La Cour des comptes propose d'affecter les impôts locaux « uniquement » au bloc communal
Par A.W.
Recentrage complet des impôts locaux sur le bloc local, création d’une dotation d'action sociale pour les départements et accroissement des impôts nationaux pour les régions. À la demande de la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes a engagé, en début d’année, une réflexion sur des scénarios de financement des collectivités territoriales et vient de publier ses préconisations. Résultat, elle propose un grand bouleversement du système actuel.
Ces conclusions, qui interviennent dans un contexte où la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et la baisse des impôts de production ont profondément modifié le panier de recettes de tous les niveaux de collectivités depuis 2021, ne font d’ailleurs pas l'unanimité chez les représentants des élus locaux.
Un système « à bout de souffle »
Très critiqué, le système de financement des collectivités est jugé « à bout de souffle » et « manqu[ant] de lisibilité et de prévisibilité ». « Des ressources issues d’une sédimentation historique, sans révision d’ensemble, rendent aujourd’hui ce financement peu compréhensible tant pour les responsables locaux que pour les contribuables, avec des inégalités qui se creusent entre certains territoires », constatent les auteurs du rapport, qui observent que, « en dépit d’un consensus sur le diagnostic, les propositions de réformes ne sont pas évidentes tant les attentes sont diverses et difficilement conciliables ».
En s’inspirant des modèles observés à l’étranger, la Cour a donc examiné plusieurs scénarios d’évolution du système de financement des collectivités locales à partir de trois options consistant à « pousser au maximum un type de ressources » : un financement essentiellement par des ressources locales (impôts locaux, redevances), un renforcement des impôts nationaux partagés ou une part croissante de dotations de l’État.
Elle en a conclu qu’une réforme du financement des collectivités locales supposerait plusieurs années de transition, mais devrait « trouver un équilibre » entre autonomie et solidarité selon les niveaux de collectivités et leurs missions.
La fiscalité locale entièrement affectée au bloc communal
La Cour a ainsi élaboré un scénario qui bouleverserait le système actuel en recentrant entièrement la fiscalité locale sur le bloc communal, qui en deviendrait « le principal affectataire ». En dotant les communes et les EPCI de l’intégralité du produit des impôts locaux, jusqu’à 80 % de leurs recettes pourraient être couvertes, en tenant compte de l’annonce du gouvernement de substituer la CVAE par de la TVA. Une dotation de fonctionnement des communes complèterait ce nouveau schéma dans le but de « garantir le financement d’un niveau homogène des services publics locaux sur le territoire ».
Le bloc communal verrait ainsi son « autonomie financière progresser », tout en ayant « plus de responsabilité ». Dans ce scenario, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) seraient transformés en impôt national et affectés au bloc communal avec « des critères de répartition permettant une affectation plus équilibrée en fonction des charges et non plus en fonction du lieu des transactions immobilières ».
Seulement, comme le rappellent les auteurs du rapport, les premiers concernés – aussi bien les représentants des départements que l’AMF - s’opposent à ce transfert et à la perte de tout levier fiscal pour les départements. Ceux-ci estiment, en effet, que « le renforcement de la péréquation et des dispositifs de mise en réserve depuis 2021 était de nature à répondre aux problèmes de disparité et de volatilité de cette recette », rappellent les magistrats financiers.
Départements et régions : plus d’impôts nationaux
Lors de son audition, hier, devant la commission des finances du Sénat, le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a rappelé que « les marges de progression des ressources locales dans le financement des collectivités sont désormais limitées, sauf à recréer un impôt résidentiel touchant le plus grand nombre ». Un « choix politique » qui se révèlerait « lourd », a fait valoir Pierre Moscovici, le rapport pointant son « faible rendement » et « un risque d’inégalités ». En outre, les marges dont parle l’ancien commissaire européen aux Affaires économiques seraient « essentiellement mobilisables pour le bloc communal, et donc pas pour les autres ».
Resterait donc à accorder une part plus importante de la fiscalité nationale partagée pour les départements et les régions. Afin de leur permettre de faire face à leurs dépenses sociales, les premiers se verraient ainsi attribuer une dotation d’action sociale, qui viendrait compléter un panier d’impôts nationaux composé d’une fraction de TVA, de la taxe sur les contrats d'assurance et d’une fraction de 10 % d’impôt sur le revenu. Les régions, elles, se verraient affecter deux impôts nationaux, dont la TVA et une fraction de 12 % de l’impôt sur les sociétés.
Cependant, Pierre Moscovici a prévenu : si la part de TVA peut être encore « un peu augmentée », il serait « dangereux » de « priver l’Etat d’une ressource dynamique ».
Réformer le CFL
Alors que les représentants des collectivités ne se sentent souvent pas suffisamment associés en amont aux décisions prises, la Cour estime qu’« aucune réforme profonde du système de financement des collectivités locales ne sera possible sans un climat de confiance avec l’État, sans une concertation mieux structurée et fondée sur un partage et une appropriation plus forte des données ».
Pour y parvenir, elle propose de créer une « autorité indépendante » dotée de services et chargée d’organiser ce dialogue. À défaut, elle préconise de faire « évoluer la composition et les missions du comité des finances locales (CFL) ». Cela pourrait également s’accompagner « d’une capacité des intercommunalités qui le souhaitent de décider de modalités dérogatoires de répartition des ressources ».
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Sobriété énergétique : une enveloppe de 220 millions d'euros pour les collectivités