Alternatives à la fibre, service universel : les acteurs de la filière tournés vers l'avenir
Par Lucile Bonnin, Ã Bourges
En attendant que le Plan qualité fibre (lire Maire info du 6 octobre), annoncé il y a tout juste un an à l’occasion de la septième édition de l’UTHD par les acteurs de la filière, porte ses fruits sur le terrain, l’heure est venue de penser l’avenir du réseau fibre qui remplacera le cuivre à l’échéance 2030.
Cet objectif d’atteindre le 100 % fibre à l’échéance 2025 a, le temps passant et le chantier avançant, été de plus en plus nuancé, de plus en plus compliqué. Pour Jean-François Fallacher, directeur général d’Orange France, c’est même « un rêve ». La réalité, du point de vue des opérateurs mais aussi des élus qui le constatent malheureusement dans les territoires, est que « plus on va vers la fin, plus ça va être compliqué ».
Malgré les malfaçons, les raccordements complexes, le ralentissement des déploiements dans les zones denses, l’enjeu de complétude avant le décommissionnement du cuivre reste un impératif. Ainsi, les acteurs de la filière se sont dits prêts à « rassembler les stratégies pour le présent tout en préparant l’avenir », résume Philippe Le Grand, président d’InfraNum.
« Avoir les moyens pour continuer »
Durant son intervention en visioconférence, le ministre Jean-Noël Barrot a rappelé qu’« apporter la fibre à des millions de Français ce n’est pas de la magie » mais c’est un « chantier spectaculaire » qui mobilise diverses compétences. « Il n’est pas acceptable que les élus se retrouvent en première ligne pour trouver des solutions à des problèmes que les acteurs de la filière ne résolvent pas toujours suffisamment à temps ».
« On arrive sur les raccordements les plus complexes et les plus coûteux », observe le directeur général d’Orange. Pour Antoine Darodes, directeur des investissements transition numériques et télécommunications à la Banque des Territoires, « la situation est bloquée sur le domaine privé » et notamment sur les « derniers mètres » avant les habitations, comme l’observe le vice-président du conseil départemental du Cher Patrick Barnier.
Le directeur général d’Orange a indiqué sans détour que la filière a besoin de moyens pour continuer à investir, et notamment de moyens financiers. « Les Français souffrent avec l’inflation mais nous (Orange) avons augmenté nos tarifs au début de l’année pour compenser la moitié de l’inflation. Il faudra trouver plus de marges de manœuvre pour travailler davantage la qualité à l’avenir ». Une hausse du prix des abonnements semble être envisagée par certains opérateurs, notamment pour financer le génie civil.
Pour Antoine Darodes, chaque opérateur a « sa part de chemin à faire sur les bouts de génie civil avec 500 000 locaux en souffrance actuellement ». Or « cela coûte plusieurs centaines de milliers d’euros » reconnaît le responsable investissements de la Caisse des dépôts. « Soit on attend que l’État fasse quelque chose soit on prend en main le problème ». La deuxième option a d’ores et déjà été enclenchée : « Les opérateurs commerciaux, les opérateurs d’infrastructures et la Banque des territoires se mettent autour d’une table pour apporter la réponse et financer ». Un système de financement est donc en cours d’élaboration où « tout le monde met la main à la poche ». Cet accord inédit n’est tout de même pas simple à mettre en œuvre opérationnellement et vise à apporter une capacité d’investissement pour les raccordements complexes. « Cela ne va pas résoudre toutes les problématiques, il reste celle du domaine privé ».
Service universel
Plus la fin du cuivre approche, plus le vide juridique autour du droit au très haut débit pour tous inquiète. En effet, depuis 2020, le service universel n’est plus assuré par Orange. Pourtant, selon Patrick Chaize, président de l’Avicca et sénateur de l’Ain, il est essentiel de faire en sorte, comme pour l’électricité, l’accès au haut débit et à l’eau potable, que le très haut débit soit un service accessible à tous et partout.
Pour Antoine Darodes, pas de secret : « Il faut un service universel ». Pour Laure de la Raudière, présidente de l’Arcep, le service universel serait « très utile pour rassurer les citoyens dans le cadre de la fermeture du réseau » afin d’assurer que dans tous les cas il y aura « une solution de raccordement pour tous ».
La priorité selon Patrick Chaize est « refixer le cadre et les objectifs ». « Il faut du temps pour convaincre le niveau parisien et même les opérateurs qui préféreraient ne pas avoir de contraintes supplémentaires, mais il faut que chacun prenne ses responsabilités et je suis heureux de voir que le ministre a compris qu’il fallait passer par la loi pour atteindre une obligation partagée », a-t-il déclaré, faisant référence à sa proposition de loi que le ministre semble prêt à soutenir dans le cas où les opérateurs ne réagiraient pas.
Pour l’instant, donc, pas de service universel en vue mais plutôt – si la situation n’évolue pas dans le bon sens – la perceptive d’un cadre législatif qui contraindrait davantage les opérateurs pour raccorder tous les citoyens.
La fibre… mais pas que
Le changement de ton qui pouvait s’observer depuis déjà quelques mois autour de l’objectif 100 % a clairement fait l’objet de débats hier à Bourges. D’abord, du côté des opérateurs, il est clair que la fibre ne pourra pas être accessible partout. Certes, la fibre sera « le média majoritaire de 2030 mais il y aura d’autres moyens car on sait tous que plus on va aller de l’avant plus les prises seront complexes à connecter », indique le directeur général d’Orange. Il pense notamment aux clients qui souhaitent la fibre mais qui ont des travaux à faire dans leur propriété qui sont d’un montant trop élevé : « Dans ce cas, on pourra aller vers du satellite », rappelant que d’autres solutions existent comme la 4G/5G fixe par exemple. Orange va d’ailleurs dévoiler mi-novembre une offre satellite.
Bref, le 100 % fibre n’existe plus. On parle davantage de 100 % très haut débit. « Il y aura principalement la fibre », martèle l’opérateur Orange, mais il ne pourra pas y avoir uniquement cette technologie.
L’Arcep en revanche ne le voit pas de cet œil. Laure de la Raudière a été claire en clôture de ces débats : « L’objectif politique c’est la généralisation de la fibre et l’Arcep reste ferme là-dessus ». Néanmoins, l’Arcep a aussi évolué sur ses positions. L’autorité qui pose les conditions pour le bon déroulement du projet de fermeture du cuivre notamment en ce qui concerne les délais de prévenance, les enjeux concurrentiels, etc., est en train de « rediscuter la première condition qui est le 100 % fibre avant le décommissionnement ». La présidente de l’Arcep parle de « dérogations ». Les solutions alternatives à la fibre pourront faire partie de ces dérogations. En revanche, cela ne concernera pas les premiers lots où la fermeture du cuivre est en cours. « Si une commune n’est pas fibrée à 100 % on la retire du lot », explique Laure de la Raudière qui prévoit donc des cas exceptionnels pas avant 2026, fin des premières expérimentations.
Enfin, il n’a pas uniquement été question de fibre durant cette Université du très haut débit. Les conclusions d’un rapport confié à Valérie Nouvel, vice-présidente Transition et Adaptation au changement climatique du département de la Manche, ont été présentées. Maire info reviendra lundi sur ces propositions qui invitent les collectivités et entreprises à développer des services et solutions numériques prioritaires au regard des enjeux de la transition écologique et de la cohésion territoriale.
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