Le Sénat en désaccord avec le gouvernement sur le mode de calcul de la retraite des agriculteurs
Par Lucile Bonnin
Dans le cadre de la réforme du mode de calcul des retraites des agriculteurs, le gouvernement avait remis au Parlement (« avec huit mois de retard » ) un rapport de préfiguration de la réforme. Ce dernier recommandait particulièrement un scénario : celui de « liquider la partie de la carrière antérieure à 2016 sur la base des modalités de calcul actuelles et la partie postérieure à 2015 dans le cadre d’un système par annuités ne retenant, jusqu’à ce que 25 années se soient écoulées depuis 2016 (soit en 2041), qu’un nombre de meilleures années calculé au prorata de la durée de cette partie de la carrière par rapport à la durée totale de la carrière ».
La commission des affaires sociales du Sénat « ne se satisfait pas du projet du gouvernement, qui lui paraît contraire à l’intention du législateur » et qui ferait des perdants par rapport au système actuel, visant « principalement les assurés à carrière courte et/ou à bas revenus ne bénéficiant pas d’une pension à taux plein et dont les pertes ne seraient pas couvertes, par conséquent, par les minima de pension » . Selon Pascale Gruny, rapporteure de la commission des affaires sociales, « le scénario envisagé par le gouvernement ferait 30 % de perdants pour seulement 20 % de gagnants » .
Ainsi, c’est dans ce contexte qu’une proposition de loi visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles a été déposée par le sénateur Philippe Mouiller (LR) en janvier dernier. Le texte a été adopté à l’unanimité le 19 mars en première lecture au Sénat.
Bras de fer avec le gouvernement
« En déposant ce texte, nous avons voulu aider le gouvernement à honorer ses engagements : une entrée en vigueur dès 2026 et l’absence de perdants. Il lui appartient désormais de tenir parole, à défaut de quoi je ne doute pas que nos collègues députés sauront s’emparer du dispositif que nous leur proposons » . Le ton est donné. Déjà, à plusieurs reprises, le retard du gouvernement pour rendre son rapport a été pointé du doigt par les sénateurs mardi, notamment par Philippe Mouiller qui a évoqué un « manque de considération inacceptable ».
En effet, la proposition de loi qu’il a déposée s’inscrit dans la continuité de la loi du 13 février 2023 relative au calcul de la retraite des non-salariés agricoles en fonction des 25 années d’assurance les plus avantageuses. Un rapport devait être remis au Parlement trois mois après la publication de la loi ; il l’a été finalement huit mois après.
Le fond du rapport a aussi fait l’objet de critiques acerbes. Les scénarios prévus par le gouvernement sont « d’une extrême complexité technique mêlant points et annuités pour le calcul des pensions des assurés », a fustigé Pascale Gruny et le scénario de réforme privilégié par le gouvernement est « une véritable usine à gaz technocratique (…) incompréhensible pour la quasi-totalité des assurés », comme l’a indiqué Philippe Mouiller.
L’article 1er de la proposition de loi propose donc « d’abroger les dispositions issues de la loi « Dive » et d’inscrire directement dans la loi les modalités de calcul des pensions qui seront applicables aux pensions agricoles liquidées à compter du 1er janvier 2026 » . Ainsi, il serait accordé aux assurés, pour chaque année de leur carrière, « un nombre de points égal au nombre annuel moyen de points acquis pendant leurs 25 années d’assurance les plus avantageuses. Le montant de la pension de retraite correspondrait alors au produit du nombre total de points attribués selon ces modalités par la valeur de service du point. Par ailleurs, dans une logique de simplification, la pension forfaitaire et la pension proportionnelle seraient unifiées au sein d’une même pension. »
Côté gouvernement, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a émis un avis défavorable sur le texte. La majorité présidentielle s’est d’ailleurs abstenue lors du vote au Sénat mardi. Pour rappel, le gouvernement est favorable à une convergence du mode de calcul des pensions de retraite agricoles vers celui applicable aux régimes alignés. « Cette convergence est ardemment souhaitée par certaines organisations professionnelles et me semble justifiée dans un contexte où une immense majorité des agriculteurs exercent de moins en moins ce métier pendant toute leur carrière », a déclaré le ministre.
Avec 305 votes en faveur de la proposition de loi, cette dernière devra être examinée à l’Assemblée nationale où la majorité présidentielle risque de faire bloc contre elle.
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