Fermeture du réseau cuivre : entre avancées et inquiétudes
Par Lucile Bonnin
Comment réussir la migration du cuivre vers la fibre ? C’est une question qui anime aussi bien les acteurs de la filière des télécoms que les élus. Les obstacles à éviter avant d’envisager sereinement des fermetures définitives dans les territoires sont encore nombreux.
Une première expérimentation a été menée par Orange pour la fermeture du réseau cuivre à Lévis-Saint-Nom (78) en juillet 2021. Plus récemment, une seconde expérimentation a eu lieu dans les communes de Voisins-le-Bretonneux (78), Provin (59), Issancourt-et-Rumel (08), Vrigne-aux-Bois (08), Vivier-au-Court (08) et Gernelle (08). Cette dernière devait se finir en novembre dernier, mais elle a pris du retard.
À l’heure où cette deuxième expérimentation touche à sa fin, Orange a publié, hier, officiellement le premier lot de 162 communes dans lesquelles le réseau cuivre sera fermé.
Problème : l’objectif du 100 % fibre n’est pas encore atteint (objectif fixé à l’horizon 2025) et les dysfonctionnements se multiplient dans les territoires. Comme l’a rappelé hier soir la présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière, lors de la cérémonie des voeux de l'Arcep, « la situation dans certaines communes est inacceptable. » Or le préalable pour la fermeture du réseau cuivre est de « pouvoir compter sur un réseau fibre bien construit et bien exploité ».
Les engagements de la filière pour la qualité du réseau fibre
Hier, lors des questions d’actualité au gouvernement, le sénateur Éric Gold a rappelé les faits : « Chantiers techniques abandonnés, travail bâclé, refus d'installer le cuivre dans une construction neuve, abonnement prélevé sans que l'abonné soit raccordé : les incidents se multiplient. »
Selon lui, 15 à 20 % des abonnés seraient victimes de dysfonctionnements, la faute à des opérateurs « négligents » . Le ministre chargé de la Transition numérique et des Télécommunications Jean-Noël Barrot a rappelé que pour s’assurer de la qualité des réseaux, le gouvernement et l'Arcep ont saisi dès septembre la filière télécoms, « qui a pris des engagements : amélioration de la qualité des interventions avec une certification attestant de compétences minimales ; transmission du planning et des comptes rendus d'interventions ; reprise des infrastructures dégradées. »
L’Arcep veille attentivement à ce que les opérateurs honorent leurs engagements. Le ministre a également insisté sur ce point fermement en indiquant qu’il s’engageait à « ce que cette transition se fasse correctement. »
Critère de complétude
Sur les 162 communes dans lesquelles le réseau cuivre sera fermé, 104 sont déjà intégralement raccordables en fibre. « L'Avicca s'étonne néanmoins de la présence de 30 communes beaucoup moins bien couvertes, l'une d'entre elle n'atteignant que 87 % de locaux raccordables » , peut-on lire dans un communiqué de l’association.
Les déploiements seront normalement terminés avant la fermeture du réseau cuivre. Ainsi, « le critère de complétude subsistera et aucune commune ne devrait réellement pouvoir être fermée sans complétude. » Car en effet, et c’est bien ce qui préoccupe les élus et les acteurs de la filière, le cuivre ne peut être fermé que si la fibre est déployée à 100 % et, qui plus est, fonctionne bien.
Cette interdépendance inquiète, eu égard aux malfaçons qui sont observées dans les territoires et au ralentissement du déploiement observé récemment par l’Arcep. En effet, depuis quelques mois le gendarme des télécoms observe un ralentissement du déploiement « inquiétant dans les zones moyennement denses et les zones denses ».
Ne pas abandonner le cuivre
En attendant la fermeture définitive du cuivre, un autre enjeu s’impose : le maintien et l’entretien du réseau cuivre en attendant que tous les abonnés soient passés à la fibre. Actuellement, 50 % des abonnés au fixe sont passés à la fibre.
Le ministre chargé du Numérique l’a rappelé au Sénat hier : « La qualité du réseau cuivre doit être maintenue : l'État ne transigera pas. » Pour le moment, ce n’est pas vraiment ce qui est observé dans les territoires. De nombreux élus ont fait remonter à l’AMF des cas où le réseau cuivre est laissé à l’abandon.
Or l’Arcep est claire sur ce point : « La qualité de service du réseau cuivre doit se maintenir jusqu’à sa fermeture » . Maire info reviendra dans une prochaine édition sur cette question de l’entretien du cuivre.
Mutation des abonnés
Sur ces problématiques, l’AMF, Régions de France, Départements de France, et l'Avicca ont demandé au gouvernement d'initier la mise en place d'une structure nationale avec une « communication institutionnelle neutre et forte, portée par la puissance publique ».
Si pour le moment aucune réponse de l’État n’a été apportée sur cette demande spécifique, le ministre chargé de la Transition numérique et des Télécommunications a cependant fait deux annonces hier soir lors des voeux l’Arcep.
Il s'agit d'encourager « une bascule complète et rapide des abonnés satisfaits de leur service ADSL et VDSL vers le FttH ». Le ministre a insisté sur le fait que, « dans un contexte de fermeture du réseau cuivre, l’État se doit d’accompagner tous les Français y compris les plus résistants. » D’ailleurs l’Avicca pointe le fait que, le nombre de réfractaires au changement de technologie est tout sauf anodin, selon les premières expérimentations.
D’abord, le ministre a annoncé l’extension du service universel au Très haut débit. « L’État souhaite désormais créer un droit au très haut débit pour tous à prix abordable. Le gouvernement envisage de fixer un niveau de service à 30 Mégabits afin que tous les citoyens aient accès à un service internet très haut débit et à des services de communication abordables. Le projet d’arrêté sera soumis à l’avis de l’Arcep. »
Enfin, le ministre a annoncé la « mise en place d’un dispositif d’information qui pourra s’appuyer sur les outils développés par l’Arcep comme Maconnexioninternet » à destination des citoyens.
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