Plafonnement de l'Ifer : les associations d'élus disent non
Par Lucile Bonnin
C’est lors de son audition au Sénat le 8 mars dernier que Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, a relancé le débat sur la réforme de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (Ifer) mobile.
Depuis 2021, cet impôt payé par les opérateurs sur les équipements réseaux est dans la ligne de mire de Bercy. Créé par la loi de finances 2010 pour compenser la perte de recettes des collectivités induite par la suppression de la taxe professionnelle, l’Ifer mobile n’a cessé d’augmenter sous l’impulsion du déploiement de la 4G et de la 5G. Pour rappel, la taxe est de 1 709 euros pour les opérateurs sur chaque antenne 2G-3G-4G-5G.
Pour Philippe Le Grand, président d’InfraNum, « on évalue que l’Ifer aujourd’hui pèse 400 millions d’euros et va augmenter à 1 milliard dans les prochaines années » (lire Maire info du 15 mars). Cette augmentation est contestée par les opérateurs qui considèrent que la taxe est « injuste et démesurée ».
Le gouvernement semble vouloir atténuer la pression fiscale sur les opérateurs alors que le New Deal mobile doit atteindre ses objectifs en 2027 et que beaucoup reste encore à faire (lire Maire info du 24 février). La réforme de l’Ifer mobile est à nouveau dans les tuyaux, au grand dam des collectivités.
Baisse de l’Ifer
Devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, le ministre a évoqué la « piste » de la réforme de l’Ifer mobile comme moyen de faire respecter aux opérateurs leurs engagements de complétude des réseaux.
Si de nombreux articles de presse ont présenté cette annonce comme une décision du gouvernement de céder à un « caprice » des opérateurs, le ministre a tout de même soutenu que la baisse de l’Ifer mobile pourrait profiter aussi aux collectivités.
L’Ifer mobile étant un impôt dynamique, les recettes pour les collectivités peuvent augmenter mais aussi diminuer. C’est sur ce second scénario que mise Jean-Noël Barrot. « Les annonces récentes des opérateurs sur leurs stratégies de dépose de la 2G et de la 3G dans les 5 prochaines années nous incitent à cette réforme nécessaire et indispensable, a-t-il expliqué. Pourquoi ? Parce que la dépose de la 2G et de la 3G va conduire, si nous ne faisons rien, à une forte baisse des recettes Ifer aux mains des collectivités. »
Le ministre a précisé qu’il ne s’agissait pas par cette réforme « de supprimer ces ressources à destination des communes et départements mais au contraire de les stabiliser et de leur garantir une prévisibilité dans les années à venir. »
Des arguments « caducs » pour les collectivités
Les réactions n’ont pas tardé à se faire entendre du côté des associations d’élus. Ainsi, le 6 avril dernier, un courrier a été adressé au ministre signé par les présidents de six associations : l’AMF, France urbaine, l’AMRF, Intercommunalités de France, APVF et Villes de France. Les associations d’élus rappellent leur opposition à « toute diminution de l’Ifer mobile ».
Il est rappelé au ministre « qu’aucune étude précisant les impacts fiscaux du décommissionnement et du développement des réseaux mobiles n’a été menée en amont. Le manque de projections et d’études d’impact sur l’évolution réelle des recettes de l’Ifer sur les stations radioélectriques, en lien avec le développement de la 5G et le décommissionnement de la 2G et 3G, réduit toute possibilité de revoyure et rend caduque la plupart des arguments qui plaident pour sa refonte voire sa suppression. »
Les associations d’élus tiennent aussi à rappeler, comme elles l’avaient fait en 2021 lorsque le débat avait été mis sur le devant de la scène politique, « que les dérogations et les allègements fiscaux octroyés aux opérateurs n’ont pas d’effet avéré sur l’installation d’antennes, notamment dans les territoires peu denses. » On pourrait se demander par exemple combien les opérateurs ont économisé grâce à la suppression de la CVAE..
Responsabilité des opérateurs
Au-delà de rappeler leur opposition à la diminution de l’Ifer mobile, les associations d’élus ont tenu à rappeler aux ministres que « les opérateurs doivent être rappelés à leurs engagements » notamment en ce qui concerne « la couverture des réseaux mobiles » ou la « complétude des réseaux fixes dans les zones urbaines, péri-urbaines ou rurales ». La situation dans les territoires est en effet loin d’être satisfaisante notamment en ce qui concerne le déploiement de la fibre.
Ainsi, les associations d’élus ont également rappelé au ministre que ces mêmes opérateurs qui plaident pour une diminution ou même une suppression de l’Ifer mobile « réalisent des chiffres d’affaires en croissance et bénéficient déjà de nombreuses exonérations » alors même qu’ils « ne remplissent pas pleinement leurs obligations. »
Les six associations proposent une alternative pour « améliorer les marges des opérateurs de téléphonie mobile » : supprimer la « taxe Copé » . Pour rappel, cette taxe instaurée depuis 2009 pèse sur les opérateurs de communications électroniques qui compensent financièrement et partiellement la perte des recettes due à la fin de la publicité après 20 heures sur les chaînes publiques.
Enfin, une « réflexion plus large sur le financement et la fiscalité du numérique » doit être menée, selon les associations, qui attendent « un engagement financier fort de l’État et des opérateurs » afin de « lutter contre la précarité numérique » et de « consolider un service public universel du numérique ».
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