Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 28 février 2022
État civil

Adoption définitive de la proposition de loi permettant de changer de nom « une fois dans sa vie », en mairie

L'Assemblée nationale a adopté définitivement, jeudi 24 février, la proposition de loi « relative au choix du nom issu de la filiation ». Ce texte facilite, de façon encadrée, le changement de nom, sans passer par une complexe et longue procédure. 

Par Franck Lemarc

Rejetée par le Sénat et ayant fait l’objet d’un désaccord en commission mixte paritaire, la proposition de loi permettant de faciliter, dans certains cas, le changement de nom de famille a été définitivement adoptée par l’Assemblée nationale qui, comme le prévoit la Constitution, a eu le dernier mot. 

Changement de nom une fois dans sa vie

Le texte prévoit, d’une part, un changement de règles sur la question du nom d’usage. Il permet à un enfant majeur de porter à titre de nom d’usage « le nom du parent qui n’a pas transmis son nom ». Il s’agit ici, a-t-il été rappelé dans les débats, de « mettre fin à des situations insupportables »  et « permettant à l’enfant d’adjoindre le nom de la mère à celui du père, à titre d’usage ».

Mais la partie la plus importante du texte concerne le nom de famille, en permettant à une personne, « une fois dans sa vie », de changer de nom de famille par simple demande devant l’officier d’état-civil. La procédure habituelle pour un changement de nom, rappelons-le, se fait normalement sous l’égide du ministère de la Justice et peut prendre deux à trois ans, se concluant par une publication au Journal officiel

Dans le texte adopté, les choses sont bien plus simples : « Toute personne majeure peut demander à l’officier de l’état civil de son lieu de résidence ou dépositaire de son acte de naissance son changement de nom en vue de porter l’un des noms prévus aux premier et dernier alinéas de l’article 311-21 [du Code civil] ». Il s’agit, en l’occurrence, d’adjoindre ou de substituer le nom d’un de ses parents. Autrement dit, a rappelé la députée Agir Alexandra Louis, « l’objectif n’est pas de permettre à chacun de se livrer à des fantaisies, mais simplement de lui permettre de prendre le nom de l’autre parent ». 

Le législateur a un but clair : celui de répondre à la situation dramatique d’enfants qui sont obligés de porter le nom d’un parent qui les a abandonnés, maltraités ou violés. « Si un nom est une fierté pour beaucoup d’entre nous, pour certains et certaines, il peut se transformer en fardeau. De nombreuses personnes sont condamnées à porter le nom de quelqu’un qui les a maltraitées ou abusées sexuellement, ou qui les a abandonnées. C’est parfois le nom d’un parfait inconnu. C’est avant tout pour de telles personnes que cette proposition de loi est nécessaire », a développé le député Michel Castellani (Libertés et territoires). Mais le texte, a contrario, pourra aussi permettre, par l’adjonction d’un nom, de ne pas laisser un patronyme disparaître.

« Fierté »  du garde des Sceaux

Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, s’est dit particulièrement fier de l’adoption de ce texte, avec des mots forts. « Je pense à ces femmes qui n’auront plus à sortir leur livret de famille pour prouver que leur enfant est leur enfant. Je pense aussi à ces femmes qui nous ont dit avoir un nom prestigieux, historique, appartenant, au fond, à notre patrimoine, mais qu’elles ne peuvent transmettre à leurs enfants. Je pense enfin, bien sûr avec encore davantage de gravité, à ces femmes qui nous ont dit être contraintes de supporter leur nom, qui est celui de leur tortionnaire, de leur violeur. (…) Je garderai toujours en mémoire les mots de cette femme de 70 ans qui, dans une lettre, me disait avoir été violée par son père et ne pas vouloir que son nom, qu’elle porte comme une souffrance, soit gravé sur sa tombe. » 

La question du financement

Pendant l’examen de ce texte, l’AMF a eu l’occasion de s’exprimer et a posé la question du financement. Si elle ne s’oppose nullement à l’esprit de cette réforme, estimant même qu’il s’agit d’une « bonne mesure », l’association regrette qu’elle se fasse « aux frais des communes », puisque la tâche d’enregistrer le changement de patronyme reviendra à l’officier d’état civil. Certes, l’AMF a obtenu que la démarche puisse se faire également dans le lieu de résidence de la personne, et non seulement dans sa commune de naissance, ce qui aurait eu pour effet de surcharger encore un peu plus les communes sièges de maternité. Mais « après l’enregistrement des pacs, les changements de prénom, le changement de nom dans le cas précis de personnes portant en France un nom différent de celui porté à l’étranger, c’est une nouvelle charge imposée par l’État aux communes, sans concertation ou même information préalable et sans compensation financière », s'insurge l’association. 

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