Édition du mardi 28 novembre 2017
Faut-il utiliser les règles de « l'orthographe inclusive » dans les documents administratifs ?
Le Premier ministre, Édouard Philippe, a fait publier au Journal officiel, la semaine dernière, une circulaire relative « aux règles de féminisation et de rédaction » des actes administratifs. Si ce texte est destiné aux services du gouvernement et de l’État, il a au moins le mérite de donner la doctrine du gouvernement en la matière, auxquelles les collectivités pourront donc se référer si elles se posent des questions sur la rédaction de leurs propres actes.
Cette circulaire intervient au moment où se développe une polémique sur l’usage de « l’orthographe inclusive », c’est-à-dire une orthographe qui revisite les règles afin d’en finir avec la supériorité orthographique du masculin sur le féminin. L’écriture inclusive s’appuie sur plusieurs règles, notamment : 1) mentionner systématiquement les deux genres, par ordre alphabétique, par exemple : « Elles et ils étaient au conseil municipal ». 2) Accorder le verbe avec le sujet le plus proche (accord de proximité) : « Le maire et la préfète sont venues à la réunion ». 3) rendre obligatoire l’usage d’un nouveau signe typographique, le « point milieu », permettant de mettre chaque mot à la fois au féminin et au masculin : les administré·e·s, les électeur·rice·s. On écrirait ainsi, au choix : « Les électeurs et les électrices sont venu·e·s voter » ou « les électeur·rice·s sont venu·e·s voter ».
Si l’intention est évidemment louable, elle ne va pas sans poser plusieurs problèmes, d’abord de lourdeur extrême à la rédaction et la lecture, et donc de lisibilité ; et surtout, sur le fond, de règle : cette forme d’écriture n’est, à l’heure actuelle, officiellement pas reconnue par la grammaire du français ni par les règles typographiques en usage. C’est notamment ce dernier point que met en avant le Premier ministre dans sa circulaire : en gros, il n’existe qu’une et une seule grammaire, et tant que d’autres règles ne seront pas adoptées, il convient d’utiliser les anciennes : « Les administrations relevant de l'État doivent se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques, notamment pour des raisons d'intelligibilité et de clarté de la norme. »
Néanmoins, Édouard Philippe invite ses interlocuteurs à respecter scrupuleusement un certain nombre de règles entrant dans les visées du gouvernement de « lutte contre les stéréotypes qui freinent le progrès vers une égalité réelle ». S’il s’attache à souligner que le masculin « est une forme neutre qu'il convient d'utiliser pour les termes susceptibles de s'appliquer aussi bien aux femmes qu'aux hommes », il souligne que « les textes qui désignent la personne titulaire de la fonction en cause doivent être accordés au genre de cette personne ». Autant que faire se peut, le Premier ministre demande qu’il soit « systématiquement recouru », dans les actes de recrutement ou les avis de vacance d’emploi publiés au Journal officiel, aux formules du type « le candidat ou la candidate ».
Mais surtout, Édouard Philippe demande que les fonctions tenues par des femmes soient « systématiquement féminisées ». Il convient donc de parler systématiquement de « la maire, la députée, la conseillère générale, la ministre », etc. Le texte suggère, en cas de doute, de se référer au guide Femme, j’écris ton nom, Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonction, élaboré en 1999 par une commission missionnée par Lionel Jospin. Ce fascicule passionnant de 119 pages (disponible ci-dessous en téléchargement), retrace l’histoire de la féminisation des fonctions dans la langue française depuis le Moyen âge – ce qui permet d’apprendre que cette période était, de ce point de vue, bien moins machiste que la nôtre ; elle donne ensuite toutes les règles grammaticales (pourquoi dit-on une agricultrice et une actrice, mais une auteure et non une autrice ?) ; et enfin une longue liste de fonction et de métiers avec leur orthographe correcte au féminin. Notons que ce guide, pour ce qui est du féminin de « maire », autorise aussi bien « maire » que « mairesse ». Souvent jugée inesthétique, voire péjorative, cette terminaison en –esse est pourtant très couramment employée dans des termes tels que maîtresse ou duchesse…
Cette liste s’avérera fort utile pour aider à la rédaction de tout texte officiel, dans le respect et des règles de l’orthographe et de celles de l’égalité des sexes.
On notera avec le sourire, pour l’anecdote, que les règles édictées par le Premier ministre ne sont pas si faciles à appliquer…y compris par lui-même. Lors du Congrès des maires, le jour même où il envoyait à la publication la circulaire dont il est question ici, un petit incident a eu lieu dans le grand auditorium avec quelques étincelles tombées d’un projecteur. Édouard Philippe a alors interrompu son discours pour s’enquérir cordialement de l’élue qui se trouvait sous le projecteur, en demandant au micro : « Vous n’êtes pas blessée, madame le maire ? ».
