Les maires normands s'inquiètent de voir les communes écartées des CRTE
Par Emmanuel Guillemain d'Echon
Les CRTE marquent-ils l’invisibilisation des communes ? C’est l’inquiétude de nombreux maires que relaient les présidents des associations départementales de Normandie qui, dans une lettre envoyée début mai au préfet de région, regrettent « que seuls les présidents d’EPCI ou de PETR soient les interlocuteurs de l’État en écartant, de fait, les communes de cette démarche contractuelle ».
En effet, malgré les demandes répétées de l’AMF, les maires ne sont toujours pas cosignataires des contrats, une situation d’autant plus incompréhensible que « bien des projets qui relèvent des CRTE supposent l’action des communes au titre de la clause générale de compétence ou de leurs attributions propres », écrivent les présidents des associations de maires du Calvados, de la Manche, de Seine-Maritime, de l’Orne et de l’Eure.
« Par ailleurs les intercommunalités ne peuvent valablement s’engager qu’au regard de leurs compétences. C’est pourquoi il nous semble nécessaire de créer un cadre partenarial associant a minima les communes, les intercommunalités, dans le respect des compétences de chacun ainsi que de l’État », poursuivent les élus qui partagent toutefois « la nécessité de fixer des engagements mutuels et d’établir davantage de visibilité sur les politiques publiques ».
Comme l’explique Jean-Paul Legendre, président des maires de l’Eure et de la communauté de communes du Pays de Neubourg, « nous ne souhaitons pas que le dialogue entre l’État, la région et les collectivités se fasse uniquement par le biais de nos intercommunalités qui sont déjà très occupées ! »
Il s’agit aussi de la légitimité des communes elles-mêmes : « Les opérations portées par les communes seules dans les CRTE sont parfois très importantes, plus importantes même que les projets de l’intercommunalité, et ne relèvent pas, d’ailleurs, de ses compétences. Certains de nos adhérents nous disent que de cette manière, on est quelque part en train d’entériner la mort des communes », souligne Olivier Paz, maire de Merville-Franceville-Plage et président des maires du Calvados. « En termes de signal, ce n’est pas bon : cela accrédite l’idée que les communes font de moins en moins de choses », insiste l’élu.
Un impact sur les dotations hors CRTE ?
De fait, comme l’a déclaré en janvier l'ancien Premier ministre, Jean Castex, les CRTE sont désormais au centre des versements de dotations et des relations entre l’État et le bloc communal (lire Maire info du 10 janvier). Et les maires sont en droit de s’inquiéter des conséquences sur leurs projets d’un contrat unique auquel ils ne sont pas associés.
Ce problème des moyens ne s’est pas encore fait sentir pour l’instant, grâce aux crédits du plan de relance, mais alors que les cordons de la bourse vont se resserrer en 2022, les inquiétudes sont fortes, même si on ne verra qu’en septembre, selon Olivier Paz, les conséquences des CRTE sur les projets des communes qui n’y sont pas inclus, notamment en termes d’accès à la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR).
« Les petites communes rurales sont heureuses de recevoir, comme c’est l’habitude, une petite portion de la DETR pour finaliser leurs travaux de voirie. Si ce n’est plus possible, cela sera un problème », indique le maire.
Et si les CRTE présentent « l’intérêt, surtout en début de mandat, de mettre en cohérence toutes les politiques de l’État », nombre de ses collègues craignent qu’à l’instar de la politique d’appel à projets, les « élus locaux ne deviennent les exécutants des politiques de l’État, avec des financements qui n’arrivent que lorsqu’on rentre dans les clous ».
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