Maire-info
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Édition du lundi 19 février 2024
Aide sociale

Placement en hôtel des jeunes dépendant de l'aide sociale à l'enfance : le décret est paru

Un décret d'application de la loi dite Taquet, concernant l'hébergement des jeunes dépendants de l'aide sociale à l'enfance, est paru hier au Journal officiel. Selon le gouvernement, l'hébergement des jeunes en hôtel, est à présent « totalement interdit ». Ce qui n'est pas si évident, à la lecture du décret.  

Par Franck Lemarc

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© D.R.

La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, prévoit l’interdiction de l’hébergement des jeunes dépendant de l’ASE (aide sociale à l’enfance) dans des hôtels. Cette disposition est en vigueur depuis le 1er février de cette année. Il restait à définir, par décret, les hébergements possibles « par dérogation, à titre exceptionnel pour répondre à des situations d’urgence ou assurer la mise à l’abri des mineurs ». 

Jeunes « en danger »  pour les associations de protection de l’enfance

Le placement en hôtel, ou non, de ces jeunes, fait l’objet d’un vif débat entre les acteurs de la protection de l’enfance et les départements. 

Pour les premiers, les hôtels ne sont « absolument pas adaptés »  à l’accueil des enfants placés, en raison notamment du manque de prise en charge et de surveillance des jeunes. Un drame récent a relancé ce débat – le suicide par pendaison d’une adolescente, le 25 janvier, placée dans un hôtel social à Clermont-Ferrand. Tout récemment, une dizaine de députés de gauche a adressé un courrier à la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, par une dizaine de députés de gauche, pour dénoncer le « danger »  que courent les jeunes hébergés en hôtel. « L’absence quasi-systématique d’encadrants formés, dans les hôtels, renforce l’isolement des enfants hébergés et les expose à toute sorte de risques (trafic de drogue, prostitution, violence, etc.) ». 

Lyes Louffok, militant des droits de l’enfant, s’est aussi beaucoup engagé dans ce combat, indiquant qu’un rapport de l’Igas de 2020 chiffrait en « 8 500 et 10 500 »  le nombre de mineurs placés dans des hôtels, ce chiffre étant aujourd’hui certainement beaucoup plus important avec l’arrivée importante de mineurs non accompagnés (MNA).

« L’hôtel ou la rue » 

Du côté de l’association Départements de France, la vision des choses n’est pas la même. Si DF ne se satisfait évidemment pas du placement en hôtel, elle estime que le fait de l’interdire totalement pourrait avoir des conséquences dramatiques, car dans certains départements, « c’est l’hôtel ou la rue ». 

Dans un communiqué publié le 14 février, l’association présidée par François Sauvadet estime que la loi Taquet, si elle relève « d’une bonne intention », est « hélas irréaliste et inapplicable dans les conditions actuelles ». François Sauvadet explique dans ce communiqué que « certains départements ont réussi à ne plus recourir au placement en hôtel. Mais comment auraient-ils pu prévoir la hausse exponentielle du nombre des placements en ASE due en partie à l’arrivée de MNA ? Il y a évidemment une envie partagée d’améliorer les choses. Mais le constat est sans appel : parfois, nous n’avons pas le choix ! » 

Départements de France poursuit : « Les structures de l’ASE sont saturées, les départements manquent de moyens et de personnel. (…) Le placement en hôtel intervient en dernier recours, soit pour des mineurs autonomes, soit pour des enfants dont les problèmes psychiatriques rendent incompatibles les placements en structure ou en famille. »  En conséquence, DF demande « un financement de l’État pour la prise en charge des MNA, la prise de responsabilité de l’État pour la mise à l’abri, la révision de certaines des dispositions de la loi Taquet (hébergement à l’hôtel, contrats jeunes majeurs), une concertation 360°, aux niveaux national et départemental, de toutes les parties prenantes (…), ainsi que l’élaboration d’un cahier des charges national de l’évaluation des MNA pour harmoniser les pratiques. » 

Le dispositif dérogatoire inclut finalement les hôtels, sous conditions

Chacun était dans l’attente du décret d’application de l’article de la loi Taquet relatif à ce dispositif. Celui-ci est paru hier au Journal officiel. Interdit-il, ou non, le placement en hôtel ? Pour le gouvernement, la réponse est clairement oui : selon un communiqué publié dans la foulée par les services de la ministre chargée de l’Enfance, Sarah El Haïry, « depuis le 1er février 2024, l’hébergement en hôtel est totalement interdit, sans dérogation possible ». Mais ce n'est pas si simple.

Ce qu’organise d'abord le décret, c’est la possibilité, en cas de manque de place dans les structures spécialisées, d’un accueil à titre « exceptionnel »  dans des structures telles que des centres d’hébergement dits « jeunesse et sport »  – par exemple, un centre de colonies de vacances. Dans les « situations d’urgence », un jeune dont l’âge est compris entre 16 et 21 ans pris en charge par l’ASE peut se faire dans les structures « relevant de l’article L227-4 »  du Code de l’action social et des familles. Il s’agit des « modes d’accueil collectifs à caractère éducatif »  utilisés pendant « les vacances scolaires, les congés professionnels ou les loisirs ». Le décret précise que dans ce cas, l’accueil doit s’accompagner « d’une surveillance de jour comme de nuit au sein de la structure, par la présence physique sur site d'au moins un professionnel formé à cet effet »  ; et que les jeunes pris en charge doivent « bénéficier d'un accompagnement socio-éducatif et sanitaire adapté », dispensé par des professionnels « titulaires d’un diplôme dans le domaine social, sanitaire, médico-social ou de l’animation socio-éducative ». 

Le décret ne permet pas, en revanche, un hébergement dans un établissement relevant du Code du tourisme, ce qui laisse à penser à première vue qu’en effet, les hôtels ne sont plus concernés. Mais... le décret permet également l’hébergement dans une structure « relevant de l’article L321-1 »  du Code de l’action sociale et des familles. Soit, si l'on se réfère à cet article du Code, « toute personne physique ou toute personne morale de droit privé qui désire héberger ou recevoir des mineurs de manière habituelle, collectivement, à titre gratuit ou onéreux ». Dans ce cas, la personne ou l’établissement doit faire une déclaration auprès du président du conseil départemental, qui la transmet au préfet, et bénéficier d'une autorisation. Il revient au président du conseil départemental, est-il précisé dans le décret, de s’assurer que la structure est « adaptée à l'âge et aux besoins fondamentaux du mineur d'au moins seize ans ou du majeur de moins de vingt et un ans ». 

Les hôtels sont bien des « personnes morales de droit privé ». S'ils en font la demande et sont autorisés par le président du département, il semble donc qu'il sera possible d'y loger temporairement des jeunes couverts par l'ASE. Dans l'attente de précisions du ministère, cette lecture est, en tout cas, confirmée par les experts de Départements de France, joints ce matin par Maire info

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