Amélioration de la qualité des réseaux fibre : vraie bonne nouvelle ou évolution en trompe-l'oeil ?
Par Lucile Bonnin
La publication de l'Observatoire de la qualité des réseaux élaboré par l’Arcep est un peu particulière cette année. Deux nouveaux indicateurs ont été pris en compte : le taux de raccordements non conformes par typologie de malfaçon et le taux de malfaçons reprises dans un délai de 30 jours. Ces derniers permettent d’obtenir une vue d’ensemble sur la qualité des réseaux, souvent décriée par les élus locaux, qui doivent gérer depuis plusieurs années sur le terrain les problèmes de déconnexions ou encore la détérioration des armoires pour la connexion fibre.
Pour le gendarme des télécoms, les nouvelles sont plutôt bonnes même si les résultats diffèrent en fonction des opérateurs qui interviennent et des départements. Rappelons que cette question de la qualité des réseaux fibre est un enjeu essentiel car il entre en ligne de compte dans la disparition de l’ADSL. Avant de fermer le réseau cuivre, il faut s’assurer que tous les habitants puissent avoir une bonne connexion, ce qui n’est actuellement pas le cas dans certains territoires où l’on observe encore beaucoup trop de dégâts causés aux réseaux fibre via les raccordements en mode STOC (raccordements en cascades avec plusieurs échelles de sous-traitance).
Moins de pannes mais des disparités
L’Arcep constate « une poursuite de l’amélioration constatée précédemment sur les taux de pannes et une stabilité sur les taux d’échecs au raccordement. Les réseaux les plus dégradés voient leur taux de pannes moyen diminuer de 0,51 % en janvier 2024 à 0,30 % en octobre 2024, se rapprochant ainsi progressivement des standards de marchés. »
La cartographie qui a été dévoilée montre qu’il existe des disparités entre les territoires concernant les pannes et les échecs au raccordement. Le département du Doubs, par exemple, enregistre un taux d’échecs au raccordement de plus de 11 % alors que son voisin de Haute-Saône enregistre un taux de panne à moins de 5 %. De même, pour les pannes de réseaux, le département de la Manche est plutôt épargné (taux de moins de 0,3 %) tandis que le Calvados enregistre un taux de pannes à plus de 1 %.
L’Observatoire montre aussi que les opérateurs ne corrigent pas tous les malfaçons avec la même efficacité. Concrètement, Orange par exemple remédie à 94 % des malfaçons signalées en 30 jours alors que Free à seulement 49 %.
Malgré ces points noirs, le gendarme des télécoms se veut optimiste et rappelle dans son communiqué de presse qu’il est « encore prématuré de conclure quant à l’efficacité des travaux mis en œuvre par la filière dans la durée » . L’Arcep rappelle « qu’il est nécessaire que l’ensemble de la filière reste mobilisé et poursuive la mise en œuvre du plan d’action ‘’Qualité de la fibre’’ présenté à l’Arcep et au gouvernement en septembre 2022 ».
Pour mémoire, cet accord prévoit notamment une intensification du contrôle avec la mise en place de plannings d’intervention, l’obligation de réaliser un compte rendu d’intervention conforme et aussi la mise en place d’un permis à points pour les intervenants (lire Maire info du 23 septembre 2022).
« Les difficultés rencontrées sur terrain continuent encore et toujours »
L’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca) est cependant moins optimiste que l’Arcep sur le sujet. Elle estime que « pendant que les solutions techniques promises n'en finissent plus d'être reportées sans cesse, les difficultés rencontrées sur terrain continuent encore et toujours. »
Dans un article publié sur son site internet, l’Avicca explique que si le volume des signalements concernant les pannes et malfaçons diminue c’est parce que le « nombre de nouveaux raccordements est en chute libre : fin 2024, il était inférieur de 40 % à ce qui était encore observé fin 2020. Moins de nouveaux raccordements = moins de nouveaux problèmes de raccordements. »
De plus, dans sa méthodologie, l’Arcep précise que les données utilisées sont celles fournies par l’opérateur commercial et qu’elles peuvent « différer des données produites par l’opérateur d’infrastructure car ce dernier peut notamment ne pas prendre en compte certains signalements des opérateurs commerciaux, considérés comme des signalements à tort ». L’Avicca considère « la validité des indicateurs transmis par les opérateurs commerciaux à l'Arcep afin de nourrir l'observatoire » comme discutable : « un simple coup d'œil sur l'évolution des signalements à tort, qui n'apparaissent toujours pas dans ledit observatoire, montre qu'en moyenne, encore 40 % des incidents imputés par les opérateurs commerciaux aux opérateurs d’infrastructures incombent en effet à ces seuls opérateurs commerciaux. » Les incidents seraient donc en réalité bien plus fréquents que les taux de malfaçons plus élevés que les résultats présentés hier par l’Arcep.
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