Finances locales en 2022 : un premier bilan meilleur qu'annoncé, mais des perspectives incertaines pour 2023
Par A.W.
Une situation financière des collectivités pour 2022 meilleure qu’annoncée. C’est ce que laisse entrevoir la Direction générale des finances publiques (DGFiP), dans un bilan comptable des finances locales qu’elle vient de publier. Un état des lieux au 31 janvier 2023 qui ne tient toutefois compte que des budgets principaux.
Sous l’impulsion de la hausse des recettes fiscales (+ 5 %, soit 7,3 milliards d'euros de plus), les recettes de fonctionnement de l’ensemble des collectivités ont ainsi progressé de 4,8 % en 2022, alors que leurs dépenses ont, elles, augmenté de 4,5 %.
Dans le détail, les frais de personnel ont crû de 5 % et les achats et charges externes de 8,7 % sous l’effet d’une inflation historique, du dégel du point d’indice et d’une hausse des taux d’intérêt. En revanche, souligne la DGFiP, « une diminution est constatée sur les aides à la personne versées par les départements et les collectivités territoriales uniques (CTU) d’outre-mer (-1,8 %) ».
Épargne brute : une hausse mesurée pour les communes
Résultat, l'épargne brute globale des collectivités locales (différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement), qui a atteint 38,7 milliards d’euros à la fin janvier 2023, a augmenté de 5,9 % sur un an et a été « supérieure à celle de 2019 », expliquent les auteurs de la note. D’ailleurs, ils constatent que toutes les strates de collectivités sont concernées.
Mais si « une très forte dynamique » est visible pour les groupements à fiscalité propre (+ 11,8 %) et les régions (+ 8,8 %) depuis un an, l'augmentation de la capacité d’autofinancement des communes a, en revanche, été « plus mesurée », à hauteur de 2,5 %.
Après déduction des remboursements de la dette, l'épargne de l’ensemble des collectivités locales a même progressé de 8,8 % sur un an (soit 24,5 milliards d'euros), et reste là aussi supérieure à ses niveaux de 2021 (22,5 milliards d’euros à fin janvier 2022) et de 2019 (20,5 milliards d’euros à fin janvier 2020), selon la DGFiP. Toutes les strates sont également concernées, à l’exception cette fois des régions, dont l’épargne nette est légèrement en retrait.
S’agissant des dépenses d’investissement, elles ont également augmenté pour toutes les strates de collectivités en 2022. Notamment pour le bloc communal (+ 8 %, contre + 0,8 % pour les régions et + 3,9 % pour les départements).
À l’AMF, on rappelle toutefois ce matin que la hausse des investissements de l’an passé est « due à la fin des reports des investissements non réalisés en 2020 en raison de la crise sanitaire, mais aussi à l’effet prix qui conduit à une augmentation en valeur des montants ». Dans le même temps, « les marchés publics sont revus à la baisse en raison de l’inflation et la hausse des investissements (+ 8 %) en 2022, ajoutée celle de 2021 (+ 4,3 %), ne comble pas la baisse de 2020 (- 13,5 %) ».
De son côté, la trésorerie des collectivités a atteint les 57,2 milliards d’euros, en progression, là aussi, par rapport à fin janvier 2022 (56,6 milliards d'euros), avec une forte hausse pour les communes (+ 8,1 %), avec près de 31 milliards d’euros de dépôt au Trésor, et les groupements à fiscalité propre (+ 12 %), avec près de 12 milliards d’euros. En revanche, les régions ont connu une forte baisse (- 53,7 %).
Toujours des incertitudes pour 2023
Des résultats meilleurs que prévu donc – notamment au regard des estimations de La Banque postale, dans sa note de conjoncture de septembre dernier – qui laissent présager un montage des budgets pour l’année 2023 un peu plus aisé qu’initialement escompté. À l'automne dernier, devant le manque de visibilité, le quart des communes qui votent habituellement leur budget en décembre avaient quasiment toutes décidé de décaler leur rapport d’orientation budgétaire et leur vote du budget au mois de mars.
Dans un contexte inflationniste, l’AMF précise cependant que « cette analyse de la DGFiP correspond pour l’essentiel à la journée complémentaire de l’année 2022, les chiffres étant à rattacher pour l’essentiel à l’année 2022 ».
L'association redoute ainsi que l'accélération des dépenses de fonctionnement du bloc communal ne se poursuive en 2023 et ne génère un retour de « l’effet de ciseaux » sur les budgets locaux.
« En janvier 2023, l’inflation augmente encore de 6 %, après 5,9 % en décembre, en raison notamment de la hausse des prix de l’alimentation (+ 13,2 %) et de ceux de l’énergie (+ 16,3 %) », rappelle-t-elle. Par ailleurs, « la Banque de France prévoit une hausse des taux d’intérêt jusqu’à la fin de septembre 2023 », sans compter « un risque systémique sur les prêts adossés au Livret A dont le taux a triplé entre février 2022 et février 2023 », pour atteindre les 3 %.
Malgré des recettes dynamiques (revalorisation des valeurs locatives de 7 %, compensation de la CVAE en progression de 20 % ou encore augmentations de la DGF et de la TVA) et la mise en place de mesures visant à soulager les budgets locaux (amortisseur électricité, filets de sécurité et bouclier tarifaire), ces hausses de recettes « risquent » pourtant de ne « pas couvrir la hausse des dépenses », selon l’association. Si elle estime que le niveau d’épargne « pourrait se maintenir » cette année, elle explique que, « face aux difficultés, l’objectif des collectivités du bloc communal pour 2023 serait de maintenir l’offre de service à la population ».
Investissement : la « variable d’ajustement » ?
Mais pour y parvenir, les élus locaux se préparent à devoir rogner leurs programmes d'investissement. En effet, dans une enquête auprès de quelque 4 800 collectivités, celle-ci constate que près des trois quarts des communes (71 %) prévoient de réduire leurs investissements quand plus de la moitié d’entre elles (56 %) envisagent d’augmenter les tarifs de leurs services publics.
L’année 2023 risque ainsi « d’enregistrer une moindre mobilisation de l’épargne pour financer l’investissement, ce qui pourrait du même coup ne pas permettre de mobiliser les dotations de l’État ». L'éligibilité au filet de sécurité est notamment conditionnée à une perte de l'épargne brute de 15 % au minimum… La concertation a d’ailleurs été relancée pour que celui-ci soit « amélioré » .
Dans ces conditions, l’AMF se demande si les investissements ne vont pas devenir la « variable d’ajustement en 2023 » du fait notamment de la poursuite de l’inflation et en particulier la hausse des taux d’intérêts et du Livret A qui vont « peser » sur les programmes d’investissement « jusqu’à la fin du mandat » : « L’emprunt annuel finance en effet environ un tiers de dépenses d’investissement. Et même si l’inflation se stabilise, les prix ne retrouveront pas leur niveau d’avant crise ce qui conduit dès à présent, à revoir à la baisse tous les programmes d’investissement », déplore l’association.
Télécharger la note de la DGFIP.
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