La situation financière des collectivités s'annonce « moins favorable » en 2023, selon la Cour des comptes
Par A.W.
Les années se suivent et ne se ressemblent pas. Après avoir connu une évolution financière « particulièrement favorable » en 2022, les perspectives économiques des collectivités s’assombriraient brutalement cette année. C’est la prévision de la Cour des comptes, dans le deuxième fascicule de son rapport annuel sur les finances locales, qu’elle a publié hier. Les départements seraient particulièrement touchés.
Besoin de financement en 2023 et en 2024
« Après avoir dégagé un excédent de financement de 4,8 milliards d’euros en 2022 », les collectivités devraient ainsi connaître, à l'échelle nationale, un besoin de financement qui s’élèverait à « 2,6 milliards en 2023 et 2,9 milliards d’euros en 2024 ».
Une « évolution moins positive » qui « reste à confirmer », mais qui s’explique par « des ressources fiscales moins dynamiques » et « des effets de l’inflation sur les dépenses », selon les magistrats financiers.
Alors que les recettes des collectivités, notamment de TVA (qui compense la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et la CVAE), progresseront « de manière ralentie » par rapport à 2022, « les dépenses d’achats de biens et de services, de rémunérations des agents, de prestations sociales et de frais financiers sont poussées à la hausse de manière directe ou indirecte par l’inflation », expliquent-ils.
Résultat, si « l’épargne du bloc communal continuerait à augmenter, […] celle des régions et, plus encore, des départements chuterait ». Reste que les dépenses d’investissement continueraient, elles, à augmenter, poussant les collectivités à puiser dans leur trésorerie ou à emprunter.
Communes : épargne brute et investissements en hausse
Dans ce contexte, l’amélioration de l’épargne des communes s’expliquerait par la « vive augmentation » de leurs recettes issues de la taxe foncière (et d’autres taxes telles que celle sur l’enlèvement des ordures ménagères), conséquence de la revalorisation des valeurs locatives cadastrales, mais aussi de la hausse des taux décidée par certaines collectivités. Sur ce point, la Cour rappelle d’ailleurs que 14 % des communes et 18,3 % des intercommunalités ont choisi de mettre en place une telle augmentation pour la taxe foncière sur les propriétés bâties, soit une proportion « comparable à celle des années précédentes ».
Fin septembre 2023, la hausse de l’épargne brute des communes s’établissait ainsi à « 21 % environ », tandis que les intercommunalités connaissaient « une légère diminution » de 3 %. Et cela, même si « les entités du bloc communal subiront la baisse des produits de droits de mutation à titre onéreux » (DMTO), « une augmentation inférieure à l’inflation » des recettes de TVA (qui compensent la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et celle de la CVAE) et elles devront supporter « le plus les conséquences directes et indirectes de l’inflation » sur leurs dépenses de personnel et d’achats de biens et de services.
À noter que, au cours des neuf premiers mois de l’année 2023, le montant des dépenses d’investissement des communes et des intercommunalités, a d’ailleurs continué à augmenter à hauteur respectivement de 10,6 % et de 6,9 %. Des chiffres de progression à relativiser au regard de l’inflation dans le BTP.
Les départements victimes d’un « effet de ciseau »
De leur côté, les régions et, plus encore, les départements devraient subir une chute de leur épargne brute (- 12 % pour les premières et - 39 % pour les seconds à la fin septembre 2023) par rapport à la même période de l’année 2022. La chute de l’épargne brute des départements en 2023 pourrait même « effacer l’augmentation intervenue entre 2018 et 2022, années pour lesquelles la dynamique des recettes des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) avait permis à l’épargne des départements de progresser ».
Au contraire, cette année, ils vont souffrir du fort ralentissement du marché immobilier, un cinquième de leurs rentrées d'argent provenant des DMTO. Et, contrairement à 2022, les dépenses sociales des départements vont augmenter en 2023 à un rythme plus rapide que l’inflation. « Un "effet ciseau" défavorable apparaît ainsi en 2023 entre l’accélération du principal poste de dépenses et la chute de l’un des premiers postes de recettes », observent les magistrats financiers alors que plusieurs présidents de départements ont récemment dénoncé le coût, qu'ils ne jugent plus supportable pour leurs finances, de l'Aide sociale à l'enfance (ASE).
Reste que le montant des dépenses d’investissement des départements – mais aussi des régions – a continué à augmenter (à hauteur respectivement de + 3,8 % et + 5,6 %) lors des neuf premiers mois de l’année.
Encadrement de l’ensemble des transferts de l’État
Pour autant, malgré une situation financière jugée « moins favorable » en 2023, la Cour réitère, une nouvelle fois, son souhait de voir la contribution des collectivités territoriales au redressement des finances publiques se « concrétiser ». Comme elle l’a déjà fait, notamment, lors de la publication de son premier fascicule début juillet.
Comme elle l’a aussi déjà recommandé récemment, elle préconise « un ralentissement de l’évolution des transferts financiers de l’État, pris dans leur globalité » (en intégrant notamment les affectations de recettes de TVA qui compensent la suppression d’impôts locaux) afin de « contribuer à la réalisation de l’objectif de diminution en volume des dépenses de fonctionnement fixé par le projet de loi de programmation » des finances publiques pour 2023 à 2027, qui avait été retoqué l’an passé (après l’utilisation, fin septembre, du « 49.3 » par Élisabeth Borne lors de sa nouvelle lecture à l’Assemblée, le Sénat vient d’amender le texte).
Une proposition qui fait l'unanimité contre elle. Ce serait une perspective « incompréhensible et inacceptable » pour France urbaine, dans sa réponse à la Cour, alors que les régions se sont dit « fermement opposées à tout encadrement de la dynamique des fractions de TVA qui leur ont été allouées ». « Une telle mesure ne ferait qu'accroître la défiance entre l'État et les collectivités territoriales », déplore de son côté Départements de France.
Selon la Cour, il apparaît, par ailleurs, « nécessaire » de résorber le déficit « massif et croissant » de la caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers (CNRACL) à travers « une hausse continue des taux de cotisation des employeurs territoriaux et hospitaliers ».
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