Cette circulaire intervient au moment où se développe une polémique sur l’usage de « l’orthographe inclusive », c’est-à-dire une orthographe qui revisite les règles afin d’en finir avec la supériorité orthographique du masculin sur le féminin. L’écriture inclusive s’appuie sur plusieurs règles, notamment : 1) mentionner systématiquement les deux genres, par ordre alphabétique, par exemple : « Elles et ils étaient au conseil municipal ». 2) Accorder le verbe avec le sujet le plus proche (accord de proximité) : « Le maire et la préfète sont venues à la réunion ». 3) rendre obligatoire l’usage d’un nouveau signe typographique, le « point milieu », permettant de mettre chaque mot à la fois au féminin et au masculin : les administré·e·s, les électeur·rice·s. On écrirait ainsi, au choix : « Les électeurs et les électrices sont venu·e·s voter » ou « les électeur·rice·s sont venu·e·s voter ».
Si l’intention est évidemment louable, elle ne va pas sans poser plusieurs problèmes, d’abord de lourdeur extrême à la rédaction et la lecture, et donc de lisibilité ; et surtout, sur le fond, de règle : cette forme d’écriture n’est, à l’heure actuelle, officiellement pas reconnue par la grammaire du français ni par les règles typographiques en usage. C’est notamment ce dernier point que met en avant le Premier ministre dans sa circulaire : en gros, il n’existe qu’une et une seule grammaire, et tant que d’autres règles ne seront pas adoptées, il convient d’utiliser les anciennes : « Les administrations relevant de l'État doivent se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques, notamment pour des raisons d'intelligibilité et de clarté de la norme. »
Néanmoins, Édouard Philippe invite ses interlocuteurs à respecter scrupuleusement un certain nombre de règles entrant dans les visées du gouvernement de « lutte contre les stéréotypes qui freinent le progrès vers une égalité réelle ». S’il s’attache à souligner que le masculin « est une forme neutre qu'il convient d'utiliser pour les termes susceptibles de s'appliquer aussi bien aux femmes qu'aux hommes », il souligne que « les textes qui désignent la personne titulaire de la fonction en cause doivent être accordés au genre de cette personne ». Autant que faire se peut, le Premier ministre demande qu’il soit « systématiquement recouru », dans les actes de recrutement ou les avis de vacance d’emploi publiés au Journal officiel, aux formules du type « le candidat ou la candidate ».
Mais surtout, Édouard Philippe demande que les fonctions tenues par des femmes soient « systématiquement féminisées ». Il convient donc de parler systématiquement de « la maire, la députée, la conseillère générale, la ministre », etc. Le texte suggère, en cas de doute, de se référer au guide Femme, j’écris ton nom, Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonction, élaboré en 1999 par une commission missionnée par Lionel Jospin. Ce fascicule passionnant de 119 pages (disponible ci-dessous en téléchargement), retrace l’histoire de la féminisation des fonctions dans la langue française depuis le Moyen âge – ce qui permet d’apprendre que cette période était, de ce point de vue, bien moins machiste que la nôtre ; elle donne ensuite toutes les règles grammaticales (pourquoi dit-on une agricultrice et une actrice, mais une auteure et non une autrice ?) ; et enfin une longue liste de fonction et de métiers avec leur orthographe correcte au féminin. Notons que ce guide, pour ce qui est du féminin de « maire », autorise aussi bien « maire » que « mairesse ». Souvent jugée inesthétique, voire péjorative, cette terminaison en –esse est pourtant très couramment employée dans des termes tels que maîtresse ou duchesse…
Cette liste s’avérera fort utile pour aider à la rédaction de tout texte officiel, dans le respect et des règles de l’orthographe et de celles de l’égalité des sexes.
On notera avec le sourire, pour l’anecdote, que les règles édictées par le Premier ministre ne sont pas si faciles à appliquer…y compris par lui-même. Lors du Congrès des maires, le jour même où il envoyait à la publication la circulaire dont il est question ici, un petit incident a eu lieu dans le grand auditorium avec quelques étincelles tombées d’un projecteur. Édouard Philippe a alors interrompu son discours pour s’enquérir cordialement de l’élue qui se trouvait sous le projecteur, en demandant au micro : « Vous n’êtes pas blessée, madame le maire ? ».
F.L.
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