élus les travaux en cours pour « renforcer et valoriser le métier des secrétaires de mairies qui sont des couteaux suisses aux côtés des élus » . Il a annoncé « la création de 150 nouvelles maisons France service d’ici à la fin de cette année » , en indiquant que « la participation financière de l’Etat passera de 30 000 euros à 50 000 euros pour chaque France service » , tandis que l’offre de service « devra être élargie ». 

Olivier Klein, ministre délégué chargé de la Ville et du Logement, a partagé le souci des maires de conforter la politique de la ville « qui a fait l’objet parfois d’un mauvais procès après les émeutes. Cette politique est nécessaire, elle a un rôle formidable dans la transformation physique des quartiers. Mais il reste beaucoup à faire » . L’ancien maire de Clichy-sous-Bois (93) s’est engagé devant les élus à ce que « les nouveaux contrats de villes partent de vos quartiers et soient construits par les élus et les habitants ». Il a convenu qu’« il faut conjuguer éducation prioritaire et zonage de la politique de la ville »  et annoncé « la généralisation des cités éducatives dans toutes les communes en politique de la ville ». 

Intervenant en visioconférence, Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique n’a pas relevé la demande d’un pacte financier État-collectivités demandé par Villes de France. Il a fait la promotion du projet de loi relatif à l’industrie verte, en cours de discussion au Parlement, en indiquant que « l’Etat mettra 50 sites dépollués soit 2 000 hectares à la disposition des entrepreneurs et des élus pour développer des projets industriels » , sans faire référence à la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui a pu décourager certains élus d’accueillir des activités industrielles et coupé le lien fiscal entre les entreprises et les territoires. Tout juste a-t-il évoqué la mise en place d’une « fiscalité verte »  sans préciser son impact pour les collectivités.  Il a indiqué que « l’Etat veut accélérer les procédures pour que le délai d’ouverture d’une usine passe de 17 mois à 9 mois » . Enfin, Bruno Le Maire a souligné que « la réindustrialisation de notre pays pose un défi de qualification, de formation et de logement des salariés », un défi que le ministre compte « relever avec les élus locaux : je compte sur vous ! » , a-t-il conclu.
 

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