Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 28 novembre 2024
Aménagement numérique du territoire

Chantiers du numérique : le gouvernement maintient les collectivités dans l'expectative

À l'occasion du Trip de l'Avicca, élus, industriels et opérateurs ont partagé leurs inquiétudes sur les chantiers numériques à venir. Clara Chappaz, secrétaire d'État chargée de l'Intelligence artificielle et du Numérique, et Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l'Industrie, ont clôturé ce rendez-vous.

Par Lucile Bonnin

Si ces prises de paroles étaient fortement attendues, elles n’ont pas répondu aux interrogations des élus. Les deux ministres, par leur présence et leurs discours au Trip de l'Avicca, ont souhaité montrer que le gouvernement ne compte pas détourner le regard face aux sujets numériques qui préoccupent les élus locaux. Mais le contexte politique instable n’a pas permis à ces derniers de faire de réelles annonces. Si les deux représentants du gouvernement ont invité les élus à se tourner vers l’avenir, des zones de flou subsistent à l’horizon, que cela soit en matière de cybersécurité, d'inclusion numérique ou déploiement des réseaux fixes et mobiles. 

NIS 2 : en attente d’examen du projet de loi 

Le projet de loi de transposition de la directive européenne « NIS 2 »  a été présenté en Conseil des ministres début octobre (lire Maire info du 18 octobre). 1 489 collectivités territoriales et 992 communautés de communes métropolitaines et d'outre-mer devraient être concernées par ces nouvelles règles de cybersécurité. Concrètement, trois directives européennes vont être transposées via un projet de loi « visant à renforcer les dispositifs nationaux de sécurisation des activités d’importance vitale et de lutte contre les menaces cyber », dont la directive NIS 2. Ce projet de loi ne sera sans doute pas examiné en séance publique au Sénat avant le mois de février.

En attendant, Clara Chappaz, à l’occasion du Trip de l’Avicca, a souhaité préciser « la manière dont le gouvernement envisage l’exercice de NIS 2 » : « La menace cyber s’est démocratisée et cible l’ensemble de notre tissu économique et administratif de manière systémique. Entre janvier 2022 et juin 2023, l’Anssi a traité en moyenne dix attaques par mois contre une collectivité. C’est une réalité très concrète, on peut citer la mairie de Guingamp, Morlaix ou de Betton mais également cette année la ville d’Albi ; celle de Saint-Nazaire qui a dû repasser au papier et au crayon afin d’assurer la continuité des services publics. Face à ce constat d’une massification de la menace cyber, la directive NIS 2 a été pensée pour nous faire entrer dans l’ère de la cybersécurité de masse. » 

De manière plus précise, la secrétaire d’État a souhaité rappeler l’objectif de simplification que souhaite suivre le gouvernement et indique qu’il n’y aura pas, pour NIS 2, de « surtransposition ». Elle a rappelé que le texte a été « co-construit avec les collectivités »  et que « ni le principe ni les objectifs du texte ne sont remis en cause ». Elle estime que « cette méthode est la bonne »  avec une « approche proportionnée, progressive et adaptée aux moyens et à la maturité des acteurs ». 

La question du délai de mise en conformité qui inquiète du côté des collectivités n’a pas été évoquée par la secrétaire d’État. Elle a seulement indiqué qu’elle « s’appréciera sur la durée ».  Le délai de mise en conformité est pour le moment fixé à trois ans, ce qui paraît court pour certaines collectivités qui partent de loin sur ces problématiques de cybersécurité... 

Clara Chappaz souhaite que ce texte ne soit pas « vécu comme une punition collective ». Pourtant, le gouvernement sembler vouloir s’aligner sur le délai de mise en conformité du règlement général sur la protection des données (RGPD). Rappelons que même aujourd’hui, de nombreuses petites communes ne sont toujours pas en conformité (lire article Maires de France). 

Inclusion numérique : un budget au rabais 

Patrick Chaize, président de l’Avicca, a rappelé l’objectif partagé des acteurs de la filière : « Tout le numérique, pour tous les territoires et pour tous les habitants ». Le sénateur n’a pas manqué de rappeler à plusieurs reprises les inquiétudes des élus concernant le budget prévu dans le projet de loi de finances 2025. Concrètement, il prévoit une réduction drastique du budget consacré aux conseillers numériques France services (CNFS) et passerait en effet de 62 millions à 27 millions d'euros pour l'année 2025. Les associations d’élus, dont l’AMF, réunies au sein de « La Belle Alliance »  dénonce une « situation catastrophique » .

Sur la question des conseillers numériques, Clara Chappaz a indiqué que le dispositif a fait ses preuves avec « plus de 4 millions d'accompagnements réalisés ». « Je sais que sa trajectoire de financement est source de questionnements, a-t-elle ajouté. Le débat parlementaire permettra sans doute de faire vivre les discussions à ce sujet. »  De son côté, Marc Ferracci n’a apporté aucune réponse sur la question, son portefeuille se limitant à la gestion des télécommunications. Les discussions au Sénat permettront peut-être d’ajuster cette variable au risque de mettre en danger les politiques d’inclusion numérique locales jusqu’ici déployées. 

Réseaux fibre et mobile : des silences et des non-dits 

Enfin, Marc Ferracci s’est exprimé sur « deux politiques structurantes qui marchent : le New Deal mobile et le Plan France Très Haut Débit ». Il rappelle que 2025 est une année charnière d’un côté pour identifier les sites à couvrir via le dispositif (mobile) et de l’autre pour généraliser la fibre.

Il a salué les résultats obtenus jusqu’ici : « Début 2017, on comptait 8 millions de locaux raccordables à la fibre et mi 2024 ce sont 44 millions de locaux, soit 89 % du territoire », a-t-il souligné. Pour le mobile, « 99 % de la population bénéficie de la 4G et les zones blanches qui représentaient 11 % en 2018 représentent à peine 2 % en 2023. » 

Le ministre a souligné, comme lors du congrès des maires, que la réussite de ces politiques tient au « partenariat efficace entre les collectivités, les opérateurs et l’État »  et que la méthode suivie jusqu’ici doit être poursuivie. Cependant, pas un mot n’a été prononcé sur le projet de loi de finances 2025, qui prévoit une réduction de quasiment la moitié les crédits alloués au plan France très haut débit. L'État, par ce geste, se désengage financièrement dans ce partenariat qui lui est pourtant cher. Le ministre a en revanche indiqué qu’une enveloppe de 16 millions d'euros est prévue dans le projet de loi de finances 2025 pour les raccordements à la fibre complexes sur la partie privative du réseau. Cette aide sera expérimentée dans les communes ayant entamé l'arrêt du cuivre sur demande, et à destination des foyers modestes « dès le printemps 2025 ». 

Sur le mobile, le gouvernement souhaite accélérer le mouvement notamment à travers le projet de loi sur la simplification de la vie économique (lire Maire info du 3 juin 2024). « Je suis le sujet de près pour parvenir à de nouvelles avancées grâce à ce texte », a indiqué Marc Ferracci. L'article 17 de ce projet de loi qui a été voté au Sénat fin octobre prévoit en effet de faciliter le déploiement des antennes de téléphonie mobile. Ce texte, qui devrait être examiné en début d’année prochaine, fera l’objet d’une attention particulière des associations d’élus qui veillent à ce que les relations contractuelles entre les maires et les Towerco (1) demeurent équilibrées. 

(1)   Une Towerco, pour tower company, est une entreprise qui possède des tours de télécommunication et qui les loue à ses clients (opérateurs, partenaires, etc.) pour améliorer leur réseau télécom.
 

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