Colère des éleveurs : le gouvernement maintient sa position, le mouvement se durcit
Par Franck Lemarc

« Le protocole mis en place est soumis et fonctionne. » En déplacement à Toulouse, hier, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a douché les espoirs des éleveurs qui espéraient une inflexion de la stratégie du gouvernement en matière de traitement de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC). Elle a par ailleurs annoncé une action de vaccination massive d’un million de bovins en Occitanie.
Abattage ou vaccination ?
Deux visions s’opposent dans ce dossier. Celle défendue par le gouvernement, sur la base des recommandations des scientifiques et des vétérinaires – et qui a le soutien du syndicat agricole FNSEA : tenter d’empêcher la diffusion de la DNC en abattant la totalité du troupeau dès qu’un cas est repéré. Une fois l’abattage réalisé, les autres bêtes sont vaccinées dans un rayon de 20 kilomètres autour de l’exploitation concernée. Enfin, la stratégie gouvernementale repose sur une limitation drastique des mouvements des bovins dans le pays, là encore pour éviter tout risque de diffusion.
Les experts scientifiques qui s’expriment sur le sujet répètent que cette stratégie de l’abattage systématique est la seule susceptible de bloquer la diffusion du virus, et que si les restrictions sur les déplacements d’animaux sont respectées, il sera possible de faire disparaître entièrement la maladie du pays. Selon eux, cette stratégie doit être appliquée tant que la maladie n’est pas devenue endémique. Dans ce cas-là, elle deviendra obsolète et il faudra appliquer d’autres modalités – l’abattage des seules bêtes malades.
Si cette stratégie, on l’a dit, a le soutien de la FNSEA, elle est en revanche vivement combattue par une alliance étonnante entre deux syndicats que tout oppose, la Coordination rurale, marquée à droite voire à l’extrême droite, et la Confédération paysanne, très à gauche. Ces deux organisations se retrouvent sur leur opposition frontale à l’abattage systématique des troupeaux. Elles demandent que seuls les bovins contaminés soient abattus et que l’ensemble du cheptel soit vacciné. Ces deux syndicats ont indiqué qu’ils poursuivraient – et amplifieraient – leurs actions tant que le gouvernement n’aura pas renoncé à l’abattage des troupeaux.
Extension des zones de surveillance
Hier, la ministre leur a une fois encore opposé un refus, rappelant que le gouvernement « s’en tient aux recommandations des scientifiques » et expliquant que si la maladie s’étend, ce ne sont pas quelques exploitations, mais des milliers, qui seront frappés par une maladie susceptible de faire des ravages dans les troupeaux.
L’abattage systématique, en effet, pour traumatisant qu’il soit pour les éleveurs, ne concerne en effet qu’un nombre très limité d’animaux. Pour mémoire, depuis le début de la crise en juin, ce sont 3 300 animaux qui ont été abattus, sur un total de 15,7 millions – soit 0,02 %.
La maladie continue pourtant de se diffuser. Hier, c’est dans l’Aude qu’un nouveau foyer a été repéré dans une petite ferme, à Pamas, ce qui a conduit à l’abattage d’une dizaine d’animaux.
La ministre a annoncé hier que le périmètre de vaccination autour des exploitations touchées va passer de 20 à 50 km – mesure qui n’a pas encore été officialisée par une publication au Journal officiel. Une campagne de vaccination qui va toucher entre 600 000 et un million de bêtes va débuter en Occitanie. Mais la ministre a répété son opposition à une vaccination générale du cheptel, arguant des difficultés économiques que cela provoquerait. C’est également la position de la fédération Culture viande, qui regroupe les entreprises d’abattage et de découpe, qui a mis en garde hier contre une vaccination généralisée qui ferait perdre à la France son statut « indemne de la DNC » et entraînerait une « complexification accrue des conditions d'exportation ».
Le mouvement s’étend et se durcit
Quoi qu’il en soit, les actions de protestation des éleveurs se multiplient : alors que dimanche, le ministère de l’Intérieur recensait une trentaine d’actions impliquant un millier de personnes, il en comptait, hier, quarante impliquant 3 000 manifestants.
L’autoroute A64 reste coupée par les éleveurs entre Toulouse et Tarbes. D’autres blocages ont lieu en Gironde, en Dordogne, en Aveyron, en Haute-Vienne, dans les Landes… Des manifestations ont eu lieu devant les préfectures à Tours, Boulogne-sur-Mer, Albi, Angoulême, Montauban, Pau… Pour la journée d’aujourd’hui, des actions de blocage sont prévues sur les autoroutes A9 et A54 autour de Nîmes, sur l’A8 près de Nice, sur l’A34 ans les Ardennes, ainsi qu’aux alentours de Cahors, Ussel, Brives ou Châtellerault.
Plus inquiétant encore, à l’approche du début des vacances de Noël, un porte-parole de la Coordination rurale a annoncé hier que la ministre allait « payer cher » son refus d’entendre les éleveurs, et que le syndicat allait « passer à la vitesse supérieure » en « en bloquant les voies ferrées et les aéroports dans tout le grand sud ».
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