Maire-info
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Édition du mercredi 9 juillet 2025
Agriculture

Le Parlement adopte définitivement la loi Duplomb

« Texte funeste » pour certains, « consécration » pour d'autres : l'Assemblée nationale a adopté définitivement hier le texte du sénateur LR Laurent Duplomb visant à « lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur ». Un insecticide néonicotinoïde va de nouveau être autorisé et l'intérêt général des mégabassines sera inscrit dans la loi.

Par Lucile Bonnin

La proposition de loi qui vise à « lever les contraintes »  des agriculteurs, dite loi « Duplomb », a été adoptée d’abord par le Sénat le 2 juillet dernier après un accord trouvé en CMP. Finalement, le texte a définitivement été adopté hier à l’Assemblée nationale par 316 voix pour, 223 contre et 25 abstentions.

Un parcours législatif hors du commun

Un chemin « peu orthodoxe ». C’est ainsi que Pierre Cuypers, rapporteur pour le Sénat, qualifie le parcours législatif de ce texte controversé. 

Son arrivée à l’Assemblée nationale en mai dernier a sans surprise été agité, avec en plus la présence devant le Palais-Bourbon d'un certain nombre d'agriculteurs mobilisés notamment par la FNSEA. Très rapidement, les députés de la gauche ont commencé à déposer de nombreux amendement sur le texte (plus de 3 400 au total). Ensuite, a été mise sur la table la possibilité de déposer une motion de rejet (lire Maire info du mardi 27 mai). 

La logique aurait voulu que cela soit la gauche qui dépose cette motion de rejet sur ce texte qui porte des mesures auxquelles notamment LFI et les écologistes sont farouchement opposés. Mais surprise : c’est finalement le rapporteur lui-même de cette proposition en commission des affaires économiques, Julien Dive (LR), qui a déposé cette motion. Cette dernière a été votée à 274 voix pour et 121 contre.

Les députés de gauche ont été accusés de faire de l’obstruction tandis que les partisans du texte ont été pointé du doigt pour déni de démocratie. Une motion de censure a même été défendue à l'Assemblée nationale par les députés LFI soutenus par et des députés du groupe écologiste. Elle n’a pas été adoptée.

Cette motion de rejet votée avec une large majorité a permis de convoquer directement la réunion d'une commission mixte paritaire pour tenter de trouver un accord entre députés et sénateurs.

Le vote d’hier marque donc la fin d’un parcours parlementaire particulièrement agité. Si plusieurs organisations agricoles font part de leur satisfaction, cette loi laisse certains députés frustrés et des associations de défense de l’environnement consternées.

La CMP conclusive 

En commission mixte paritaire, députés et sénateurs sont parvenus à un accord. « Nous avons fait montre d'un esprit constructif et sommes parvenus à un accord sur chacun des huit articles du texte », a rappelé hier le rapporteur LR, Pierre Cuypers. Ce compromis a été adopté avec 10 voix pour et 4 contre, dont deux élus socialistes, un LFI et un écologiste.

Que trouve-t-on dans ce texte ? C’est surtout sur l’article 2 du texte que l’effort de conciliation s’est concentré. Ce dernier prévoit notamment la réautorisation par dérogation de l’usage d’un pesticide de la famille des néonicotinoïdes, l’acétamipride. La CMP a fixé une durée pour la dérogation prévue de trois ans d’abord, puis d'un an dans un second temps, pour notamment vérifier que les critères d’autorisation sont toujours remplis.

Chose qui devient de moins en moins rare au sein de ce gouvernement, les avis des ministres divergeaient sur la question, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, étant pour et la ministre la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, estimant dans un entretien accordé au Monde qu’elle a « perdu sur l’acétamipride, mais [que] les conditions de réintroduction [de cet insecticide néonicotinoïde] sont extrêmement encadrées. » « Je doute qu’il bénéficie à beaucoup d’exploitations », a-t-elle aussi ajouté.

Important pour les maires : l’article 3 tend à faciliter les activités d’élevage et l'agrandissement des bâtiments. Le texte modifié en CMP et adopté hier prévoit notamment le remplacement des deux réunions publiques d'ouverture et de clôture prévues par la loi relative à l'industrie verte pour les projets soumis à autorisation, par deux permanences en mairie. Cette décision « est de nature à apaiser le dialogue dans les territoires », selon Pierre Cuypers. 

D’autres enjeux très sensibles ont été arrêtés dans le texte. C’est le cas de l’article 5 qui acte la reconnaissance d'un intérêt général majeur à tous les projets destinés au stockage de l'eau. Plusieurs parlementaires de gauche auraient préféré « une grande loi sur l'eau permettant au monde agricole d'être partie prenante des débats essentiels auxquels sont associés collectivités, industrie, Voies navigables de France et tous les usagers de l'eau, un texte mettant en valeur à la fois les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage), les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), la science et la démocratie, et ce en vue d'intégrer les préoccupations agricoles de manière équilibrée et mesurée », a déclaré hier le député PS Dominique Potier. 

Cette présomption d'intérêt général « est en outre conditionnée à une concertation territoriale avec les usagers et à des engagements dans des pratiques sobres en eau », a précisé Pierre Cuypers. « Il ne s'agit donc pas de privatiser l'eau, mais d'en sécuriser l'accès, sous certaines conditions. » 

Notons aussi que cette loi, une fois promulguée, permettra aux agents de l'Office français de la biodiversité (OFB) de s’équiper de « caméras individuelles »  (article 6) et place l’action de l’OFB sous la tutelle directe du préfet et du procureur de la République. « Le préfet sera ainsi chargé de valider la programmation annuelle de contrôle en matière de police administrative », précise le rapporteur. Manon Meunier, députée LFI, dénonce une mesure qui « fait peser sur les agents de cet organisme un soupçon indu. » 

Le Conseil constitutionnel va être saisi 

Dès hier soir, les députés socialistes et apparentés ont annoncé qu’ils allaient saisir « dans les prochains jours »  le Conseil constitutionnel « afin de faire échec à ce texte régressif ». Ils estiment, dans un communiqué, que la réintroduction de l’acétamipride « est une nouvelle étape de l’offensive réactionnaire des droites contre l’écologie, après le vote dans l’hémicycle de la suppression des zones à faible émission (ZFE), le moratoire sur les énergies renouvelables ou encore la suspension du dispositif MaPrimeRénov’. » 

La saisine du Conseil constitutionnel par les députés de gauche sera vraisemblablement justifiée par le fait que la loi porterait atteinte aux principes constitutionnels de la Charte de l’environnement. Le Conseil constitutionnel ayant un mois pour rendre sa décision, le destin de la loi Duplomb devrait être définitivement fixé en août prochain. 

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