Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 3 juin 2025
Aménagement numérique du territoire

Résilience des réseaux : à quoi faut-il se préparer pour les prochaines années ?

L'Arcep entame un nouveau cycle de réflexions autour du sujet de la résilience des réseaux mobiles et fixes alors que de plus en plus d'événements climatiques extrêmes les menacent. Dans une note de synthèse, l'autorité présente les enjeux de ce sujet qui suppose une implication de tous les acteurs dans les prochaines décennies.

Par Lucile Bonnin

Il y a un peu plus d’un mois, l'Espagne et le Portugal – ainsi que très ponctuellement certaines communes du sud de la France – ont été touchés par une panne massive d'électricité, dont les conséquences sur la vie quotidienne illustrent la dépendance absolue de la société moderne à l'électricité (lire Maire info du 29 avril). Aujourd’hui, les réseaux fixes et mobiles sont tout aussi indispensables que l’électricité, que cela soit tout simplement pour le télétravail ou bien pour appeler les secours en cas d’urgence. 

Pourtant, plusieurs expériences ont démontré la fragilité de certains réseaux. La très violente tempête Ciarán qui s'était abattue sur l'ouest du pays en 2023 avait par exemple privé plus d’un million de Français de réseau mobile (lire Maire info du 3 novembre). Si cette coupure s’explique en grande partie par la coupure d’électricité, « des désorientations d’antennes ainsi que des difficultés d’accès aux sites ont pu rallonger les délais de rétablissement »  des réseaux, selon l’Arcep. Internet a aussi été coupé étant donné que « certains réseaux fixes s’appuient sur des poteaux d’Enedis qui ont été cassés ou enfouis sous la végétation. » 

Ainsi, comme le résume l’Arcep dans une note issue de travaux menés en lien avec les différentes parties prenantes et avec le concours du comité scientifique de la démarche « Réseaux du futur », « le bon fonctionnement des réseaux et la capacité des opérateurs à rétablir le service dans les meilleurs délais en cas de panne, sont essentiels »  et « la résilience des réseaux constitue ainsi un enjeu majeur pour l’ensemble de notre économie et de la société dans son ensemble ». 

Risque climatique… mais pas que ! 

L’Arcep souligne d’abord que les risques qui menacent la résilience des réseaux et des services de communications électroniques sont multiples et ne se limitent pas au changement climatique. En effet, les risques naturels avec le changement climatique (hausse de la température, montée des eaux, intensification et allongement des canicules, évolution des régimes des précipitations, évènements climatiques plus intenses, plus fréquents et plus longs) sont bien évidemment à prendre en compte. 

Mais il existe aussi deux autres types de risques selon l’Arcep. D’abord, « l’époque où les infrastructures étaient exploitées sur un périmètre national par un nombre réduit d’opérateurs étant désormais révolue », l’organisation de la gestion des réseaux est complexe et nécessite que chacun prenne ses responsabilités. Le déploiement de la fibre est un bon exemple de ce changement de paradigme qui « a entraîné une démultiplication du nombre d’opérateurs ». Ces nouveaux acteurs sont donc « à prendre en compte dans le cadre des obligations relatives à la résilience des réseaux ». 

Des risques technologiques pèsent aussi sur la résilience des réseaux. Il faut noter que le bon fonctionnement d'internet dépend aussi de la connectivité internationale et que « l’infrastructure des câbles sous-marins qui achemine la majorité du trafic international de données, constitue un maillon essentiel de l’écosystème ». « Or l’empreinte internationale des infrastructures sous-marines complexifie leur protection par les outils de régulation nationaux. Pour autant, les conséquences que d’éventuels incidents pourraient avoir sur l’ensemble du territoire, à l’instar des coupures et dysfonctionnement de câbles qui ont été jusqu’à priver d’Internet plusieurs pays d’Afrique en mai 2024, mérite une attention toute particulière afin de mieux appréhender les impacts de telles coupures et préciser les attendus en matière de sécurité et de résilience applicables aux acteurs qui les exploitent ». Les « changements structurels des réseaux induits par la virtualisation et la programmation logicielle des réseaux »  peuvent aussi poser problème. Par exemple, concernant les réseaux 5G, de « nouveaux acteurs auront accès à certaines données et fonctions liées à l’exploitation du réseau, notamment celles de configuration et de souscription »  et « une telle ouverture augmente les possibilités d’attaque et de compromission du réseau par des tiers ». 

Tous ces risques sont donc à inclure dans la stratégie de résilience des réseaux pour les années à venir. 

Quelle stratégie pour les opérateurs ? 

L’intensification des catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique oblige les opérateurs à « intégrer au mieux cet enjeu de résilience dans la phase de vie (entretien, extension…) de leurs réseaux, et de prendre des mesures d’adaptation » . Ils « mènent des analyses de risques climatiques pour réaliser des projections à différentes échéances (2030, 2040, 2050) et identifier les investissements nécessaires à long terme. »  Le but : « se doter d’une stratégie d’investissements prioritaires avec des échéances et des zones identifiées et de se coordonner avec d’autres acteurs impliqués (puissance publique, gestionnaire du réseau électrique, etc.) en fonction des aléas considérés. » 

Si, bien souvent, il est mis en avant l’enfouissement des réseaux pour répondre à ces menaces climatiques, il existe en réalité plusieurs stratégies que les opérateurs peuvent mettre en place, allant de la sécurisation des réseaux fibres jusqu’à la surveillance des zones à élaguer et en passant par le renforcement de centres de données notamment en vue de crues exceptionnelles. Le satellite peut aussi être comme une solution en cas de crise : « lors de la tempête Alex, les solutions satellitaires ont été essentielles pour maintenir les communications de façon temporaire et ont illustré l’importance de diversifier les moyens de communications et prévoir des moyens alternatifs de secours pour maintenir les communications quand les réseaux fixes et mobiles sont hors service. » 

Rappelons que l’enfouissement des réseaux aériens de fibre optique est réclamé par une grande partie des acteurs pour éviter les risques climatiques et également les sabotages, qui sont eux aussi de plus en plus fréquents. Selon une étude réalisée pour la fédération Infranum en partenariat avec la Banque des Territoires, un plan d’enfouissement des réseaux sur les 30 départements à risques climatiques et environnementaux plus importants représenterait un coût de 9,9 milliards d'euros (lire Maire info du 6 juillet 2023). Ce chantier titanesque et onéreux n’est pas au programme, d’où la recherche d’alternatives par les opérateurs. 

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