Pollution des sols, friches, réforme du Code minier : Barbara Pompili répond aux sénateurs
Détermination, promesses et… procrastination : la ministre de la Transition écologique s’est prêtée avec honnêteté, le 13 janvier, à l’exercice des questions sur la problématique des pollutions industrielles et minières, dans le cadre du débat autour des conclusions du rapport des sénateurs Gisèle Jourda (Gard) – rapporteur – et Philippe Lafon (Val-de-Marne) – président de la commission d’enquête –, invitant à « assumer ses responsabilités, réparer les erreurs du passé et penser durablement l’avenir » (lire Maire info du 11 septembre).
Face au « mutisme » et au « manque de réactivité des pouvoirs publics », le rapport de la commission d’enquête sénatoriale, initiée par le groupe socialiste, a ainsi levé le voile sur la question cruciale de la lutte contre la dégradation des sols, qui « peine encore à s’imposer comme une priorité des pouvoirs publics », a rappelé Gisèle Jourda en introduction au débat. Historique de par son exhaustivité, sa qualité et son caractère transpartisan, ce document en deux tomes, six axes et 50 propositions vise ainsi à refonder la politique de gestion des pollutions industrielles et minières. Les axes forts du rapport se concentrent sur le droit à l’information du public, la mise en place d’une cartographie lisible à l’échelle nationale, la consécration d’un droit spécifique de la protection des sols, l’amélioration de la gestion du risque sanitaire, ou encore des moyens supplémentaires aux collectivités pour l’inventaire et le diagnostic des établissements scolaires situés sur des sols pollués, et pour le recyclage des friches polluées.
Pollutions minières : la recherche de responsabilité facilitée
La tâche est immense : la France compte quelque 320 000 anciens sites d'activités industrielles ou de services et près de 3 000 anciens sites miniers, a rappelé la ministre de la Transition écologique. « Faire face à cet héritage, purger le passif, c’est une question de tout premier plan pour moi », a d’abord assuré Barbara Pompili, pour qui la première réponse à apporter passe par la prévention : « Mon ministère effectue près de 18 000 contrôles par an, chiffre appelé à augmenter de 50 % d'ici la fin du quinquennat », a-t-elle promis (lire Maire info du 30 septembre).
Mais si « les exploitants d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) sont soumis à des obligations que l'État vérifie », s'agissant des mines, « l'existant ne suffit pas », reconnaît Barbara Pompili. Attendue de longue date, la réforme du Code minier sera portée par la future loi « Climat et Résilience », dont le projet de texte prévoit de porter à 30 ans la police résiduelle pour rechercher la responsabilité des exploitants jusqu'à la maison-mère en cas de nouveaux désordres, même si la filiale exploitante a été liquidée (art. 20 du PJL transmis au Conseil national de la transition écologique). Une disposition qui répondrait partiellement à la proposition n° 9 du rapport, visant à « mettre un terme aux asymétries entre le code minier et le code de l'environnement en matière de responsabilités des exploitants et de prévention des risques sanitaires et environnementaux ». Au-delà de ces dispositions, le projet de loi renvoie à une ordonnance le soin de réformer plus globalement le Code minier.
À noter que le PJL Climat prévoit également d’instaurer un délit général de pollution des eaux, du sol et de l’air, le « délit d’écocide », qui fera encore couler beaucoup d’encre.
Dépollution des friches et information des élus
À la question du financement de la dépollution des friches, posée par le sénateur de la Meuse Franck Menonville, au-delà du fonds prévu par le plan de relance (300 millions d’euros, dont 40 dédiés aux ICPE et sites miniers) –, Barbara Pompili a été contrainte de botter en touche. Tout en se disant « favorable à un fonds pérenne », la ministre admet que « la question de son abondement n’est pas réglé ». Pourtant, les propositions du rapport sénatorial ne manquent pas : fiscalité autour de l’artificialisation des sols, orientation des droits de mutation, de la taxe d’aménagement ou de la taxe foncière en faveur de la dépollution, etc.). Seule indication de la ministre : une taxe qui ne concernerait que les industries polluantes est à écarter, estimant qu’« une taxe plus générale serait plus appropriée pour être acceptée par tout le monde ».
À la question du sénateur de l’Ariège Jean-Jacques Michau, sur la disparité des outils à disposition des élus comme de la population (les bases de données Basol, Basias, et les secteurs d’information sur les sols), rendant l’information sur ces sites inaccessible, la ministre a fait valoir le travail de « rationalisation » réalisé par la Direction générale de la prévention des risques sur ces trois bases de données. Depuis octobre 2020, il existe un outil agrégateur dénommé Infosol, « qui intégrera Basias au printemps », a-t-elle précisé. Au-delà de ces outils techniques, Barbara Pompili a insisté auprès des sénateurs afin que les élus locaux s’emparent des dispositifs récemment mis en place par le gouvernement afin de faire valoir leurs besoins (contrats de relance et de transition écologique, dispositifs « Petites villes de demain » et « Action cœur de ville » ), pour faire valoir leurs besoins dans ce cadre.
« Être contemporain, c'est avoir conscience de ses héritages, consentis ou contestés » : gageons que la ministre de la Transition écologique, reprenant les mots de René Rémond, pourra aller au delà de cette prise de conscience.
Caroline Saint-André
Consulter le rapport d’information n° 700 de Gisèle Jourda, fait au nom de la commission d’enquête.
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