La liste des grands projets « hors ZAN » publiée
Par A.W.
Le sujet est générateur d’inquiétudes et de difficultés de compréhension. Le gouvernement vient de publier, ce week-end, au Journal officiel, un arrêté très attendu sur les objectifs ZAN relatif à la mutualisation nationale de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) des projets d'envergure nationale ou européenne d'intérêt général majeur (PENE).
Ce texte est particulièrement important pour les régions (qui ont été consultées et dont 14 sur 18 ont transmis un avis au gouvernement) puisqu’elles doivent faire évoluer « avant le 22 novembre 2024 » les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) – mais aussi le schéma directeur de la région d'lle-de-France (SDRIF), le schéma d'aménagement régional (SAR) et le plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDuC). Des documents de planification régionale qui doivent assurer la déclinaison territoriale des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols.
Sans compter que, tant que ce texte n’était pas publié, « la concertation entre le bloc communal et les régions ne [pouvait] être optimale », ont souligné les représentants des élus lors de la séance du Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) qui s’est tenue le 2 mai dernier sur ce qui n’était encore qu’un projet d’arrêté.
Objectif de réduction de 54,5 %
Pour rappel, si la loi Climat et résilience a prévu une réduction des nouvelles surfaces artificialisées d'ici 2030 par rapport à la décennie précédente (l’objectif étant de passer de 250 000 hectares à 125 000 hectares, avant d’atteindre une artificialisation nulle en 2050), une série d’adaptations a été décidée pour faciliter la vie des élus locaux et la territorialisation de ces objectifs. Le but étant de continuer de lutter contre l’artificialisation des sols tout en ne remettant pas en question les grands projets industriels ou d’infrastructures de transport.
Parmi ses mesures, il est ainsi prévu que les nouvelles surfaces artificialisées issus de ce qui est considéré comme des « grands projets » soient comptabilisées centralement au sein d’un « forfait national » de 12 500 hectares (pour la période 2021-2031), et non pas à l’échelon régional ou local.
En clair, si, dans une région, l’État décide d’implanter une infrastructure, la surface de celle-ci ne sera pas prise sur le quota de cette région, mais bien dans ce « forfait national ».
Dans ce cadre, 2 500 ha sont, d’un côté, consacrés pour les régions Île-de-France, Corse et les territoires d'Outre-mer, et de l’autre, précise l’arrêté, « 10 000 hectares font l'objet d'une péréquation entre les régions couvertes par un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) ».
Après péréquation, l’objectif pour ces dernières régions sera in fine de « réduire de l'ordre d'au moins 54,5 % leur consommation d'Enaf sur la période 2021-2031 par rapport à leur consommation constatée pour la période 2011-2021 ». Soit un plafond de consommation de 102 000 ha.
À noter, par ailleurs, que l’arrêté précise que les opérations de construction ou d'aménagement de postes électriques de tension supérieure ou égale à 220 kilovolts incluent « les postes de transformation du réseau public de transport », tout comme « les postes de répartition et des stations de conversion ».
Déjà 175 projets et potentiellement plus
Le texte fixe ainsi, en annexe, deux listes : une première qui comprend 175 projets d'envergure nationale ou européenne qui présentent un intérêt général majeur dont 167 avaient déjà été divulgués, en avril, et une seconde, « à titre strictement indicatif », qui comporte des projets qui ne sont, pour l’heure, pas aboutis mais pourraient devenir de grands projets à l’avenir.
Parmi la première liste des « grands projets » qui seront comptabilisés à part dans le décompte du ZAN, celle-ci concerne des projets industriels – tels que l’usine STMicroelectronic de Crolles dans l’Isère, une usine Framatome en Normandie ou encore l’extension des sites industriels d’Airbus en Occitanie – des constructions de centres pénitentiaires ou encore des infrastructures autoroutières, comme les aménagements A154/A120, entre les régions Centre-Val-de-Loire et Normandie.
En complément, il y a donc une deuxième liste de projets « susceptibles », cette fois, d’intégrer la première « à l'occasion d'une modification » ultérieure de l’arrêté. Mais, pour l’heure, « les informations disponibles […] ne permettent pas de statuer quant à leur inscription » dans la première liste.
Complexité et risque de contentieux
Regrettant comme souvent de devoir « se prononcer rapidement », les représentants des élus ont préféré, lors de la séance du Cnen, ne pas se prononcer sur cet arrêté et donc s’abstenir compte tenu des avis « divergents » et « disparates » des régions sur ce sujet.
Ce qui n’a pas empêché le collège des élus d’émettre « certaines réserves » et de considérer l’arrêté comme « prématuré » au regard de la « complexité » du dispositif.
Ils ont également critiqué la méthode de calcul. Ceux-ci craignent, en effet, « l’apparition de problématiques de comptabilisation de la consommation d’espace naturel au niveau local », tout en estimant que « le seuil retenu initialement n’est pas suffisamment élevé et que cet objectif est dès lors inatteignable ».
En outre, ils se sont dit « en désaccord avec le décompte initial » et redoutent « un risque de contentieux ». Ils s'interrogent « plus particulièrement » sur la valeur juridique de la seconde liste présentée dans l’arrêté, « notamment en cas de dépôt d'un recours contentieux ».
Révisable « à tout moment »
Reste que ce texte pourra « être révisé à tout moment et en tant que de besoin », indique le ministre de la Transition écologique, dans l’arrêté. Ce n’est pas vraiment une surprise puisque Christophe Béchu l’avait, là aussi, annoncé courant avril.
En effet, la seule première liste représenterait un total d’environ 11 900 hectares, ne laissant que 600 hectares pour l’ensemble des quelque 300 projets restants issus de la seconde liste. Pour ne pas abandonner ces derniers, le ministre de la Transition écologique avait expliqué que « le forfait de 12 500 hectares pourra être dépassé, il est évolutif, et sera remis à jour chaque année pour intégrer les nouveaux projets », et ce conformément à l’article 3 de la loi du 20 juillet 2023 qui précise bien qu’« en cas de dépassement du forfait […] le surcroît de consommation ne peut être imputé sur l'enveloppe des collectivités territoriales ou de leurs groupements ».
« Si finalement on ne réduit pas les surfaces artificialisées de 50 % sur la décennie, mais de 47 % ou 48 %, et bien j'assume ! », avait déclaré Christophe Béchu alors que le Cerema vient de dévoiler que la France artificialise toujours autour de 20 000 hectares par an, soit un ordre de grandeur similaire aux années précédentes.
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