Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 3 février 2022
Aménagement numérique du territoire

Fibre : une subvention pour les raccordements complexes en zone rurale

Les raccordements complexes seront subventionnés par l'État notamment dans les zones des réseaux d'initiative publique (RIP). En revanche, le niveau d'aide est le même pour tous les raccordements, ce que regrettent de nombreuses associations de collectivités locales.

Par Lucile Bonnin

C’était une aide financière attendue depuis longtemps par les collectivités et les acteurs du réseau fibre. Lionel Recorbet, président de l'entreprise Xpfibre, la réclamait déjà lors du TRIP de l'Avicca, en novembre dernier (lire Maire info du 29 novembre), en insistant sur l’urgence de la situation.

Une enveloppe de 150 millions d’euros a été débloquée en ce début d’année pour les raccordements complexes à la fibre en zone rurale. Ce nouveau financement vise à atteindre l’objectif de la généralisation de la fibre que l'État s'est fixé pour fin 2025 avec le plan France Très Haut Débit. Car, rappelons-le, le plan FTHD ne peut être abouti qu'à condition de réussir l'étape du raccordement, dernier maillon de la chaîne du déploiement.

Une aide pour les réseaux d’initiative publique (RIP)

Une étude pilotée par la direction générale des entreprises (DGE) et l’agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) montre « que l’absence de génie civil en aval des points de branchement optique et en domaine public est une complexité susceptible de concerner un nombre conséquent de locaux situés en zone d’initiative publique. »  Pour pallier ce problème, ce nouveau budget a été accordé aux réseaux d’initiative publique.

Suite à une consultation publique lancée en décembre pour préciser les conditions d’éligibilité à ce soutien financier, un appel à projets sera lancé d'ici la fin du premier trimestre 2022. Selon la Banque des territoires, cette subvention serait limitée à 12,5% des coûts éligibles et plafonnée à 625 euros par local raccordable. 

À noter que ne sont pas concernées les zones « appel à manifestation d'engagement local »  (AMEL), alors que, selon la sénatrice des Pyrénées-Atlantiques (Nouvelle Aquitaine) Frédérique Espagnac, la situation est inquiétante : « À ce jour, seulement 13 % des locaux situés en zone AMEL ont été rendus raccordables, et trois zones AMEL sur les dix existantes ne comptent aucune prise en réseau fiber to the home (FTTH). » 

Un déséquilibre dénoncé

Même si l’Avicca, l'ADF et la FNCCR se félicitent de cette décision de l’État, elles regrettent « qu’un des principes politiques fondateurs du Plan France Très Haut Débit, à savoir une aide différenciée qui tienne compte des situations territoriales, ne soit pas repris, et que le taux d’aide soit le même pour tous » , comme indiqué dans un communiqué de presse. 

Le problème de cette aide, selon les associations, est qu’elle peut, certes, tenter de rattraper le retard pris par les RIP mais va aussi créer des déséquilibres. En effet, les collectivités doivent contribuer à une hauteur égale aux aides de l’État, et certaines seront fatalement confrontées à « davantage de difficultés liées à l’absence de génie civil. »  Cet « abandon de la péréquation »  serait donc « un mauvais signal envoyé à l’écosystème des RIP qui est chargé de déployer les zones que les opérateurs privés ne jugent pas, à raison, rentables de déployer. » 

Un appel à « un changement de paradigme » 

L’Avicca, l'ADF et la FNCCR regrettent « l’empilement de dispositifs très ciblés d’aides de l’État »  qui pourraient finalement gagner en efficacité et en rapidité s’ils étaient transformés en « un dispositif pérenne, qui accompagnera les RIP dans la durée et de manière péréquée » 

Concrètement, une aide personnalisée et potentiellement évolutive serait plus appropriée notamment pour faire face aux spécificités du terrain. « Cette aide à l’aménagement numérique du territoire devra permettre une égalité de traitement entre les zones denses et peu denses, ainsi qu’entre la métropole et les territoires ultramarins » , indiquent les associations. 

Est donc attendu, « un changement de paradigme, pour passer dès 2022 d’un traitement ponctuel à une solidarité durable via la mise en place rapide d’un fonds de péréquation national pour l’aménagement numérique de la France » . Cette enveloppe de 150 millions ferait partie intégrante de ce fonds d’une autre envergure. 

Le 9 novembre dernier, la sénatrice Frédérique Espagnac, membre de la commission des finances, lors de l'examen du rapport sur la mission « Économie » , avait mis sur la table le sujet du fonds d'aménagement numérique du territoire (FANT). Elle rappelait notamment que, selon des estimations, les raccordements complexes « représenteraient un coût total de 1,2 milliard d'euros »  et qu’il est, de ce fait, « indispensable d'armer le FANT pour atteindre l'objectif d'universalisation du haut débit, au-delà de l'expérimentation annoncée par le gouvernement [enveloppe de 150 millions d’euros]. » 

Ce fonds plus large permettrait ainsi de ne pas se limiter au seul problème des raccordements complexes en zone RIP mais de financer « l'entretien des réseaux, des éventuels renforcements ou extensions, ou encore des travaux d'enfouissement. » 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2