Changement climatique : l'adaptation de l'aménagement des territoires nécessite davantage de moyens
Par Lucile Bonnin
C’est dans le contexte de la mise en place du troisième plan national (Pnacc3) destiné à préparer la France à une augmentation de 4 °C de la température à l'horizon 2100 présenté en mars dernier – avec plus d’un an de retard – qu’une mission d’information sur l'adaptation de l'aménagement des territoires au changement climatique a été lancée à l’Assemblée nationale.
Un travail d’ampleur a été mené par le président de la mission, Vincent Descoeur, député du Cantal, et les rapporteurs Philippe Fait, député du Pas-de-Calais, et Fabrice Barusseau, député de la Charente-Maritime, qui ont mené 24 auditions au cours et ont fait plusieurs déplacements notamment dans les départements des rapports, concernés au premier chef par ces sujets.
Alors que l’enjeu est immense pour les communes qui doivent faire face aux inondations, à la sécheresse, au retrait-gonflement des argiles, au recul du trait de côte, la mission constate que « les réponses actuelles sont insuffisantes » et « que les coûts de l’inaction s’alourdissent »
Manque d’ambition de l’État
« Malgré l’ampleur du défi de l’adaptation, son financement reste un impensé » , peut-on lire dans ce touffu rapport. En effet, rappelons que le 3e Plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) ne contient qu’une seule mesure budgétaire : l’augmentation de 30 % du Fonds Barnier, qui va pour la première fois atteindre les 300 millions d’euros (lire Maire info du 11 mars). Si les rapporteurs saluent cet effort, ils soulignent que cette augmentation est insuffisante, « n’ayant pas été au niveau du rehaussement de la surprime d’assurance catastrophes naturelles en 2025 de 12 % à 20 % ».
La baisse du fonds vert est aussi largement déplorée dans le rapport « alors que celui-ci constitue le principal véhicule de financement des actions d’adaptation des collectivités territoriales ». Les rapporteurs sont favorables à son rehaussement à son niveau de 2024 « en augmentant la part consacrée à l’adaptation et en augmentant les exigences de verdissement et d’adaptation des projets financés afin de ne pas en faire une dotation déguisée ».
Notons aussi parmi les propositions la création d’un fonds érosion côtière alimenté par une taxe sur les plateformes de location touristiques de courte durée et par la taxe sur les éoliennes maritimes ou encore la mise en place d’une péréquation horizontale des revenus de la taxe Gemapi à l’échelle du bassin hydrographique, afin de permettre aux EPCI les plus exposés et les moins bien dotés de bénéficier de la solidarité des territoires à fort potentiel fiscal et moins à risque.
La mission constate également un déficit d’ingénierie territoriale qui « constitue un obstacle pour passer de la conception des politiques d’adaptation à leur opérationnalisation » . Les députés expliquent qu’aujourd’hui « les collectivités sont freinées dans leurs projets d’adaptation par un déficit d’ingénierie territoriale que ne pallient ni l’État ni les agences ». Plusieurs propositions ont été formulées dans le rapport pour répondre à cette problématique comme le renforcement des effectifs du Cerema pour accompagner le plus de collectivités territoriales possible dans la réalisation de leurs stratégies locales d’adaptation au sein de leur PCAET ou encore le soutien à la création d’agences locales de l’énergie et du climat (Alec) notamment par le lancement d’un appel à projets dédié.
Une nouvelle méthode qui doit être déclinée localement
En plus du besoin identifié de débloquer davantage de moyens à la politique d’aménagement du territoire, les députés soutiennent qu’il faut également « une nouvelle méthode pour déployer l’ensemble des politiques publiques » qui devrait s’appuyer davantage sur une politique locale plutôt que d’être « imposée verticalement et de manière uniforme par l’État ». « En matière d’adaptation, les coûts comme les bénéfices sont locaux. De plus, les choix d’aménagement des territoires doivent revenir aux acteurs locaux. » Les députés proposent notamment de généraliser la formation des élus locaux en début de mandat aux enjeux de transition écologique et plus spécifiquement d’adaptation afin de développer la culture du risque et de former les services préfectoraux chargés des dotations de l’État aux enjeux de l’adaptation au changement climatique, pour prioriser les projets les mieux adaptés au changement climatique, quel que soit leur objet (culture, environnement, sport, urbanisme, etc.).
Les députés veulent « donner aussi bien aux régions qu’aux intercommunalités ou aux communes les moyens d’adapter l’aménagement de leur territoire au changement climatique » et insistent sur la « transversalité de l’adaptation qui implique d’embarquer l’ensemble des strates de collectivités et des acteurs, publics et privés qui, toutes, doivent avoir développé le réflexe de vérifier l’adaptation de chaque investissement, chaque stratégie, chaque décision de politique publique. »
Consulter le rapport d'information.
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