Budget 2024 : les mesures que pourrait conserver le gouvernement, après l'adoption au Sénat de la partie « recettes »Â
Par A.W.
Après avoir largement remanié la partie « recettes » du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, les sénateurs l’ont adoptée, hier, par 219 voix pour et 103 contre.
Si le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, a salué, à l’issue du vote, les points de convergence entre l’exécutif et la « chambre des territoires » sur « la transition écologique », « la taxation des grandes infrastructures » ou encore « le soutien à l'activité économique » avec la « suppression de la CVAE », il a également mis en avant un certain nombre de divergences.
Soutien aux collectivités : « Vous avez été trop loin »
Il a notamment reproché aux sénateurs d’avoir été « trop loin dans le soutien aux collectivités territoriales » avec un « relèvement de 1,6 milliard d'euros » des prélèvements sur recettes au profit de ces dernières.
Sortant son « compteur », l’ancien député de Gironde a pointé l’augmentation de « 750 millions d'euros » du FCTVA, la reconduction du filet de sécurité énergie « à hauteur de 400 millions d'euros », la hausse de « 170 millions d'euros » de la DGF, l’instauration d’une dotation pour faire face aux dégâts des récentes intempéries ou encore le soutien exceptionnel aux départements, pour « 100 millions d'euros » chacun. « Quel succès, monsieur le rapporteur général ! », a-t-il ironisé.
« Vous parlez d'investissement et de transition écologique […], mais vous oubliez que 40 milliards d'euros de fiscalité locale ont disparu des caisses des collectivités depuis le début du quinquennat Macron », a rétorqué le sénateur du Pas-de-Calais Christopher Szczurek (SE). Sur les « 66 milliards d'euros annuels » d’investissements nécessaires à l'urgence de la transition climatique, « vous prévoyez d'y répondre à hauteur de 30 %, le reste - 70 % - étant dévolu aux collectivités territoriales... », a dénoncé la sénatrice LR Marie-Claire Carrère-Gée.
Celle-ci a assuré que le vote de son groupe serait, cette année, « avant tout un vote en responsabilité », en rappelant qu’il se tient « dans l'intérêt de la démocratie ». L’exécutif ayant recouru aux « 49.3 » à l’Assemblée, « la discussion de ce texte essentiel n'aura eu lieu qu'au Sénat », notamment « la seconde partie », a-t-elle souligné.
Des convergences : réforme des ZRR, hausse de DGF, DPEL…
Bien que l’augmentation de 170 millions d’euros de DGF décidée par les sénateurs ne devrait pas survivre à la navette parlementaire, l’exécutif a annoncé vouloir aller dans le même sens, lors du congrès des maires qui s’est tenu la semaine passée, en promettant une rallonge de 100 millions d'euros.
L’exécutif et la majorité sénatoriale ont surtout réussi, cette année, à se mettre d’accord sur ce qu’ils considèrent essentiel : ils ne souhaitent pas indexer la DGF sur l’inflation. Au grand dam des maires et des associations d’élus qui réclament la mise en place urgente d’une telle mesure.
Selon le rapporteur du budget au Sénat, Jean-François Husson (LR), il faudrait d’abord refondre cette dotation - dont le fonctionnement est devenu totalement incompréhensible - avant de penser à toute indexation. Celui-ci expliquait ainsi encore mercredi que, « sans réforme globale de cette dotation, l’indexation ne bénéficierait pas aux collectivités les plus en difficulté ».
Un autre compromis entrevu lors des débats entre le Sénat et le gouvernement porte sur la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR) qui vont devenir France ruralités revitalisation (FRR). Plusieurs amendements adoptés par les sénateurs doivent ainsi conduire à un assouplissement des critères financiers permettant de « faire entrer dans le zonage 4 000 communes de plus que prévu » et de mieux considérer la situation « spécifique » des communes de montagne (lire article ci-contre). Des annonces, là aussi, faites à l’occasion du congrès de l’AMF.
Le Sénat et le gouvernement ont également réussi à se mettre d'accord sur la réforme du soutien financier en faveur des communes nouvelles dans le but de garantir une certaine stabilité de leurs dotations après la fusion. La part d’amorçage de la dotation a ainsi été réévaluée à 15 euros par habitant (contre 6 euros initialement) avec l’accord de l’exécutif. La part « garantie », serait, elle, « calculée, pour les communes nouvelles créées avant le 2 janvier 2023, par rapport à la DGF perçue la dernière année d'éligibilité au pacte de stabilité et non pas par rapport à la DGF perçue en 2023 ».
Avec le soutien de l’exécutif encore, la « chambre des territoires » a aussi voté le versement effectif de la dotation « élu local » (DPEL) à « l'ensemble des communes de moins de 1 000 habitants » grâce à la suppression du critère de potentiel financier pour l’éligibilité. Près de 3 000 communes seraient concernées. Les attributions individuelles seraient, en outre, conservées à leur niveau actuel, en maintenant notamment le niveau de la majoration de DPEL pour « celles d’entre elles qui ne dépassent pas 500 habitants ». Là encore, Elisabeth Borne a annoncé, la semaine dernière, l’augmentation de cette dotation de 15 millions d’euros, dès l’année prochaine.
Les sénateurs, ont, par ailleurs, renforcé le dispositif d'assouplissement des règles de liens entre les taux de fiscalité locale adopté à l’Assemblée, là aussi sans opposition de l'exécutif. Pour les communes, il sera possible d’augmenter sans lien le taux de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés dans « la limite de 5 % du taux moyen constaté dans les communes du département l’année précédente (au lieu de 5 % du plafond de 75 % de ce taux moyen) ». Les EPCI sont également concernés.
Des divergences : PTZ, meublés touristiques, filet de sécurité…
En parallèle, plusieurs mesures majeures votées par les sénateurs devraient être évincées par le gouvernement du texte final. Le maintien du prêt à taux zéro (PTZ) sur tout le territoire ne devrait ainsi pas survivre au souhait du gouvernement de le recentrer sur les seuls « logements neufs en collectif » dans les zones tendues ou sur « les logements anciens sous conditions de rénovation » en zone détendue.
Un sort identique devrait attendre le durcissement de la fiscalité des locations meublées touristiques (le taux d'abattement fiscal sur les revenus des meublés de tourisme a notamment été abaissé à 30 %, avec quelques dérogations). Mais ce point devrait, toutefois, revenir par le biais de la proposition de loi transpartisane qui a été déposée cette semaine à l’Assemblée et dont les objectifs en termes de fiscalité sont assez proches de ceux du Sénat.
La série d’aides accordées aux collectivités territoriales devraient également faire les frais de la navette parlementaire. Que ce soit la reconduction en 2024 du « filet de sécurité » énergétique, l’extension du FCTVA ou bien les deux aides de 100 millions pour les récentes intempéries et les départements. L'exécutif s'était également opposé à la suppression des variables d'ajustement lors des débats : en jeu, une perte de recettes de 67 millions d’euros pour les collectivités, dont 27 millions d’euros pour le bloc communal.
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