Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 22 novembre 2024
Aménagement numérique du territoire

Couverture numérique : pour les élus la priorité reste la fibre pour tous d'ici 2025

A l'occasion du Forum sur la couverture numérique du territoire, les élus locaux ont fait entendre leurs inquiétudes alors qu'il reste quelques années pour opérer la bascule du cuivre vers la fibre.

Par Lucile Bonnin

L’arrivée de la fibre, l’arrêt de l’ADSL : ces chantiers ont bousculé au fil des années le quotidien des maires. Avoir une bonne connexion internet est aujourd’hui plus qu’essentiel. « Est-ce qu’on accepterait aujourd’hui que des citoyens soient sans eau courante ? » , interpelle dans la salle Mickael Audegond, maire de Wailly (62). 

C’est donc sans surprise que les questions ont été nombreuses durant le Forum consacré à la couverture numérique du territoire au 106e Congrès des maires de France et des présidents d’intercommunalité, le 20 novembre. L’occasion de faire remonter « le ressenti des élus locaux sur le terrain pour nourrir la réflexion dans les échanges avec les partenaires des collectivités » , introduit Michel Sauvade, co-président de la commission numérique de l’AMF.

La priorité de la fibre pour tous 

L'ADSL va définitivement disparaître en France d'ici 2030 avec la fermeture du réseau cuivre opérée par l’opérateur historique Orange. La fibre va ainsi devenir la nouvelle infrastructure de référence et devrait couvrir l’entièreté du territoire d’ci 2025 dans le cadre du Plan France très haut débit. Si le chantier avance, tout ne se passe pas toujours comme prévu dans les territoires et il reste beaucoup à faire avant de sereinement pouvoir dire adieu à l’ancien réseau et ne laisser personne sur le bord de la route.

« Nous sommes à neuf locaux sur dix en France qui aujourd’hui peuvent avoir la fibre, souligne Ghislain Heude, directeur « Fibre, infrastructures et territoires »  de l’Arcep. Et évidemment, ce qui reste à faire à la fin est plus difficile » 

Il y a d’abord les retards de déploiement. Un adjoint au maire de Saint-Etienne rapporte que dans certains hameaux autour de la métropole, la fibre est attendue depuis quatre ans : « Pour nous élus, c’est inacceptable. On ne peut pas dire d’un côté « le cuivre va claquer »  et de l’autre « la fibre va arriver »  » . Dans les territoires d’outre-mer, notamment à Mayotte, les retards sont encore plus lourds. Hadel Laou Madi, directeur général des services de la commune de Bouéni, indique que la fibre est déployée « à moins de 10 % »  sur l’île. « On est encore très loin » , glisse-t-il. 

Autre sujet qui visiblement inquiète les maires : les raccordements complexes en zone privée. Des travaux sont en effet parfois nécessaires chez les particuliers et ils peuvent être particulièrement coûteux. Les opérateurs ne souhaitent pas prendre en charge ces derniers. Les citoyens n’ont d’autre choix que de payer ces travaux, ou de renoncer à avoir une connexion. 

Si la solution des technologies alternatives a été soulevée par le secrétaire général d’Orange, Nicolas Guérin, passer par satellite ou par un abonnement mobile n’est pas une solution acceptable pour les maires. Pour Frédérique Charpenel, maire de Soustons, ce sont « des réponses que nous ne pouvons pas donner aux citoyens ». 

Comme l’a rappelé Michel Sauvade, le 100 % fibre est l’objectif souhaité par l’AMF et les autres associations d’élus : « Ça n’est pas négociable, modulo un accord local très ponctuellement. » 

Les maires ne peuvent « pas tout faire » 

Avec la fermeture du réseau ADSL, les élus sur le terrain se sont vu attribuer naturellement la lourde tâche d’expliquer aux administrés que la fibre sera le nouveau réseau de demain, et qu’il faudra l’adopter avant que le réseau cuivre ne soit fermé. « On ne peut pas tout faire », insiste Frédérique Charpenel. D’autant que les maires n’ont pas les moyens de faire une communication précise à leurs administrés. « La communication il n’y a que le maire qui la fait aujourd’hui, déplore Daniel Valéro, maire de Genas (69). Résultat : les administrés pensent que ce sont les maires qui sont à l’initiative de l’arrêt du cuivre. Cette absence de communication, pour un maire c’est très difficile à vivre. » 

Sur cette question, l’État et les opérateurs se renvoient la balle. Alors que l’AMF demande depuis plusieurs années qu’une communication neutre soit mise en place, le gouvernement, représenté par le ministre délégué à l’Industrie, Marc Ferracci, estime avoir déjà fait sa part et « passe le bébé aux opérateurs ». 

Du côté d’InfraNum- fédération qui représente l’ensemble de la filière avec les opérateurs, constructeurs intégrateurs, équipementiers, etc – on ne souhaite pas laisser les choses telles qu'elles sont. Son président, Philippe le Grand, explique à Maire info que les acteurs espéraient que cette communication prenne la même dimension que celle qui avait existé pour la TNT. « Malheureusement ce n’est pas le cas, alors la filière a décidé de s’organiser pour réaliser cette communication grand public qui débutera à partir de l’année prochaine ». 

Pas de changement de méthode à l’horizon 

Malgré les inquiétudes des maires, la remise en question du côté de l’État ne semble pas être à l’agenda en ce qui concerne le déploiement de la fibre. « On peut s’appuyer sur la méthode c’est-à-dire sur le triptyque qui lie l’État, les collectivités et les opérateurs, a indiqué le ministre Marc Ferracci. L’État a beaucoup investi sur le plan réglementaire et budgétaire. On ne doit pas remettre en question une méthode qui a fonctionné. » 

Un paramètre a cependant changé depuis le lancement du plan France très haut débit en 2013, et les maires l’ont bien remarqué. L’objectif du 100 % s’est petit à petit métamorphosé en un objectif de raccordements à la demande. Le ministre parle « d’une logique de 100 % de ceux qui le souhaitent ». Si on ne peut pas forcer la main aux concitoyens, il ne faudrait pas que ces derniers se retrouvent sans solution une fois que l’ADSL aura complètement disparu. Le réseau cuivre aujourd'hui fournit la télévision et le téléphone fixe et les maires remarquent que c'est une information qui n'est pas claire pour tout le monde. 

Le ministre a enfin évoqué l’enveloppe de 16 millions d'euros prévue dans le projet de loi de finances 2025 pour les raccordements à la fibre complexes sur la partie privative du réseau. Cette aide sera expérimentée dans les communes ayant entamé l'arrêt du cuivre sur demande, et à destination des foyers modestes. 

Pour finir, aucun financement supplémentaire n’est prévu du côté de l’État, au contraire. Il est en effet prévu dans le projet de loi de finances 2025 de réduire de quasiment la moitié les crédits alloués au plan France très haut débit. Les territoires d’outre-mer vont être les premiers impactés par ces coupes budgétaires. A Mayotte, la subvention de l’État passera de 50 à 13 millions d’euros. Si le ministre a invité les acteurs à « faire le dernier kilomètre ensemble » , les associations d’élus veilleront à ce que ces décisions politiques ne mènent pas à une aggravation de la fracture numérique des territoires. 

Retrouvez notre interview de Marc Ferracci sur le sujet ci-dessous 

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