Édition du vendredi 1er juin 2018
Agnès Le Brun : « On demande toujours une double preuve de légitimité à une femme »
© MdF
Quelles sont les orientations sur lesquelles vous travaillez à l’AMF en matière de place des femmes en politique ?
Nous préparons des propositions pour modifier les lois en vigueur que nous soumettons lors de nos rencontres avec les parlementaires. L’objectif est de permettre aux élues de concilier les obligations de leur vie familiale et leur vie d’élue.
En quoi la vie de femme est plus difficilement compatible avec la vie d’élu ?
La vie quotidienne d’un élu est calquée sur celle d’un homme. Par exemple, la plupart des réunions ont une heure de début mais jamais d’heure de fin. Si un homme reste une heure de plus à la réunion, ce n’est pas un problème.
Une femme va se soucier des problèmes d’intendance. C’est un cliché qui repose sur des réalités persistantes et constater un cliché, ce n’est pas la même chose que le véhiculer. Je crois que, par exemple, imposer une heure de fin pour les réunions permet de soulager les femmes.
Et puis, il y a peut-être un obstacle de l’ordre du psychologique, une forme d’auto-discrimination : une femme se demandera sans doute plus si elle a les compétences et s’interrogera sur la façon dont elle va s’organiser.
Où en est l’obligation, pour les partis politiques, de présenter un nombre égal de femmes et d’hommes (2% d’écart maximum entre les deux sexes) à l’Assemblée nationale, sous peine de pénalités financières, d’ailleurs alourdies par la loi d’août 2014 ?
On constate que les partis politiques perdent de l’argent et n’hésitent pas à en perdre encore. C’est 28 millions d’euros de dotations publiques en moins lors de la dernière législature (42% des candidats étaient des candidates, ndlr), c’est 28 millions d’euros que la démocratie a perdus.
Les commissions d’investiture (chargées de désigner les candidats qui représenteront les partis aux élections nationales et locales, ndlr) sont essentiellement masculines. C’est un pré carré, au sein duquel il y a une défiance vis-à-vis des femmes (en 2014, 83% des têtes de liste étaient des hommes, ndlr). J’appelle cela le règne des phallocrates, ces hommes qui aiment les femmes à condition qu’elles restent à leur place.
Inscrire l’obligation de parité dans la loi ne serait-il donc pas efficace ?
À l’époque, j’avais appelé ça une loi moche, un remède nécessaire mais pas suffisant. Il y a, selon moi, un effet pervers : si l’on écarte un homme en raison de son sexe, on crée alors une rupture entre les hommes et les femmes.
Cette discrimination positive, encore une fois nécessaire, n’efface pas le fait que l’on demande toujours une double preuve de légitimité à une femme. On le voit dans l’attribution des délégations. À Morlaix, une femme occupe la fonction d’adjointe aux Sports et, parce que c’est une femme, cela ne se passe pas toujours très bien lorsqu’il faut parler aux clubs sportifs. De la même façon, je ne connais pas beaucoup de conseils municipaux avec des adjointes aux Finances ou aux Travaux.
Pour aboutir à des résultats, il est nécessaire de passer par d’autres évolutions sociétales et de faciliter l’accession des femmes aux responsabilités politiques avec une réforme du statut de l’élu.
Pour renforcer la parité partout sur le territoire national, pensez-vous qu’il faille l’appliquer pour les élections municipales dans les 26 878 communes de moins de 1000 habitants, aujourd’hui non concernées, ce qui permettrait de l’appliquer dans les intercommunalités ?
Il n’y a pas encore de prise de position de l’AMF à ce stade. Mais nous comptons faire entendre nos positions d’ici les prochaines échéances électorales.
Propos recueillis par Ludovic Galtier
• Groupe « Promotion des femmes dans les exécutifs locaux « co-présidé par Cécile Gallien et Edith Gueugneau.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2