Budget 2025 : les députés rejettent le texte qu'ils avaient remanié au profit des collectivités
Par A.W.
C’est une première sous la Ve République. L'Assemblée nationale a rejeté, hier, la partie « recettes » du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, entraînant par là-même le rejet de l’intégralité d’un budget remanié au profit, notamment, des collectivités. L'examen de la partie « dépenses » n’y aura donc pas lieu.
La suite du parcours législatif du budget se passera désormais au Sénat, dont la composition est censée être plus favorable au gouvernement. Et c’est la version initiale du texte de l’exécutif qui y sera débattue (avec les amendements que ce dernier choisira) sans que le Premier ministre n'ait eu besoin d’utiliser l'arme constitutionnelle du « 49.3 »
« Barbouillis budgétaire »
Avec 362 voix contre et 192 en faveur de ce budget remanié, seule la gauche a soutenu ce texte fortement remanié à son initiative. La coalition gouvernementale (composée des élus Renaissance, Horizons, MoDem et LR), une bonne partie des députés Liot ainsi que l’extrême droite (les élus RN et les ciottistes de l’UDR) l’ont balayé, le jugeant « dénaturé » par rapport au projet initial de l’exécutif.
Durant les débats, celui-ci a, en effet, subi une série de revers face à des alliances de circonstances – très hétéroclites et mouvantes – d'élus issus de l’ensemble de l’échiquier politique qui n’ont cessé de se liguer les uns contre les autres puis les uns avec les autres. Brillant par leur absence dans l’Hémicycle, les élus du camp gouvernemental se sont même rangés à plusieurs reprises derrière les oppositions pour faire faire battre le gouvernement.
Le résultat des discussions des députés a abouti à « un barbouillis budgétaire qui n'a ni queue ni tête, qui n'a aucune cohérence interne, qui à 80 % ne pourrait pas s'appliquer et qui est donc indigne du respect que l'on doit aux Français et à notre assemblée », a notamment taclé le député Renaissance de Paris David Amiel.
Le président de la commission des finances, Éric Coquerel (LFI), s’est lui félicité, sur X, d’avoir réussi à « rendre ce texte NFP-compatible avec 75 milliards de recettes supplémentaires » en visant essentiellement les multinationales et les plus riches.
Regrettant une « accentuation de la dérive des comptes publics », le rapporteur général du budget, Charles de Courson (Liot), a expliqué que si « les amendements votés ces dernières semaines entraînent apparemment une hausse nette d’impôts de près de 64,8 milliards », ils aboutiraient en réalité à une « perte sèche de recettes fiscales de plus de 6 milliards d’euros ». « Nombre d’amendements adoptés, à hauteur de 50 milliards, ne respectent ni nos droits constitutionnels ni le droit européen, voire sont inapplicables », a-t-il déploré lui aussi sur X.
Retour de la CVAE et hausse de la DGF enterrés
Un rejet du budget qui ne fait pas les affaires des collectivités puisque les députés avaient largement remanié celui-ci en leur faveur.
Alors que le gouvernement compte ponctionner 5 milliards d’euros (fonds de précaution et rabotage de la TVA et du FCTVA) l’an prochain sur leurs recettes – sans compter la baisse de 1,5 milliard du Fonds vert, la suppression de près de 2 milliards de « subventions de fonctionnement et d’équipement aux collectivités » ou encore la hausse de 1,3 milliard des cotisations CNRACL – , l’Assemblée nationale avait adopté une série de dispositions plutôt favorables.
Fin octobre, les députés avaient ainsi décidé, en séance, de rétablir graduellement la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), tandis que le gouvernement prévoit seulement de reporter de trois ans sa suppression totale.
Vendredi dernier, ils avaient également validé l'indexation de la DGF sur l'inflation via des amendements insoumis, communiste et RN. Ce qui aurait permis une hausse de près de 500 millions d’euros de cette dotation.
Dans la foulée, ils s’étaient opposés à la réduction du taux et au recentrage du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) – qui doit diminuer de 800 millions d’euros – et avaient choisi d’assouplir la ponction de 1,2 milliard d’euros sur le montant de TVA. Via deux amendements RN, ils proposaient que les départements ne soient pas concernés par cette dernière mesure et que le montant de fraction de TVA affecté aux régions métropolitaines ne soit « pas égal à l’année 2024, mais à l’année 2021 », permettant « un gain budgétaire d’au moins 500 millions d’euros ».
Logements sociaux : la RLS légèrement baissée
On peut également rappeler qu’en commission, ils s'étaient opposés au « fonds de précaution » , cette ponction de 3 milliards d'euros sur les recettes de quelque 450 collectivités les plus importantes.
Alors que l’Assemblée avait, par ailleurs, voté de multiples mesures pour lutter contre la crise du logement, la ministre du Logement, Valérie Létard, a annoncé hier, lors d'une audition au Sénat, que « le gouvernement proposera une baisse » de « 200 millions d'euros » de la réduction de loyer de solidarité (RLS), durant les débats budgétaires.
Ce prélèvement effectué par l'État sur les recettes des bailleurs sociaux – qui en réclament la fin – a été mis en place en 2018 pour compenser la baisse de cinq euros de l'Aide personnalisée au logement (APL) et représentait 1,35 milliard d'euros prélevés chaque année. Elle pourrait donc être plafonnée à 1,1 milliard d'euros en 2025 afin de « redonner des marges de manœuvre aux bailleurs ».
Quant à la rénovation énergétique des logements sociaux, la ministre dit avoir obtenu une enveloppe de 200 millions d'euros pour 2025, plus que ce qui était prévu initialement, mais moitié moins que la promesse de l'ancien ministre du Logement en 2023.
On peut également noter que le gouvernement a présenté hier un amendement prévoyant un soutien d'1,55 milliard d'euros pour la décarbonation de l'industrie.
Négociations attendues au Sénat
L’avenir du budget devrait, dorénavant, se jouer pour l’essentiel au Sénat, la chambre qui représente les collectivités territoriales et où la droite est majoritaire.
En effet, l’exécutif semble désormais espérer pouvoir valider son budget sans recourir à une succession de « 49.3 », mais plutôt en passant par la commission mixte paritaire (CMP), où les partis qui le soutiennent dans la coalition gouvernementale devraient être en mesure d’y avoir la majorité.
Pour y parvenir, il aura besoin des sénateurs et devra donc négocier avec les représentants des collectivités. Pour les rallier et pour que la CMP soit donc conclusive, Michel Barnier aurait ainsi déjà laissé entendre qu’il serait prêt à revenir sur l’économie de 800 millions d’euros annoncée sur le FCTVA, selon plusieurs sources citées récemment par Le Monde.
Dans ce cas de figure, resterait un ultime vote dans chaque chambre avec l'utilisation probablement inévitable d'un « 49.3 » à l'Assemblée nationale, où une motion de censure pourrait intervenir dans la foulée.
Consulter le texte rejeté par l'Assemblée nationale.
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