10 millions d'euros pour faire des Pyrénées-Orientales un « démonstrateur » de la gestion de l'eau
Par Emmanuel Guillemain d'Echon
Cinq axes et dix millions d’euros pour sept projets prioritaires : c’est le contenu du « plan de résilience pour l’eau » dévoilé ce matin dans les Pyrénées-Orientales par le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, dans l’idée de faire du département « un démonstrateur des solutions et processus d’adaptation pour une gestion sobre et résiliente de l’eau ».
Il faut dire que si les Hauts-de-France ont été balayés par les inondations cet hiver, le département le plus au sud du pays est, lui, frappé par une sécheresse à la durée et l’intensité exceptionnelles : plus de deux ans de déficit de pluies, des cours d’eau, comme le fleuve Agly, à sec en plein hiver, et des nappes à des niveaux historiquement bas, « jusqu’a 90 % de déficit hydrométrique des sols » (lire Maire info des 11 mai 2023 et 17 avril 2024). Douze communes sont en rupture partielle ou totale d’approvisionnement en eau potable, et 50 (sur un total de 226) sont à risque. Pour la moitié d’entre elles, s’y ajoute un problème de fuites dans les réseaux avec au moins 1 litre sur 3 perdus avant l’arrivée au robinet.
La sécheresse a également lourdement affecté l’agriculture, qui repose beaucoup sur l’irrigation : - 30 % de vendanges et de production de fruits en 2023, plus de 50 hectares d’arbres fruitiers perdus, et jusqu’à 50 % de pertes dans la production maraîchère.
10 millions d’euros sur sept projets « sans regret »
Les 10 millions d’euros, qui seront abondés par l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, ne suffiront pas à régler les problèmes de réseaux, sauf pour le secteur prioritaire de l’Ille-sur-Têt, le reste étant fléché sur six autres projets, dont trois de réutilisation des eaux usées traitées (Reut) sur la côte, et trois autres concernant l’irrigation de la plaine maraîchère, avec notamment une amélioration du canal de Perpignan, créé au 14e siècle, qui « nécessite des travaux et une refonte de son mode de gestion ».
Ces projets sont présentés comme « sans regret » par le ministère, c’est-à-dire « qu’ils font consensus au niveau local et seront bénéfiques quels que soient les effets du changement climatique ».
Le plan présenté par le ministre intègre également d’autres projets déjà lancés par ailleurs, mais encore au stade de l’étude, comme l’aboutissement du programme « Aqua Domitia » permettant d’irriguer le département ainsi que l’Aude et l’Hérault avec l’eau du Rhône – les études devraient être abouties d’ici « fin 2025 », ou une étude engagée par le conseil départemental visant à déterminer l’usage des 6 à 10 millions de mètres cube d’eau rejetés dans la mer par la station d’épuration de Perpignan, potentiellement réutilisables pour l’irrigation agricole.
Contrôle des forages et transfert de la compétence eau
L’un des points qui fera sans doute grincer des dents, notamment chez les agriculteurs, est la « régularisation des prélèvements » avec un contrôle accru des forages, dont nombre, dans le département, ne sont pas déclarés, et sur les prélèvements desquels il n’y a aucune visibilité.
Une déclinaison du plan eau national vise en effet à faire des Pyrénées-Orientales l’un des douze territoires-pilotes de l’expérimentation des compteurs avec télé-relève.
Le plan ambitionne également de réorganiser et centraliser la gouvernance de l’eau, notamment dans le secteur de l’irrigation, avec la structuration des « 200 associations syndicales autorisées (ASA) dans une logique de mutualisation d’organismes uniques de gestion collective (OUGC) pour les canaux et eaux souterraines », avec un accompagnement de l’Etat et de la Chambre d’agriculture.
Autre point polémique, le ministère insiste sur la finalisation du transfert, d’ici 2026, de la compétence eau potable aux EPCI, soulignant que 58 % des communes à risques sont des « communes isolées ou de très petits syndicats intercommunaux d’adduction d’eau potable ».
Le plan prévoit enfin de « répondre aux crises sécheresse » en testant un « plan Orsec eau potable » et en organisant en juin « une cellule interministérielle de crise-anticipation sur les enjeux eau et incendie », ainsi qu’en tenant à jour le site VigiEau, « permettant a tous les usagers de disposer d’une information simple sur les restrictions des usages de l’eau qui s’appliquent ».
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