Le sixième contrat de présence postale vient d'être signé
Par Lucile Bonnin
Doté d’un financement public annuel de 177 millions d’euros, le contrat de présence postale vient d’être signé pour la période 2023-2025 entre Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, David Lisnard, président de l’AMF, et Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste.
Pour rappel, depuis sa création en 2008, ce contrat tripartite fixe le cadre de contribution de La Poste pour « contribuer à la mission d’aménagement et au développement du territoire », adapter son réseau composé de 17 000 points de contact « pour répondre aux besoins des populations desservies » , et pour « associer les commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT) aux orientations et aux travaux de l’Observatoire national de la présence postale ».
Dans un communiqué, les acteurs saluent conjointement les « engagements forts pris par La Poste, l’AMF et l’État pour garantir un service public de qualité à tous les Français. »
Contexte tendu
La satisfaction des engagements pris est d’autant plus forte car les inquiétudes étaient nombreuses dans ce contexte où l’activité du groupe La Poste est de plus en plus chamboulée depuis la crise sanitaire.
Philippe Wahl a été auditionné hier par la commission des affaires économiques du Sénat. Sa présidente, Sophie Primas, a rappelé que « La Poste est déficitaire sur les comptes des quatre services publics qu’elle exerce – déficit brut cumulé estimé à environ 1,69 milliard d’euros pour 2021. »
Une situation qui a poussé La Poste à engager des réformes qui inquiètent quelque peu dans les territoires, comme la suppression du timbre rouge ou encore le lancement dans 68 communes d’une expérimentation pour réorganiser les tournées des facteurs.
Mais l’aide financière de l’État à La Poste est désormais inédite puisqu’elle s’élève à 1,12 milliard d’euros et que l’Etat s’est engagé à verser jusqu’en 2025 une compensation budgétaire annuelle du déficit du service universel postal. Un soutien public important qui légitime d'autant plus l’exigence des élus en matière de « qualité de service » , d’« offre de services » et d’ « accessibilité » , qui sont finalement « au cœur du nouveau contrat. »
L’AMF a notamment défendu « l’intérêt des collectivités, des communes, des territoires et in fine des habitants » lors des négociations, comme l’expliquait Patrick Molinoz lors du congrès des maires (voir l'interview).
Ouvertures de 1000 bureaux le samedi ou le jour du marché
« Ce que nous annonçons dans ce contrat c’est que [La Poste] va ouvrir dans les dix-huit mois 1 000 bureaux de poste le samedi ou le jour du marché en semaine. » Voilà ce qu’a expliqué le président du groupe La Poste hier en commission. « C’est une demande récurrente de l’AMF à laquelle nous allons répondre. Nous avons 7 500 bureaux de poste dont environ 1 500 qui ne sont pas ouverts le samedi, et nous allons massivement les ouvrir pour montrer aux gens que La Poste cherche à ouvrir lorsqu’il y a de l’affluence. »
Autre point : le contrat prévoit que les fermetures journalières inopinées des bureaux de poste soient limitées à travers la mise en place d’un plan spécifique. « Nous nous engageons également, sous le contrôle de l’AMF, à limiter de manière considérable les fermetures intempestives des bureaux » , explique Philippe Wahl. Le président du groupe justifie ces fermetures par le fait que certains bureaux ont un agent unique. Par conséquent, en cas d’arrêt maladie par exemple, le bureau n’a d’autre choix que de fermer. Reste à savoir si cet argument lié au seul manque de personnel est le seul qui pose problème dans les territoires.
Le rôle du maire reste central
La Poste s’est engagée, « pour les élus » , à « stabiliser les plans d’ouvertures estivales » . Ainsi, il a été intégré dans le contrat de présence postale, et ce « pour la première fois » , la notion de « fréquentation ». Cette notion fera l’objet d’un sujet commun entre le maire et La Poste, et le président de la CDPPT.
Le droit de véto du maire lors de la transformation d’un bureau de poste en agence postale communale ou en relais poste chez un commerçant est conservé dans ce nouveau contrat. À ce propos, Philippe Wahl a déclaré que ce droit était fondamental : « Ce veto du maire est quelque chose que nous avons négocié avec François Baroin à l’époque. La Poste n’y était pas favorable au début, c’est-à-dire les dirigeants opérationnels sur le territoire. Mais je considère qu’il ne peut pas y avoir d’organisation si on n’est pas d’accord avec le maire. Le veto, systémiquement, force à trouver un accord avec les élus. »
Bémol sur le financement des France services
« L’inclusion numérique reste l’une des priorités du prochain contrat avec la possibilité offerte aux commissions départementales de présence postale d’investir de manière ambitieuse dans des équipements, des formations et dans l’accompagnement humain » , est-il détaillé dans le communiqué. Depuis 2020, le rôle des CDPPT a été consolidé (lire Maire info du 6 février 2020) et ce nouveau contrat « élargit les compétences et les marges de manœuvre » de ces dernières. Pour rappel, elles peuvent émettre par exemple « un avis sur la transformation d’une MSAP postale en France Services ou la création d’une France Services postale ».
Pour ce qui concerne les France Services, il est annoncé que le programme « est conforté dans son déploiement et dans ses financements. » Néanmoins, l’AMF pointe une insatisfaction sur ce point qui impacte directement le rôle des CDPPT.
Interrogé par Maire info, Patrick Molinoz, co-président de la commission numérique de l’AMF, qualifie les financements des France services postales comme « un point irritant fort non résolu » . En effet, « le contrat prévoit le financement des France services postales à hauteur de 26 000 euros par an sur le fonds de péréquation de présence postale. Or, ce fonds, c’est de l’argent des collectivités et les France services communales ou intercommunales sont, elles, financées par l’État. L’État se défausse sur ce fonds de 177 millions d’euros. »
Ces financements représentent une somme considérable, « qui va au-delà de 10 millions d’euros » et qui est donc fatalement retirée de la main des CDPPT, sans compter l’impact de l’inflation. « La part à la main des CDPPT qui sert à faire de la médiation numérique, de la médiation sociale, des expérimentations sur les territoires tend donc à se réduire fortement » , regrette Patrick Molinoz.
L’AMF se réjouit néanmoins de la signature de ce nouveau contrat triennal, qui « a été conçu pour bénéficier de manière prioritaire aux zones qui en ont le plus besoin (zones rurales, zones de montagne, quartiers prioritaires de la politique de la ville et territoires d’outre-mer) » , afin de « garantir un service public de qualité à tous les Français » . L’association rappelle que depuis 2008, « plus de 2,4 milliards d’euros ont été investis dans les territoires pour adapter et moderniser la présence postale et accompagner les clientèles les plus vulnérables ».
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de l'AMF.
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