En Europe, le loup n'est officiellement plus une espèce « strictement protégée »
Par Lucile Bonnin
La proposition de la Commission européenne visant à modifier le statut de protection du loup en le faisant passer d’espèce « strictement protégée » à « protégée » avait été adoptée par le Parlement européen en mai dernier avec 371 voix pour, 162 contre et 37 abstentions. Jeudi dernier, le projet de loi a été définitivement approuvé par le Conseil de l’Union européenne.
Pour rappel, en septembre 2023, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait annoncé une campagne d’actualisation des données sur les populations de loups en Europe. 20 300 loups répartis dans 23 pays avaient été recensés en 2023, dont 1 023 en France. Face à ces résultats, une proposition de révision de la Convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage en Europe a été publiée par la Commission européenne qui suggèrerait de faire passer le statut de protection des loups de « strictement protégé » à « protégé ».
Si jusqu’ici le loup était considéré comme espèce « strictement protégée » , le Conseil de l’Union européenne a approuvé jeudi dernier définitivement le déclassement du loup en espèce « protégée ». Concrètement, à la suite de cette approbation du Conseil de l’Union, un acte législatif sera publié au Journal officiel de l'Union européenne et entrera en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication. Les États membres auront alors dix-huit mois pour s’y conformer. Le Conseil indique cependant que les pays membres « doivent toutefois continuer à garantir un état de conservation favorable du loup et peuvent continuer à inscrire le loup sur la liste des espèces strictement protégées dans la législation nationale, et à mettre en place des mesures plus strictes pour sa protection. »
De strictement protégé à protégé
Dans la Convention de Berne, le loup faisait partie des espèces listées à l'annexe II de la convention. Ils ne peuvent donc être « tués, capturés, détenus ou dérangés de façon intentionnelle, en particulier pendant la période de reproduction et de dépendance » . Il faut cependant souligner que des exceptions sont possibles comme la prévention de dommages importants au bétail.
En devenant une espèce protégée, le loup figurera dans l’annexe III, qui a pour objectif d’assurer la protection simple des espèces, au moyen d’une réglementation qui permette de maintenir l'existence de ces populations hors de danger (instauration de périodes annuelles ou de zones de préservation, de modalités particulières de gestion, réglementation du commerce). La capture ou la mise à mort des espèces protégées par des moyens qui seraient non sélectifs ou localement dangereux pour la pérennité ou la tranquillité de l'espèce restent interdites.
Pour que ce nouveau statut puisse s’appliquer dans les pays membres, la directive européenne « Habitats » a été modifiée et c’est cette procédure qui est importante pour la France. En effet, la directive, si elle reprend quasiment mot pour mot la convention, prévoit aussi des exceptions. C’est ce texte qui, par exemple, permet aujourd’hui à la France d’employer des mesures de gestion de l’espèce alors que le loup était encore une espèce strictement protégée.
Ainsi, en passant d’espèce strictement protégée à espèce protégée dans la directive « Habitats », le loup devra désormais être « compatible avec leur maintien dans un état de conservation favorable ». Une disposition assez floue, qui fait peser un risque de surinterprétation par les pays européens. Dans Le Monde, Guillaume Chapron, membre de l’Union internationale pour la conservation de la nature, explique que « tout reposera sur l’interprétation qui sera faite du statut de conservation favorable. »
L’association nationale des élus de la montagne (Anem) a salué ce nouveau statut qui « donnera ainsi aux États membres plus de flexibilité pour gérer les populations de loups » . « L’État français doit maintenant traduire ce changement de statut dans le droit national, peut-on lire dans leur communiqué de presse. Il pourra compter sur l’Anem pour travailler à cette transposition dans le droit français. »
En France, une simplification administrative pour faciliter les tirs
Pour l’Anem, « ce déclassement va permettre aux éleveurs de mieux se défendre face aux attaques de loups, plus nombreux chaque année. » En France, environ 19 % des effectifs de loups sont déjà tués chaque année, dans le cadre de dérogations. En réalité, ce déclassement permettrait surtout une simplification administrative pour faciliter les tirs car, dans les faits, la France a déjà par dérogation cette possibilité de tirer sur des loups.
Le plan national d'actions « loup » pour la période 2024- 2029 qui avait été présenté en 2023 par le gouvernement devra prendre en compte cette modification (lire Maire info du 19 septembre 2023). Déjà les syndicats agricoles, à l’instar de la Confédération paysanne, appellent le gouvernement à agir au plus vite, surtout sur cette question des tirs.
La France n’a d’ailleurs pas attendu l’Union européenne en la matière. En effet, l’article 47 de la loi d’orientation agricole du 24 mars 2025 prévoit un assouplissement des règles. En application de cette loi, un projet d’arrêté, visant à modifier l’arrêté du 21 février 2024 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup, avait été mis en consultation par le gouvernement jusqu’à ce jour. Il prévoit notamment que les éleveurs de bovins, mais également d’équins et d’asins, puissent bénéficier d’autorisations de tirs dérogatoires.
Comme souvent sur la question du loup, les avis sont divisés. D’un côté, il y a ceux qui estiment que la situation du loup a radicalement changé depuis l’adoption de la Convention de Berne en 1979 lorsque les loups avaient disparu en Europe occidentale, et qu’il faut agir en conséquence. De l’autre, on pointe le manque de justification scientifique quant à la prise de cette décision et on dénonce la mise en danger de l’équilibre des écosystèmes naturels.
Selon l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS), plusieurs pays européens comme la Pologne, le Portugal, la Tchéquie et la Belgique ont affirmé leur volonté de conserver un niveau de protection stricte du loup dans leur législation nationale. Reste à voir comment la France va s’approprier ce déclassement.
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