Contrôle des exploitations agricoles : les agents de l'OFB porteront désormais leur arme de façon non apparente
Par Franck Lemarc
Dans la crise profonde que traverse le monde de l’agriculture depuis plus d’un an, la question des contrôles des exploitations par les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) a pris une acuité particulière. À de nombreuses occasions, les porte-parole de la FNSEA ou de la Coordination rurale ont exprimé l’exaspération de certains agriculteurs face à des contrôles jugés trop fréquents et trop tatillons, et jugé inacceptable que les agents de l’OFB se rendent armés dans les exploitations. Dans la plateforme de revendications mise en avant lors du mouvement de blocages de janvier 2024, il était demandé que les agents de l’OFB soient « placés sous la tutelle des préfets » et qu’ils soient « désarmés ».
Pour mémoire, les agents de l’OFB sont des policiers, et à ce titre ils sont, en effet, armés. Leur mission, comme celle de tous les policiers, n’est en effet pas sans danger : selon les syndicats de l'Office, ce sont plusieurs dizaines d'agents qui ont été tués depuis la création de l'organisme. Et comme l’a récemment rappelé le directeur général de l’OFB, ces agents sont, de manière contre-intuitive, ceux des forces de l’ordre qui contrôlent le plus de personnes armées – les armes de chasse étant nombreuses dans les territoires ruraux.
Port d’arme « discret »
L’exécutif a semblé, l’an dernier, regarder cette revendication avec une certaine bienveillance : on se souvient de l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, en janvier 2024, s’adressant aux agriculteurs en demandant « est-ce qu'il faut vraiment être armé quand on vient contrôler une haie ? ». Le sujet a été jugé suffisamment important pour que le nouveau Premier ministre, François Bayrou, l’évoque dans sa déclaration de politique générale du 14 janvier dernier. Le chef du gouvernement avait eu des mots très durs : « Quand les inspecteurs de la biodiversité viennent inspecter les fossés ou les points d’eau avec une arme à la ceinture (…), c’est une humiliation et donc c’est une faute. »
Cette déclaration avait donné à penser que l’exécutif réfléchissait bien au désarmement des agents de l’OFB, et elle avait été fort mal reçue par les agents de l’OFB et même par la présidente du conseil d’administration de l’organisme, Sylvie Gustave-dit-Duflo (lire Maire info du 17 janvier).
Mais en réalité, dans cette phrase, ce ne sont pas les mots « avec une arme » qui étaient importants, mais « à la ceinture ». C’est ce que l’on comprend en lisant la circulaire publiée hier, qui aborde cette question sensible de « l’équipement des agents de l’OFB lors des contrôles administratifs ». Les ministres de l’Agriculture et de la Transition énergétique reconnaissent qu’il existe « une incompréhension de la part des personnes contrôlées, qui sont dans leur immense majorité de bonne foi, face au port ostensible d’une arme à feu par les agents de l’OFB ».
Il a donc été décidé, en accord entre OFB, chambres d’agriculture et gouvernement, que le port d’arme par les agents devait être « plus discret » : au lieu d’une arme « à la ceinture », pour reprendre les mots du Premier ministre, celle-ci sera désormais portée dans un holster intérieur (« étuis inside » ). Cette décision doit être mise en œuvre « de manière immédiate », indiquent les ministres. Cette décision, poursuivent-elles, serait de nature à concilier « l’ambition de contrôles les plus apaisés possibles et la nécessaire sécurité des agents de l’État ».
Par ailleurs, les ministres annoncent que le port de caméras piétons par les agents, permettant de filmer et enregistrer les situations tendues, va être instauré « le plus rapidement possible ». Cela demande, néanmoins, une mesure législative, et cette mesure va donc demander a minima quelques mois.
Au sein de l’OFB, le passage au port d’arme « discret » pose un certain nombre de questions, qui ont été relayées par la députée du Bas-Rhin Sandra Regol dans une question écrite au gouvernement. Le fait de pouvoir accéder très rapidement à une arme placée dans un holster intérieur requiert « une formation spécifique », affirme la députée, qui constate pourtant « qu’aucune formation ne semble avoir été organisée à destination des personnels ».
Contrôle unique et tutelle du préfet
La circulaire rappelle par ailleurs que depuis le mois de novembre dernier, le gouvernement a demandé la mise en place d’un « contrôle administratif unique annuel » dans les exploitations agricoles. Il est précisé toutefois que celui-ci ne concerne que les opérations de contrôle du respect des normes et non les opérations de police judiciaire, de l’inspection du travail ou des services fiscaux.
Les ministres confirment également le lancement d’une « mission-flash inter-inspections » ayant pour mission « d’analyser les raisons » des relations difficiles entre OFB et agriculteurs, et « dégager des propositions très opérationnelles pour améliorer » celles-ci. Il s’agit « d’identifier les points de friction et malentendus éventuels ainsi que les bonnes pratiques déjà en place ou projetées », mais aussi de « clarifier le rôle du préfet par rapport à l’OFB ».
On se rappelle que la plateforme de revendications des agriculteurs de l’an dernier portait notamment la demande de « placer les agents de l’OFB sous l’autorité du préfet ». Gabriel Attal, alors Premier ministre, avait répondu – un peu vite – favorablement : « L’OFB sera sous tutelle du préfet. » Les choses sont en réalité un peu plus compliquées : si, comme l’explique la circulaire, les agents peuvent être sous l’autorité du préfet pour des missions de contrôle administratif, ils ont également des pouvoirs de police judiciaire qui les place sous l’autorité des juges, ce qui ne peut être changé d’un claquement de doigts.
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