François Baroin : son message aux maires avant de quitter la présidence de l'AMF
Par Franck Lemarc
Les 16 et 17 novembre prochain, au congrès de l’AMF, les adhérents devront élire le nouveau président de l’association pour un mandat de trois ans. Après sept années passées à la tête de l’AMF (le deuxième mandat ayant été prolongé d’un an à cause de l’épidémie qui a, l’an dernier, empêché la tenue du congrès), le maire de Troyes, François Baroin, passe en effet la main.
François Baroin a adressé la semaine dernière une lettre à tous les maires et présidents d’intercommunalité pour leur expliquer les raisons de son départ et dresser le bilan de ce mandat, dont il estime que c’est « une des responsabilités qui (l’) aura le plus honoré dans (sa) vie publique ».
« Institution unique »
Le renouvellement des générations est la principale raison invoquée par le maire de Troyes pour laisser la place : « Je crois naturel après sept ans à la tête de notre association grâce à votre confiance, de passer le relais à un président issu d’une nouvelle génération de maires. » François Baroin précise toutefois qu’il restera maire de Troyes (« le plus beau mandat qu’il m’ait été confié » ) et président de l’association départementale des maires de l’Aube.
Il s’honore d’avoir exercé son mandat « le plus scrupuleusement possible », en respectant « la diversité » de l’association, son « unité » et son « indépendance ». « C’est la force de l’AMF. C’est ce qui fait d’elle une institution unique, inscrite dans la durée, que nous ne devons pas sacrifier aux contingences politiques ou individuelles du moment. C’est ce qui fait d’elle aussi, parfois, une source d’irritation pour les pouvoirs en place. »
Les maires à la rescousse de l’État
François Baroin rappelle dans sa lettre les vicissitudes qui ont marqué, notamment, les bientôt cinq années du mandat d’Emmanuel Macron, en termes de relations entre les maires et l’État. Notamment l’épisode désolant du hashtag « #BalanceTonMaire » (lire Maire info du 15 octobre 2018), lors duquel des réseaux liés au parti présidentiel avaient appelé à dénoncer, sur les réseaux sociaux, les élus ayant augmenté la taxe d’habitation. Mais aussi ce qui restera les deux événements centraux du quinquennat, la crise des Gilets jaune et l’épidémie de covid-19. Lors de ces deux crises, « l’État s’est tourné vers (les maires) quand les événements ont semblé le dépasser », écrit François Baroin.
En novembre 2018, quand la crise des Gilets jaunes a éclaté, c’est en effet sur les maires que le gouvernement s’est appuyé pour faire remonter les « doléances » des citoyens, et pour l’aider à organiser le Grand débat national – dont certaines réunions se sont d’ailleurs tenues sous la forme d’un dialogue direct entre le chef de l’État et les maires. Il avait semblé à l’époque qu’il avait fallu cette crise pour que le gouvernement de la « start up nation » se rappelle qu’il existait des maires et des communes, et qu'ils jouaient un rôle essentiel aussi en tant que corps intermédiaires. Faut-il rappeler qu’il a fallu attendre le remaniement de mars 2019 pour voir apparaître un ministère de plein exercice dédié aux collectivités territoriales, confié à Jaqueline Gourault et Sébastien Lecornu ?
Quant à la crise épidémique, François Baroin rappelle que « les maires ont rendu possible, et ont souvent devancé, la mise en œuvre des mesures nécessaires à la santé de nos concitoyens, alors même que les compétences sanitaires relèvent exclusivement de l’État ». Distribution de masques, aides d’urgence dès le premier confinement, organisation au pied levé de centaines de centres de vaccination communaux – alors que, sur ce sujet, il n’est pas exagéré de dire que le gouvernement traînait des pieds… La mobilisation des maires, leur « formidable engagement », comme l’écrit François Baroin, a bien joué un rôle essentiel dans la bataille contre le coronavirus.
Le maire de Troyes n’oublie pas de pointer du doigt, malgré ce constat, la montée des incivilités et des violences contre les élus, que l’AMF n’a cessé de dénoncer pendant son mandat, et il exprime « une pensée particulière » pour le maire de Signes, Jean-Mathieu Michel, « mort dans l’exercice de ses fonctions » en août 2019 (lire Maire info du 2 septembre 2019). « Un maire, avait alors déclaré François Baroin, c’est un policier dans certaines circonstances, mais sans gilet pare-balles. »
Recentralisation « rampante »
Comme l’AMF le fait savoir de façon constante depuis plusieurs années, François Baroin dénonce en conclusion de son message « le mouvement de centralisation rampant » que les maires vivent aujourd’hui « de façon multiple ».
« L’appareil central de l’État n’a jamais intimement accepté la décentralisation, qui ne repose donc que sur la volonté politique », analyse le maire de Troyes, qui constate que cette dernière a « manqué » ces dernières années. Le symptôme le plus évident de cette « recentralisation », c’est « la réduction des moyens financiers et des ressources fiscales » des communes. À la période de baisse brutale des dotations, sous François Hollande, a succédé celle du rabotage des ressources fiscales, sous Emmanuel Macron, avec la fin de taxe d’habitation, et plus récemment la diminution d’une partie des impôts économiques locaux. Et si Emmanuel Macron a bien, conformément à ses engagements, stoppé la baisse des dotations, il n’a pas non plus rétabli celles qui avaient été supprimées, et ce sont autant de milliards d’euros qui manquent, chaque année désormais, au budget des collectivités locales. Le remplacement des ressources propres des collectivités – dont elles peuvent librement décider des taux et de l’assiette – par des dotations à la main de l’État et à la merci d’une décision en loi de finances, apparaît bien comme une forme de remise sous tutelle des collectivités dont on pensait qu’elle appartenait au passé.
Pire, souligne François Baroin, « cette reprise en main financière s’accompagne d’un encadrement toujours plus serré de l’exercice de nos compétences » : les « contrats de Cahors », soumettant les dépenses de fonctionnement d’un certain nombre de collectivités à une stricte limitation, sous peine de malus financier, en ont été le signe le plus évident. Mais le maire de Troyes fustige aussi « les appels à projets et les manifestations d’intérêt qui foisonnent en ordre dispersé, (ou) le fléchage préalable généralisé des crédits d’investissements ».
François Baroin souligne donc le combat porté par l’AMF, durant son mandat, pour « une nouvelle étape de la décentralisation », qui verrait l’État faire suffisamment confiance aux collectivités pour leur confier des compétences réelles dans des domaines comme « le logement, le sport, la culture, l’emploi ou la santé ». Même s’il n’en parle pas dans son courrier, il faut d’ailleurs rappeler la volonté du maire de Troyes de porter ce combat en commun entre les différents niveaux de collectivités – avec la création, sous son deuxième mandat, de Territoires unis, structure réunissant les trois associations nationales (AMF, ADF et Régions de France) pour parler d’une même voix.
Ce combat pour « une nouvelle étape de la décentralisation » sera désormais porté par l’un des deux candidats qui se sont présentés pour prendre la succession de François Baroin : le maire de Sceaux, Philippe Laurent, et celui de Cannes, David Lisnard – auquel François Baroin, dans sa lettre, réitère son soutien.
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