Maire-info
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Édition du mercredi 27 novembre 2024
Administration

La justice confirme l'interdiction de s'exprimer dans une autre langue que le français dans une assemblée délibérante

La Cour administrative d'appel (CAA) de Marseille a confirmé un jugement rendu par le tribunal administratif de Bastia : les débats à l'Assemblée de Corse ne peuvent se tenir en langue corse, pour des motifs constitutionnels.

Par Franck Lemarc

« La langue de la République est le français. »  Cet article 2 de la Constitution interdit, selon la Cour administrative d’appel de Marseille, l’usage d’une autre langue dans les débats d’une assemblée délibérante d’une collectivité.

Inconstitutionnalité

Cette affaire est le nouvel (et sans doute pas le dernier) épisode du conflit qui oppose les élus de la Collectivités de Corse au préfet. En 2022, celui-ci a en effet demandé l’annulation de deux actes pris par l’Assemblée de Corse et le Conseil exécutif. Ces actes modifient le règlement intérieur de ces assemblées en y intégrant cette phrase : « Les langues des débats (…) sont le corse et le français ». Par ailleurs, le Conseil exécutif avait acté que ses membres et ses agents « utilisent les langues corse et française dans leurs échanges oraux, électroniques, et dans les actes résultant de leurs travaux ».

Hors de question, juge le préfet, qui attaque ces actes devant le tribunal administratif de Bastia – lequel lui donne raison, jugeant que cette règle contrevient à l’article 2 de la Constitution.

La collectivité corse a fait appel de ce jugement devant la Cour administrative d’appel (CAA) de Marseille. Elle a soutenu que, d’une part, ces dispositions n’imposent pas l’usage de la langue corse, mais le rendent seulement possible. Et que, d’autre part, l’article 75-1 de la Constitution dispose que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ».

La CAA de Marseille n’a pas été sensible à ces arguments. Elle rappelle que l’article 2 de la Constitution a pour conséquence que « l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public ». L’article 75-1 ne peut être invoqué, non seulement parce qu’il « n'institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit », mais également parce qu’il ne s’applique qu’à condition que les exigences de l’article 2 soient « respectées ».

Le règlement intérieur adopté par l’Assemblée de Corse confère à ses membres « le droit de s'exprimer, en séance de cette assemblée, dans une langue autre que la langue française ». Même si ces dispositions « n’imposent pas l’usage exclusif d’une langue autre que le français », mais l’autorisent seulement, elles sont donc contraires à la Constitution.

Effet rétroactif

Par ailleurs, la collectivité a demandé devant la CAA, si l’annulation de ses décisions devait être confirmée, une « modulation dans le temps », de six mois au moins. Elle juge en effet que cette annulation aurait des conséquences « manifestement excessives », puisqu’elle emporterait l’annulation, à titre rétroactif, de toutes les décisions prises par l’Assemblée sous le régime de ce règlement intérieur, notamment des actes budgétaires. Cet argument n’a pas fait ciller les juges de la CAA, la collectivité n’ayant « ni justifié ni même allégué que ces mesures auraient été adoptées à l'issue de débats menés intégralement ou principalement en langue corse, ou prises dans cette langue ». « La collectivité de Corse n'est donc pas fondée à solliciter une modulation des effets dans le temps de cette annulation. » 

La CAA a donc confirmé l’interdiction de s’exprimer en langue Corse à l’Assemblée et au Conseil exécutif de Corse – et ses arguments font comprendre qu’une telle interdiction s’applique à toutes les langues régionales dans toutes les assemblées des collectivités territoriales.

Les présidents de l’Assemblée et du Conseil exécutif ont fait état de leur volonté de contester ce jugement devant le Conseil d’État, indiquant qu’elle paraît « contraire aux textes européens et internationaux protégeant les droits fondamentaux au plan linguistique ». Apparemment peu optimistes sur une telle démarche, ils parlent déjà de remonter jusqu’aux « juridictions européennes et internationales ». Le combat juridique est donc loin d’être terminé.

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