ZAN : les élus souhaitent davantage s'impliquer dans les conférences des SCoT et être mieux accompagnés par l'État
Par Martine Kis
« Globalement, nous n’avons aucun retour de ce qui se passe en conférence des SCoT », a déploré lors de cette réunion Constance de Pélichy, maire de la Ferté-Saint-Aubin, coprésidente de la réunion et de la commission aménagement, urbanisme, habitat, logement de l’AMF. « La conférence des SCoT fait le moins de bruit possible et associe a minima », confirmait Jean-Paul Legendre, président de l’AD de l’Eure. La situation semble tout de même différente selon les régions – elle est par exemple, selon les témoignages, moins tendue dans les Hauts-de-France.
Sujet récurrent pour les élus : comment différencier les territoires qui ont consommé beaucoup de foncier et ceux qui ont été « vertueux » ? « Quand on délivre 500 permis de construire (PC) par an, diminuer de 50 % n’est pas un souci. Mais c’est aberrant avec un permis de construire par an », s’agace Alain Sanz, président de l’AD des Pyrénées-Atlantiques qui donne l’exemple de refus de permis de construire par l’administration car le quota de 50 % de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) par rapport aux dix dernières années est déjà atteint. Comme d’autres présidents d’AD, il déplore que le décret Sraddet ne prenne pas en compte explicitement les efforts passés ni les besoins en revitalisation rurale qui, selon le ministère, devraient être pris en compte par les régions. Autre inquiétude : la territorialisation du ZAN est renvoyée aux règles du fascicule du Sraddet, alors que le législateur voulait les intégrer au document d’objectifs du Sraddet. « Je préfère les choses écrites aux choses dites », résume Alain Sanz.
Grands projets structurants
Les communes rurales ne se sentent pas responsables de la consommation d’ENAF de ces 30 dernières années. « Elles sont pourtant soumises au même traitement que les métropoles », déplore Christian Montin, président de l’AD du Cantal. Et les conférences des SCoT ne rassurent pas sur ce point. « Nous sommes dominés dans le discours par le monde urbain qui phagocyte l’espace », relève Jacques Oberti, président de l’AD de Haute-Garonne.
La question des grands projets structurants est aussi source d’inquiétudes. Pour Pauline Martin, présidente de l’AD du Loiret, l’AMF devrait demander une définition précise de ces projets. Nathalie Fourneau, responsable du département Aménagement des territoires de l’AMF, a rappelé que le décret Sraddet laisse la possibilité à la région de prendre en compte ces projets dans le plafond régional, avant la territorialisation. Mais il n’est a priori pas possible d’en exclure les projets d’envergure départementale. De son côté, le décret sur la prise en compte des installations de production d’énergie photovoltaïque au sol qui sortira en juin prochain, permettra de déroger à la définition de l’artificialisation des sols, dans la limite de la protection des activités agricoles. Un souci de moins pour les élus.
Marielle Muret-Baudoin, vice-présidente de l’AD d’Ille-et-Vilaine, s’inquiète des investissements souvent lourds qui ne pourront aboutir en raison des restrictions à l’urbanisation. Comment faire lorsqu’une ZAC multi-sites, « avec un peu d’extension urbaine pour payer la rénovation urbaine », est bloquée ? Comment soutenir les projets de réindustrialisation, de développement d’entreprises ou d’artisans locaux lorsqu’il n’y a plus de foncier ? « La question financière inquiète l’AMF, confirme Constance de Pélichy. Elle a été éludée par l’État, alors qu’elle est cruciale ». Le seul outil financier disponible, dont la pérennisation est confirmée, est le fonds friche. Encore faut-il disposer de friches…
Les craintes s’accumulent concernant la spéculation sur le foncier, « déjà bien lancée » pour Éric Vuillemin, secrétaire général de l’AD de l’Aube. En janvier 2034, les 4,4 millions de logements classés E, F ou G pour leur performance énergétique ne pourront progressivement plus être loués. S’il est impossible de construire du logement accessible, en raison du ZAN et de la spéculation foncière, une crise majeure du logement s’annonce.
Pour les élus, il est essentiel que les élus puissent se faire entendre aussi bien de l’État que des conférences des SCoT et des régions. « L’AMF a fait entendre sa voix, mais l’État n’est pas très à l’écoute », regrette Constance de Pélichy qui appelle les maires à interpeller les présidents de SCoT par le biais de conférence des maires, réunis à l’échelle des SCoT et qui donneraient mandat au président pour représenter les élus de son territoire. Sinon, le risque est de voir « les gros pôles urbains capter une part importante des surfaces à artificialiser ; ce serait la mort des territoires ruraux » , conclut Constance de Pélichy. Le temps est compté : les conférences des SCoT doivent avoir rendu leurs propositions pour le 22 octobre 2022.
Consultation des élus
Rappelons que sur ce sujet du ZAN, le Sénat a lancé une consultation en ligne destinée aux élus locaux, afin de « donner aux élus la parole pour identifier et résoudre les difficultés concrètes ». Lancée le 19 mai, cette consultation vise à recueillir le plus grand nombre de témoignages possible : « De l’évolution des documents d’urbanisme à l’impact sur les permis de construire, en passant par les moyens à la disposition des élus pour valoriser les friches ou "désartificialiser" les sols, le questionnaire mis en ligne permettra à l’ensemble des collectivités d’informer le Sénat de leurs difficultés et de transmettre leurs suggestions. »
Les élus peuvent répondre à la consultation sur une page dédiée du site du Sénat.
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