Adaptation du temps de travail des agents territoriaux en Alsace-Moselle : le « non » ferme du gouvernement
Par Franck Lemarc
C’est notamment la sénatrice Elsa Schalck (Bas-Rhin), qui a porté la question à l’attention du gouvernement. Mais depuis le mois de mars, ce problème est mis en avant par le Conseil représentatif du droit local alsacien-mosellan, une instance créée en 2022 par la Collectivité européenne d’Alsace et présidée par le sénateur André Reichardt.
Régime concordataire
C’est cette instance qui a, notamment, lancé une pétition en ligne, début juin, intitulée « Non à la suppression des jours fériés et chômés spécifiques à l’Alsace et à la Moselle », qui concerne la fonction publique territoriale.
Pour comprendre cette question, il faut rappeler que dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle existe un régime spécifique des cultes couramment appelé « régime concordataire », qui n’a pas été abrogé par la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État. Ce régime implique que l’État finance, dans ces départements, quatre cultes (catholique, luthérien, réformé et israélite), que les écoles primaires et les collèges dispensent des cours de religion (sauf demande écrite des parents), et que le délit de blasphème y a existé jusqu’en 2017. Autre conséquence de ce régime spécifique : deux jours fériés supplémentaires existent en Alsace-Moselle : le Vendredi saint (vendredi précédent Pâques) et la Saint-Étienne (26 décembre). L’existence de ces deux jours fériés et chômés est inscrite dans le Code général de la fonction publique, qui énonce que « dans les départements de Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les jours chômés et fériés dont bénéficient les agents publics sont ceux énoncés à l'article L. 3134-13 du Code du travail », à savoir, outre les jours existant dans tout le pays, « le Vendredi Saint dans les communes ayant un temple protestant ou une église mixte » et « le second jour de Noël » (26 décembre).
« Atteinte au droit local »
C’est donc sur cette question des jours fériés qu’un certain nombre d’élus de la région se mobilisent.
En effet, l’article 47 de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 impose à toutes les collectivités territoriales de supprimer leurs régimes dérogatoires en termes de temps de travail, et de se conformer à la règle générale : 1607 heures de travail par an pour tous les agents de la fonction publique territoriale à temps plein.
L’application stricte de ces dispositions revient, en Alsace-Moselle, à supprimer de facto ces deux jours fériés. Comme l’explique la sénatrice Elsa Schalck : « En demandant l'application uniforme d'un temps de travail de 1 607 heures, les 14 heures correspondant à ces jours fériés ne sont, dès lors, plus chômées ni rémunérées pour les fonctionnaires territoriaux alsaciens-mosellans. En effet, demander aux agents d'Alsace-Moselle d'effectuer le même nombre d'heures de travail que dans les autres départements revient à leur faire récupérer les heures correspondant aux deux jours fériés supplémentaires. »
Un certain nombre de communes alsaciennes, depuis la loi de 2019, ont voté des motions et des délibérations pour demander au gouvernement qu’une dérogation soit maintenue dans ces départements, et que le temps de travail des fonctionnaires territoriaux y soit ramené à 1 593 heures annuelles (1607 heures moins 14), pour éviter, dit la sénatrice, « une menace réelle et inacceptable pour le droit local, auquel les Alsaciens sont fortement attachés ».
Il faut toutefois signaler que la pétition en ligne lancée sur ce sujet ne rencontre pas un succès fulgurant chez « les Alsaciens » ou ailleurs, puisqu’elle ne recueille, à l’heure où nous écrivons, que 533 signatures.
Le gouvernement intransigeant
Interpellé au Sénat sur cette question, le 2 juin dernier, le gouvernement a répondu sans ambiguïté, par la voix du ministre chargé de la Ville et du Logement, Olivier Klein. « L’article 47 de la loi de transformation de la fonction publique a supprimé les régimes dérogatoires mis en place avant 2001. (…) Cet article concerne évidemment les collectivités de Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, qui se voient, par conséquent, appliquer la durée légale annuelle de travail effectif de 1 607 heures. »
Le gouvernement reconnait naturellement l’existence de deux jours fériés supplémentaires, dans la mesure où elle est prévue par le Code du travail et le Code général de la fonction publique, mais il estime que « ces dispositions ne font pas obstacle à la mise en place de 1 607 heures dans ces collectivités ». En effet, a poursuivi le ministre, « la durée légale du travail s'applique uniformément et indépendamment du nombre de jours chômés, qu'il s'agisse de jours fériés de droit commun ou des jours chômés propres [à ces] départements ». Dès lors, les collectivités concernées « ne sauraient se prévaloir des deux jours chômés évoqués pour définir une durée annuelle de travail inférieure à 1 607 heures sans méconnaître les dispositions applicables en la matière. La question de la rémunération particulière de ces deux jours est donc sans effet, dans la mesure où le volume annuel de travail reste bien celui qui a été fixé à l'échelle nationale, soit 1 607 heures. » Fermez le ban.
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