La Cour des comptes invite l'Arcep à exercer davantage son pouvoir de sanction
Par Lucile Bonnin
Les conclusions du rapport de la Cour des comptes sur l’autorité chargée de la régulation des télécoms portant sur la période 2015-2021 sont en adéquation avec l’avis des élus locaux au sujet de l’impact de l’Arcep notamment dans les territoires. L’institution remplit en effet son rôle mais son pouvoir de police reste perfectible.
L’impact positif de l’Arcep
« Bien qu’il soit difficile d’isoler l’impact de l’action de l’Arcep, les résultats observés sur les secteurs régulés sont globalement positifs, ainsi qu’en témoignent la progression significative de la connectivité en France, la baisse des prix des abonnements ou encore la hausse des investissements des opérateurs » , peut-on lire dans le rapport. Il est évidemment précisé que la situation est « contrastée selon les publics et les territoires, en particulier s’agissant de la connectivité des entreprises et de l’accès à la fibre optique » – précision qui ne risque pas d’étonner les élus locaux.
En effet, dans le cadre de la transition du cuivre vers la fibre, l’Arcep contrôle les engagements pris par les opérateurs au titre du Plan France très haut débit. Le rapport salue aussi le rôle actif joué par l’Arcep dans le contrôle de la qualité de service et de la résilience de l’infrastructure de réseau. Très récemment, l’Arcep a « développé une démarche concertée de "plans de remise en état" sur la base du volontariat. À la date du rapport de la Cour, trois acteurs (Altitude, XP Fibre, Free) sont engagés dans de tels plans ».
Les magistrats ont aussi pu observer la mise en place de « multiples concertations et consultations (146 consultations publiques ouvertes entre 2015 et 2022) » de la part de l’Arcep. Ainsi, « les décisions de l’Autorité sont peu remises en cause par les acteurs concernés, voire par le juge ».
Sur la question du service universel, la Cour des comptes rappelle que depuis décembre 2020, aucun opérateur n’est chargé du service universel pour les prestations de raccordement au réseau et de fourniture d'un service téléphonique. Davantage dans le registre de la recommandation que de la critique, les Sages expliquent que « dans la perspective de la fermeture du réseau cuivre, qui accroîtra probablement le coût des abonnements haut débit, il conviendrait de garantir, dès 2024 et pour tous les foyers sur l’ensemble du territoire, le respect des exigences de disponibilité et d’abordabilité de l’offre d’internet haut débit ».
Un levier de sanction peu utilisé
Si les outils de contrôles sont considérés comme efficaces par la Cour des comptes, la sanction qui s’impose dans certains cas vient plus timidement voire quasiment jamais. Il est rappelé dans le rapport, et c’est dans l’ADN de l’Arcep, que la sanction est envisagée « comme ultime recours de la régulation ». Résultat, elle est peu utilisée : entre 2015 et 2022, sept sanctions ont été prononcée – essentiellement dans le domaine des communications électroniques.
Les dispositifs de régulation prévus en amont sont qualifiés d’insuffisants par les magistrats. En effet, « plusieurs étapes sont obligatoires avant une éventuelle sanction : l’ouverture d’une instruction et le constat d’un manquement, la mise en demeure non suivie par la mise en conformité de l’acteur concerné, la notification des griefs et l’audition des acteurs concernés. Dans le secteur des communications électroniques, 24 % (25 sur 105) des décisions d’ouverture d’une procédure d’instruction entre 2015 et 2022 ont donné lieu à une décision de mise en demeure. 28 % (7 sur 25) de ces mises en demeure ont abouti à une sanction ».
C’est pourquoi la Cour des comptes recommande à l’Arcep de veiller à ce que « certains instruments "préventifs" en amont des procédures de sanctions [soient] mieux exploités et suivis, comme la "régulation par la parole", les mises en demeure en amont des échéances fixées, et les plans de remise en état du réseau fixe ».
Cependant, plus la fermeture du cuivre approche plus l’autorité semble disposée à sanctionner les opérateurs. La Cour des comptes évoque dans son rapport « une hausse récente du contentieux » qui n’est pas sans rappeler la récente mise en demeure d’Orange par l’Arcep (lire Maire info du 25 avril) concernant la couverture des zones Amii (1).
Un constat qui rappelle la PPL Chaize
Face aux « désordres persistants » dans le raccordement à la fibre, Patrick Chaize, le sénateur de l’Ain et président de l’Avicca a déposé une proposition de loi en juillet 2022 au Sénat. Ce texte qui a été discuté en mai dernier vise à rendre contraignants les engagements des opérateurs sur la qualité de la fibre et surtout à renforcer les pouvoirs de contrôle et de sanction de l’Arcep.
Jean-Noël Barrot, ministre du Numérique, s’est dit favorable à ce renforcement des pouvoirs de l’Arcep et a notamment déclaré il y a quelques semaines, lors de la conférence annuelle de l’Arcep, que si aucun accord n’était trouvé avec Orange, « nous n’aurons pas d’autre possibilité que de trouver des solutions législatives », faisant directement allusion à la proposition de loi Chaize.
Il semblerait pour le moment qu’un nouveau Plan baptisé France numérique 2030 puisse permettre « de faire converger l’ensemble des actions indispensables à la poursuite de la transformation numérique de notre pays ». Ce dernier devrait être présenté demain à Bourges lors de l’Université du Très Haut Débit (UTHD). Maire info sera sur place.
(1) Orange a été mis en demeure en 2022 de respecter son engagement de couvrir 100 % des zones AMII (Appel à manifestation d'intention d'investissement), soit plus de 3 000 communes, avant le 31 décembre 2020.
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